Question de : M. Patrice Prat
Gard (3e circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

M. Patrice Prat interroge M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique sur l'actualité des réformes à venir en matière d'achat public. En effet, selon le rapport 2012 de l'Observatoire des achats publics, l'ensemble des achats publics français (État, collectivités territoriales et opérateurs) représentait un montant total de 75,5 milliards d'euros. Ce sont autant de fonds qui peuvent venir alimenter l'économie française et donc l'emploi sauf lorsque les achats viennent grossir les importations. Aujourd'hui, le code des marchés publics ne permet pas à la puissance publique de favoriser les entreprises fabriquant sur le territoire français et européen, à la différence d'autres pays, malgré les accords de l'OMC en la matière. Les États-unis, par exemple, sont dotés de plusieurs lois qui leur permettent de favoriser l'achat de produits américains : le « small business act » réserve une part de l'achat public aux PME nationales et « l'american buy american act » impose à la puissance publique l'achat de biens produits sur le territoire américain (et même à des tiers qui effectuent des achats pour des projets utilisant des fonds publics tels que les autoroutes ou les programmes de transport). Lors du débat sur la révision des directives sur les marchés publics, il était question de l'introduction d'un dispositif similaire pour protéger les entreprises européennes de la concurrence déloyales de leurs concurrentes extracommunautaires. Il souhaiterait savoir s'il entend défendre une telle proposition auprès de ses partenaires. Il souhaiterait également savoir dans quelle mesure la simplification envisagée de l'achat public pourrait favoriser le "made in" France, et connaître le calendrier détaillé de l'adoption des textes à venir. Il souhaiterait savoir, par ailleurs, si des modèles de stratégie d'achat de produits français peuvent être mis à la disposition des acheteurs publics, notamment sur Internet, afin qu'ils puissent être mieux orientés dans leur choix, dans le respect toutefois des règles de la concurrence européenne. Ces modèles permettraient aux acheteurs de pouvoir davantage contribuer au redressement productif. Enfin, il lui demande de se positionner sur l'utilisation de l'empreinte carbone des fournitures comme critère de sélection des offres. Cela permettrait de favoriser les biens produits localement tout en préservant l'environnement. Dans ce sens, et dans le cadre de la transition écologique, une initiative européenne pourrait être prise afin de mettre en place une TVA liée à l'empreinte carbone des produits.

Réponse publiée le 19 août 2014

Le maintien des capacités industrielles et de l'emploi en France est une priorité essentielle du Gouvernement, qui demeure, en effet, très sensible à la situation des opérateurs économiques français et s'efforce d'encourager leur participation aux marchés publics. Il est constant que le droit de la commande publique ne permet pas de retenir des critères d'attribution liés à l'origine ou à l'implantation géographique des candidats aux marchés publics. L'utilisation de tels critères constituerait une méconnaissance des règles européennes et constitutionnelles de la commande publique. En droit de l'Union européenne, le principe d'égalité de traitement interdit les discriminations entre les entreprises européennes en fonction de leur pays d'origine. La jurisprudence européenne a ainsi considéré que les critères d'évaluation liés à la présence d'installations de production sur le territoire national étaient discriminatoires (CJCE, 27 octobre 2005, aff. C-158/03, Commission c/ Espagne). Toutefois, outre le maintien de certains dispositifs dans les directives « marchés publics » n° 2014/24/UE et n° 2014/25/UE du 26 février 2014, les autorités françaises ont obtenu l'insertion de nouvelles dispositions afin de protéger les entreprises françaises et européennes de la concurrence déloyale de leurs concurrentes extracommunautaires. La directive n° 2014/25/UE relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (secteurs spéciaux) instaure un système de préférence européenne. Ainsi une offre contenant des produits originaires de pays tiers, avec lesquels l'Union européenne n'a conclu aucune convention sur les marchés publics, peut être rejetée lorsque la valeur de ces produits représente plus de 50 % de la valeur totale des produits composant ces offres. De plus, lorsque plusieurs offres sont équivalentes au regard des critères d'attribution - c'est-à-dire lorsque l'écart de prix entre ces offres est inférieur à 3 % - l'acheteur peut accorder une préférence, parmi ces offres, à celle dans laquelle les produits originaires de pays tiers représentent moins de 50 % de la valeur totale des produits. Les autorités françaises ont également obtenu que ces deux directives autorisent l'utilisation, dans toutes les hypothèses, d'un critère d'attribution relatif au processus de production, de commercialisation, de fourniture ou relatif à un stade quelconque du cycle de vie des travaux, services ou fournitures. La mise en oeuvre d'un tel critère est également favorable aux entreprises dont la compétitivité ne se fonde pas uniquement sur le prix. Enfin, les directives imposent le rejet des offres qui, ne respectant pas les obligations établies par la législation de l'Union européenne et le droit international en matière de droit social et du travail et de droit de l'environnement, sont, en outre, anormalement basses. L'exercice de transposition de ces nouvelles directives vient d'être engagé. Le Gouvernement s'attachera à respecter le délai de transposition imparti qui expirera le 18 avril 2016. Ces travaux de transposition seront l'occasion de simplifier l'architecture de la commande publique en unifiant les règles applicables aux différents acheteurs au sein d'un corpus juridique unique. Certaines mesures de simplification favorables aux petites et moyennes entreprises et à l'innovation issues de ces directives bénéficieront d'une transposition accélérée par un décret qui sera publié prochainement. Le Gouvernement fait également oeuvre de pédagogie auprès des acheteurs publics. Le Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics du 14 février 2012 et les fiches techniques disponibles sur le site internet du ministère de l'économie et des finances, repris dans le Vade-mecum des marchés publics publié par la Documentation française, sont des vecteurs privilégiés de diffusion des bonnes pratiques. Ces guides insistent sur la nécessité, pour les acheteurs publics, de veiller à la bonne utilisation des deniers publics et sur l'interdiction, de principe, de l'utilisation du seul critère du prix le plus bas. Ils rappellent également que des critères sociaux et environnementaux peuvent servir de critère de sélection des candidatures ou des offres dans les marchés publics. Le Gouvernement encourage également les acheteurs publics à insérer parmi les clauses d'exécution certaines obligations sociales ou environnementales, en application de l'article 14 du code des marchés publics (cmp). L'article 75-1 du cmp, Inséré par le décret n° 2011-493 du 5 mai 2011, impose aux acheteurs publics de prendre en compte les incidences énergétiques et environnementales des véhicules à moteur dans les procédures de commande publique, par le biais des émissions de CO2. Enfin, le guide de la modernisation de l'achat publié par le service des achats de l'Etat en septembre 2013 rappelle que l'insertion de clauses sociales et l'intégration d'objectifs environnementaux dans les stratégies ministérielles font partie des objectifs prioritaires à prendre en compte dans les politiques d'achat public.

Données clés

Auteur : M. Patrice Prat

Type de question : Question écrite

Rubrique : Marchés publics

Ministère interrogé : Économie, redressement productif et numérique

Ministère répondant : Économie, redressement productif et numérique

Dates :
Question publiée le 15 juillet 2014
Réponse publiée le 19 août 2014

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