14ème législature

Question N° 610
de M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Hautes-Alpes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > eau

Tête d'analyse > politique de l'eau

Analyse > prélèvements d'eau. usages agricoles. aménagements.

Question publiée au JO le : 01/04/2014 page : 2874
Réponse publiée au JO le : 07/05/2014 page : 2846
Date de changement d'attribution: 06/05/2014

Texte de la question

M. Joël Giraud rappelle à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie que l'agriculture est un enjeu majeur pour l'aménagement et la vitalité de nos territoires. L'agriculture irriguée est impactée par la variabilité saisonnière et interannuelle des volumes d'eau disponibles, mais aussi par la priorité donnée aujourd'hui aux volumes environnementaux. L'irrigation est au coeur de l'économie d'un département comme les Hautes-Alpes où de très nombreux vergers et cultures se trouvent sur les bassins versants de la Durance ou du Buëch notamment. Un autre sujet, néanmoins lié à cette question du partage de l'eau, est celui de l'irrigation gravitaire. En effet, les canaux d'irrigation jouent un rôle essentiel contre l'érosion mais aussi pour la préservation de la biodiversité au fil de l'eau. La redevance qui a été votée en 2006 s'applique à toute forme de prélèvement si bien que les canaux sont progressivement abandonnés par les associations qui les géraient collectivement et bénévolement. En ce qui concerne le relèvement des débits réservés prévus par la loi sur l'eau de 2006, il partage les inquiétudes des agriculteurs dont la ressource en eau va mathématiquement diminuer. Dans les zones en déficit structurel comme dans le Buëch, les conséquences pourraient être dramatiques. 1 200 emplois sont en jeu. Les possibilités de construction de réserves collinaires et de ressources de substitution paraissent maigres, coûteuses et aléatoires. Il a été dit aux arboriculteurs que des arrêtés préfectoraux pourraient être pris ponctuellement en fonction de leurs besoins. Mais le temps qu'un arrêté soit pris, les pompes seront déjà désamorcées. Et les agriculteurs prélèveront ensuite en même temps. Cela irait à l'encontre même de la philosophie de la loi sur l'eau. Chacun comprend la nécessité de mieux gérer, prélever et distribuer l'eau. Tous sont conscients des efforts à entreprendre mais le changement des systèmes d'irrigation n'est pas réalisable rapidement alors que le relèvement des débits réservés est déjà effectif. La question sera donc triple. En ce qui concerne la redevance instaurée par la loi sur l'eau, et l'avenir très incertain des canaux d'irrigation, le ministre de l'agriculture avait émis l'idée d'une remise en cause de cette redevance en raison du rôle essentiel que joue l'irrigation gravitaire dans le maintien de la biodiversité en montagne. Qu'en est-il de cette brèche ouverte par le Gouvernement en juin 2013 ? En ce qui concerne les débits réservés et le cas particulier et inquiétant de la vallée du Buëch, ne pourrait-on pas classer très vite cette rivière en cours d'eau à production hydroélectrique comme c'est le cas pour la Durance, ce qui permettrait de réduire le débit réservé de moitié en période sèche ? Enfin, il demande si la future loi biodiversité ne pourrait pas repréciser le rôle joué par l'irrigation en zone de montagne sèche dans le maintien de la biodiversité afin de mieux reconnaître la spécificité des usages agricoles en montagne.

Texte de la réponse

RÔLE DE L'IRRIGATION GRAVITAIRE EN ZONE DE MONTAGNE


M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour exposer sa question, n°  610, relative au rôle de l'irrigation gravitaire en zone de montagne.

M. Joël Giraud. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. L'agriculture est un enjeu majeur pour la vitalité de nos territoires. La loi d'avenir montre bien la volonté du Gouvernement de soutenir une agriculture de qualité. Cependant, les agriculteurs sont soumis à de nouvelles pressions qui les inquiètent. L'agriculture irriguée est affectée par la variabilité saisonnière et interannuelle des volumes d'eau disponibles, mais aussi par la priorité donnée aux volumes environnementaux. L'irrigation est au cœur de l'économie d'un département comme les Hautes-Alpes où très nombreux sont les vergers et les cultures qui se trouvent en bordure de la Durance ou du Buëch, par exemple.

Il est un autre sujet lié à la question du partage de l'eau : l'irrigation gravitaire. Les canaux d'irrigation jouent un rôle essentiel contre l'érosion, mais en faveur de la préservation de la biodiversité. La redevance votée en 2006 s'applique à toute forme de prélèvement, si bien que les canaux sont peu à peu abandonnés par les associations qui les géraient bénévolement. Je n'ai eu de cesse de m'exprimer sur ce sujet qui peut paraître anecdotique, mais qui est symptomatique du manque de reconnaissance chronique des pouvoirs publics envers les territoires de montagne, la spécificité de leur agriculture, leur patrimoine et leur rôle de châteaux d'eau de la Nation.

Concernant le relèvement des débits réservés prévus par la loi sur l'eau de 2006, je partage les inquiétudes des agriculteurs dont la ressource en eau va mathématiquement diminuer. Dans les zones en déficit structurel comme le Buëch, les conséquences pourraient être dramatiques : 1 200 emplois sont en jeu. Les possibilités de construction de réserves collinaires et de ressources de substitution paraissent maigres, coûteuses et aléatoires. Il a été dit aux arboriculteurs que des arrêtés préfectoraux pourraient être pris en fonction de leurs besoins, mais le temps qu'un arrêté soit pris, les pompes seront déjà désamorcées.

Chacun comprend la nécessité de mieux prélever et distribuer l'eau. Tous sont conscients des efforts à faire, mais aussi des efforts déjà consentis, qui semblent peu pris en compte : le développement de l'aspersion a permis de réaliser une économie d'eau de l'ordre de 80 % au cours de ces quarante dernières années.

Ma question sera donc triple. En ce qui concerne l'avenir très incertain des canaux d'irrigation, M. le ministre de l'agriculture avait, en réponse à l'une de mes questions, émis l'idée d'une remise en cause de la redevance au motif que l'irrigation gravitaire joue un rôle essentiel dans le maintien de la biodiversité en montagne. Qu'en est-il de cette brèche ouverte par le Gouvernement en juin dernier ?

En ce qui concerne les débits réservés et le cas inquiétant de la vallée du Buëch, ne pourrait-on pas classer cette rivière en cours d'eau à production hydroélectrique comme c'est le cas de la Durance, ce qui permettrait de réduire le débit réservé de moitié en période sèche ?

Enfin, la future loi biodiversité ne pourrait-elle pas préciser le rôle joué par l'irrigation en zone de montagne sèche dans le maintien de la biodiversité afin de mieux reconnaître la spécificité des usages agricoles de montagne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Permettez-moi, monsieur le député, de répondre à votre question en remplacement de Mme Royal, qui est en déplacement à l'étranger. L'évolution des besoins en eau des divers usagers conjuguée aux incertitudes liées aux changements climatiques impose des actions favorisant une gestion équilibrée de la ressource en eau. L'application de la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau nous incite à répondre à cet objectif. Par ailleurs, le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt ne permet pas d'exonérer de redevance des canaux traditionnels d'irrigation en montagne alors que ceux des zones de plaine y seraient soumis.

Néanmoins, conscient de la fragilité du modèle économique de certaines structures agricoles, le législateur a d'ores et déjà réduit fortement la charge fiscale de l'irrigation gravitaire, qui fait l'objet depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques d'une assiette de redevance forfaitaire nettement inférieure aux volumes réellement prélevés.

L'évolution des besoins spécifiques à l'agriculture de montagne ne peut pour autant être omise. À ce titre, les actions menées par les agences de l'eau et les services locaux de l'État permettent d'inscrire les besoins en eau de l'agriculture de montagne dans une stratégie de gestion équilibrée de la ressource en eau, respectueuse tant de la qualité et de la diversité des milieux aquatiques que de l'économie de ces territoires. Ces actions sont fortement encouragées par les agences de l'eau, lesquelles apportent un concours financier important aux agriculteurs irrigants de montagne. Les services du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie se tiennent à votre disposition pour vous donner des précisions sur ces concours.

J'en viens maintenant au relèvement des débits réservés de la rivière Buëch. Depuis le 1erjanvier 2014, les débits minimaux laissés à l'aval des ouvrages barrant un cours d'eau doivent être conformes à l'article L.214-18 du code de l'environnement et être égaux ou supérieurs au dixième du débit interannuel moyen, c'est-à-dire le module. Ce n'est que pour les cours d'eau dont le module est supérieur à 80 mètres cubes par seconde et pour certains ouvrages de production hydroélectrique de pointe, limitativement répertoriés par décret, que ce débit minimal peut être abaissé au vingtième du module.

La Durance peut bénéficier de ce régime particulier en raison de son module suffisamment élevé. En outre, l'essentiel des ouvrages hydroélectriques qui y sont installés est listé dans le décret dont je viens de parler.

Le Buëch, lui, n'est pas dans cette situation. Son débit moyen n'est pas supérieur à quatre-vingts mètres cubes par seconde et les ouvrages hydroélectriques qui y sont construits ne sont pas listés comme des ouvrages majeurs pour la production de pointe.

Cependant, il est possible de faire varier le débit minimal au cours de l'année, dès lors qu'il reste en moyenne au moins égal au dixième du module, et que sa valeur minimale mensuelle ne descende jamais au-dessous du vingtième du module. C'est cette piste qui est en cours d'exploration et dont il vous sera rendu compte.

Il est prévu également que l'usage de l'eau dérivée, pendant les mois de juillet à septembre, demeure exclusivement réservé à l'irrigation. Si l'instruction de cette demande est favorable, elle aboutira très largement à satisfaire les objectifs que vous exposez.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être fait aujourd'hui le ministre de la défense des zones de montagne.

Les comparaisons avec la plaine sont toujours aléatoires, car l'entretien des canaux, par des bénévoles, sur six kilomètres de long, ce n'est pas tout à fait la même chose lorsqu'il y a 1 500 mètres de dénivelé que quand on est sur du plat. C'est la raison pour laquelle nous appelons, au nom de l'article 174 du traité de Lisbonne, à une plus grande prise en compte des zones de montagne, mais également des îles, que vous connaissez bien, monsieur le ministre.