roms
Question de :
M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains
M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'exploitation des enfants roms, contraints de commettre des vols. Comme le révèle plusieurs affaires judiciaires récentes, se développent sur le territoire français des réseaux structurés d'exploitation de mineurs. Il souhaiterait connaître ses intentions à ce sujet.
Réponse publiée le 31 mars 2015
La traite des êtres humains aux fins de contraindre des mineurs à commettre des délits comme des cambriolages ou autres vols à l'arraché, est un phénomène qui touche la France mais aussi de nombreux autres Etats européens. Les différents échanges de renseignements opérés dans le cadre de la coopération policière et judiciaire comme les rapports « pays par pays » du Groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) ou de la Commission européenne, confirment cette tendance. Cette forme de traite des êtres humains vient s'ajouter à celles visant à placer des personnes dans des situations d'esclavage, de servitude, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à la dignité ou à les soumettre au proxénétisme ou à la traite aux fins de prélèvement d'organes, même si cette dernière forme de traite n'a jamais été constatée en France. La traite aux fins de contraindre des majeurs ou des mineurs à commettre tout crime ou délit étant précisément sanctionnée par l'article 225-4-1 du code pénal, elle fait donc l'objet d'enquêtes diligentées par les services de police et les unités de la gendarmerie nationale, procédures qui ont débouché sur plusieurs condamnations parmi lesquelles celle confirmée par la Cour d'appel de Paris (Arrêt dit « Hamidovic » du 13 mai 2014). Trois difficultés majeures caractérisent ces enquêtes : - Tout d'abord, les réseaux impliqués dans des faits où ils ont contraint des mineurs à commettre des cambriolages opèrent soit sur le territoire français, soit dans des pays frontaliers comme le Luxembourg ou la Suisse. - Ensuite, l'identification des mineurs auteurs d'infractions demeure compliquée car ces derniers, enjoints en cela par les commanditaires, refusent de communiquer leur identité et leur nationalité. L'échange de renseignements opérationnels avec des États partenaires comme l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne démontre que les États sont parfois confrontés aux mêmes mineurs (déplacés par les groupes criminels dés qu'ils sont identifiés par les polices locales). - Enfin, du fait de la mise en cause pénale des mineurs comme auteur et non comme victime, un certain nombre d'entre eux sont considérés comme délinquants et traités comme tels. Ainsi, comme il est primordial de trouver des solutions à cette forme de criminalité et à la protection des mineurs qui en sont les victimes. La France se doit par ailleurs d'appliquer la directive anti-traite de l'Union européenne du 5 avril 2001 comme la Convention anti-traite du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005. Le Gouvernement a adopté un « Plan national contre la traite des êtres humains 2014-2016 ». Présenté en Conseil des ministres le 14 mai 2014, il est mis en oeuvre sous l'égide de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), elle-même rattachée au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Parmi la vingtaine de mesures mises en place dans ce plan, l'identification et l'accompagnement des victimes de la traite y compris les enfants est l'une de celles qui permettra de mieux lutter contre la forme de traite précitée. A ce titre, un groupe de travail interministériel a été créé au sein de la MIPROF pour traiter des difficultés relatives à la prise en charge des mineurs. La direction générale de la gendarmerie nationale comme la direction générale de la police nationale et les offices centraux de police judiciaire y participent aux côtés des ministères concernés. En second lieu, un guide interministériel visant à identifier les victimes de traite et, ainsi, à détecter ceux des mineurs délinquants qui commettent des infractions sous l'emprise de la contrainte, est également sur le point d'être finalisé, toujours sous l'égide de la MIPROF. Issu du projet « EuroTrafGuid » qui, initié par la France et co-financé par cette dernière, la Commission européenne et la Bulgarie, l'Espagne, la Grèce, les Pays-Bas et la Roumanie, ce guide est désormais promu au niveau européen pour que tous les services d'enquêtes et les magistrats des Etats membres de l'UE utilisent des critères identiques de détection des victimes de traite. Cette détection des victimes, alors qu'elles sont en apparence les auteurs d'une infraction, est cruciale car elle permettra, en application de la règle dite de non sanction issue de la Convention anti-traite du 16 mai 2005 et de la directive du 5 avril 2011, d'éviter que ces mineurs ne soient injustement poursuivis devant les tribunaux alors qu'ils ont été contraints de commettre des infractions. En troisième lieu, le ministère de l'Intérieur souhaite, avec les autres ministères concernés et sous l'égide de la MIPROF, qu'une solution soit rapidement trouvée pour éviter que les mineurs victimes de traite aux fins de contrainte à commettre des délits ne soient hébergés dans des foyers de l'Aide sociale à l'enfance situés dans des départements où ils ont été contraints de commettre les délits. La solution que prône ce ministère consiste à placer les mineurs loin du département où résident les trafiquants. Enfin, ce ministère continue, à l'instar du ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères, à soutenir dans toutes les enceintes européennes concernées toute initiative permettant d'assurer l'application harmonisée des règles de protection des victimes de traite dont les mineurs contenues dans la directive anti-traite du 5 avril 2011 et la Convention du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005. En outre, il veille à une utilisation systématique par les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale des canaux de coopération policière européens et internationaux et de l'alimentation des bases de données administrées par l'Office européen de police (Europol) dont le sous-projet thématique (focal point) « Phoenix » qui collecte des données transmises par les services enquêtes des Etats membres d'Europol sur des infractions de traite. Cette coopération avec Europol permet ainsi d'effectuer des rapprochements entre les faits, les auteurs et les victimes dans les enquêtes ouvertes sur des faits de traite des êtres humains. A ce titre, le ministère de l'Intérieur proposera bientôt à ses partenaires européens qu'un groupe-cible soit créé au sein d'Europol et décliné à partir de Phoenix pour se consacrer à la traite des mineurs aux fins de les forcer à commettre des délits ou d'exploiter leur mendicité.
Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 15 juillet 2014
Réponse publiée le 31 mars 2015