14ème législature

Question N° 60575
de M. Pierre Morel-A-L'Huissier (Union pour un Mouvement Populaire - Lozère )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > retraites : généralités

Tête d'analyse > activités

Analyse > départs. conséquences.

Question publiée au JO le : 15/07/2014 page : 5991
Réponse publiée au JO le : 28/10/2014 page : 9125
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 21/10/2014

Texte de la question

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur les départs à la retraite. De 2000 à 2020, l'INSEE prévoit huit millions de départs à la retraite. Il lui demande d'indiquer les conséquences de ce départ massif sur l'emploi.

Texte de la réponse

Depuis la fin des années 1990, des exercices de prospective sur les métiers et les qualifications (PMQ) sont régulièrement menés afin d'examiner les perspectives en matière d'évolution des ressources en main-d'oeuvre et d'emploi par métiers. Ces exercices sont pilotés par France Stratégie, en partenariat avec la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), service statistique du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Ils réunissent l'ensemble des partenaires et administrations concernés par l'analyse des perspectives d'évolution à moyen terme de l'emploi par métiers et qualifications. Un nouvel exercice vient d'être réalisé par ces institutions, dont les conclusions ont été remises au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social le 2 juillet 2014. Ce rapport est consultable sur les sites Internet de France Stratégie et de la DARES. Sur une période légèrement différente de celle prise en compte par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) (de 2013 à 2022, au lieu de 2010 à 2020), France Stratégie et la DARES estiment à 620 000 le nombre annuel moyen de départs en fin de carrière au cours des 10 prochaines années, soit 6,2 millions au total. L'écart de 1,8 million par rapport aux prévisions de l'INSEE résulte principalement des différences de période (11 ans pour l'INSEE contre 10 ans pour l'exercice PMQ, qui ne se recoupent que partiellement) ainsi que de différences dans la prise en compte des réformes des retraites. Ces prévisions du nombre de départs pour fin de carrière ne constituent pas une rupture mais s'inscrivent dans la poursuite des tendances amorcées depuis la fin des années 1990. Le nombre de départs en fin de carrière est en effet croissant depuis une quinzaine d'années, en lien avec l'arrivée des générations du baby-boom à l'âge de la retraite. De 400 000 par an moyenne sur la période 1997-2001, le nombre de départs est passé à 500 000 de 2001 à 2005 et 600 000 de 2005-2008. Après avoir ralenti de façon transitoire entre 2008 à 2012 (conséquence de l'allongement progressif de la durée de cotisation à partir de 2009, puis réforme des retraites de 2010 restreignant notamment les conditions d accès aux dispositifs publics de cessation anticipée d'activité - 540 000 départs par an en moyenne) en raison de l'évolution du cadre législatif, le nombre de départs devrait rebondir au cours des prochaines années et s'établir à un rythme légèrement supérieur à celui observé juste avant la crise (620 000 départs par an en moyenne). Les départs en fin de carrière seront nombreux dans les métiers qui comptent une proportion importante de seniors dans leurs effectifs. C'est le cas au sein des services aux particuliers et aux collectivités dont le nombre de départs en retraite devrait atteindre 870 000 d ici 2022 (employés de maison, agents d'entretien, assistantes maternelle et aides à domicile, pour lesquels la moyenne d'âge est relativement élevée). De nombreux départs en fin de carrière devraient également avoir lieu au sein des emplois administratifs comme les secrétaires et les employés administratifs de la fonction publique. Dans les métiers les plus qualifiés, des départs massifs devraient avoir lieu parmi les enseignants, les cadres assurant des fonctions à dominante administrative et les managers (cadres de banque et d'assurance, de la fonction publique et dirigeants d'entreprises). Les conséquences de ces départs en fin de carrière sur l'emploi sont difficiles à appréhender. En effet, au-delà des départs en fin de carrière, le nombre de postes à pourvoir d'ici à 2022 dépendra aussi des emplois créés sur la période, qui présentent plus d'incertitude encore que le nombre de départs en fin de carrière. Pour évaluer le nombre d'emplois créés par l'économie, le rapport PMQ s'appuie sur plusieurs scénarios macroéconomiques, qui ont des implications très différentes sur la création nette d'emploi. Ainsi, entre 120 000 et 210 000 emplois créés par l'économie viendraient s'ajouter en moyenne chaque année aux 620 000 départs pour fin de carrière. Cette évaluation du nombre de postes à pourvoir ne prend pas en compte la capacité du marché du travail à réallouer les emplois entre individus. Pour fixer les idées, on peut rappeler que, d'après l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), près de 3,2 millions de contrats à durée indéterminée (CDI) sont signés chaque année, soit 5 fois plus que le nombre de départs en fin de carrière et 4 fois plus que le nombre de postes à pourvoir dans le scénario le plus optimiste du rapport PMQ. Enfin, au niveau macro-économique, il n existe pas de lien théorique ou empirique entre les évolutions de la population active, et notamment celles dues aux départs pour fin de carrière, et le taux de chômage. D'ici 2022, les départs en fin de carrière représenteraient chaque année 2,3 % du nombre moyen d'emplois occupés sur la période 2012-2022 tandis que les créations nettes d'emploi représenteraient 0,7 % des emplois selon le scénario central[6] : les postes à pourvoir représenteraient donc au total 3,0 % du nombre moyen d'emplois occupés sur la période 2012-2022. En d'autres termes, les départs en fin de carrière représenteraient environ 80 % des postes à pourvoir sur l'ensemble de la période (soit 6,2 millions), le reste (1,8 millions) correspondant à des créations nettes de postes. Les départs en fin de carrière et les créations d'emploi se conjugueront de façons distinctes selon les métiers. Ainsi, parmi les métiers concernés par des départs en fin carrière nombreux, certains bénéficieront d'une création d'emploi dynamique tandis que d'autres perdront des postes d'ici 2022. Les métiers de soins et d'aide aux personnes fragiles, à l'exception des médecins, devraient bénéficier d'une forte dynamique à l'horizon 2022, dans un contexte de vieillissement de la population et de carence d'offre de prise en charge des jeunes enfants. Ainsi le nombre de postes à pourvoir pour les aides à domicile et les assistantes maternelles devrait s'élever à près de 500 000 d'ici 2022, dont 290 000 départs en fin de carrière. De nombreux emplois devraient également être créés dans les métiers les plus qualifiés : il y aurait 110 000 créations nettes pour les cadres administratifs, managers et les dirigeants d entreprises et 260 000 départs en fin de carrière, soit 370 000 postes à pourvoir pour ces trois métiers. Enfin, la croissance de l'emploi pour les professions intermédiaires serait soutenue, elle serait particulièrement dynamique pour les techniciens des services administratifs comptables et financiers (hors administration publique), avec 160 000 postes à pourvoir (dont une moitié de créations nettes d'emploi). En revanche, les départs en fin de carrière des professions à vocation administrative (secrétaires et catégories B et C de la fonction publique) ne devraient pas tous être remplacés (110 000 destructions d'emplois et 520 000 départs en fin de carrière pour ces trois familles professionnelles). Le volume des effectifs étant néanmoins conséquent, les recrutements devraient rester relativement importants. Chez les ouvriers non qualifiés et les agriculteurs, les pertes d'emploi devraient également se poursuivre, à l'exception des ouvriers non qualifiés du bâtiment qui bénéficieraient du redémarrage de la croissance dans ce secteur.