médicaments
Question de :
M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains
M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les risques d'atténuation de l'efficacité thérapeutique présentés par l'effet "nocebo" de certains médicaments. Il souhaiterait recueillir son avis sur cette question.
Réponse publiée le 10 mars 2015
La relation patient-soignant provoque des phénomènes d'hétéro et d'auto suggestions inhérents à l'activité psychique humaine dont les effets placebo et nocebo sont les manifestations les plus tangibles chez le patient. Ces deux effets sont particulièrement observables dans les essais cliniques contre placebo. Les essais cliniques effectués de nos jours ont la plupart du temps pour objectif principal, de comparer l'efficacité d'une molécule active à un traitement comparateur, le placebo, qui bien que n'ayant aucune activité biologique peut avoir une certaine efficacité thérapeutique. C'est un prérequis de la démonstration de l'efficacité de toute nouvelle molécule active, lorsque l'utilisation d'un placebo est éthiquement acceptable. Cela permet d'évaluer la part d'efficacité thérapeutique qui est propre à la molécule active et de vérifier que celle-ci est supérieure à l'efficacité d'un placebo. Mais ces essais cliniques ont un autre objectif tout aussi essentiel qui est d'évaluer la sécurité de la nouvelle molécule active. C'est là qu'intervient l'effet nocebo qui correspond à toutes les manifestations négatives observées dans ce groupe placebo et par comparaison, qui permet d'identifier les manifestations délétères propres à la molécule active. Les sources de l'effet nocebo sont multiples et sont directement liées au phénomène d'hétéro ou d'auto suggestion résultant de la relation patient-soignant. Elles dépendent donc du psychisme du patient. Plus précisément, l'information reçue sur les effets potentiellement nocifs de la nouvelle molécule active en est une source importante. Le médecin investigateur dans un essai clinique est tenu d'informer le sujet ou patient susceptible d'être inclus, des bénéfices attendus mais aussi de tous les risques encourus par celui-ci dans l'étude, afin qu'il puisse accepter ou refuser sa participation à l'étude en toute connaissance de cause. C'est au niveau des risques potentiels annoncés que l'on peut ainsi voir se manifester l'effet nocebo. Le peu de connaissance sur l'éventuelle nocivité de la molécule active dans les essais précoces aussi bien que la bonne connaissance de cette même nocivité dans les essais plus tardifs de phase III ou IV (se traduisant par une longue liste d'effets indésirables) peuvent provoquer des réactions délétères. Ensuite, les essais contre placebo sont toujours randomisés et en double aveugle, c'est-à-dire que le sujet qui y participe a autant de chance d'être traité par la molécule active que par le placebo. Ni le patient, ni les soignants n'ont connaissance de la vraie nature du traitement reçu par le sujet. Le simple fait de savoir que l'on peut être traité par une molécule inactive peut provoquer une inquiétude source d'effets délétères, et ce d'autant plus que la maladie à traiter est grave. Enfin, le comportement, l'attitude (réelle ou ressentie) de l'équipe soignante vis-à-vis du patient a aussi sa part d'influence : son assurance (ressentie comme trop grande) ou inversement son inquiétude ou encore sa neutralité (ressentie comme indifférence), peut influer sur le comportement du patient et provoquer en lui des réactions néfastes. Les études contre placebo sont donc en quelque sorte, un observatoire permanent de l'effet nocebo puisque les effets indésirables qui apparaissent dans le groupe placebo en sont la manifestation. Le groupe placebo a deux fonctions dans une étude clinique dont le but est de traduire et de quantifier la relation patient-soignant : une fonction positive consistant à mesurer la part d'efficacité thérapeutique obtenue par hétéro/auto suggestion (effet placebo) et une fonction négative consistant au contraire à en mesurer et à en caractériser les aspects délétères (effet nocebo). Par comparaison des effets placebo et nocebo aux caractéristiques correspondantes observées pour la molécule active, on a une estimation plus précise de l'effet propre à la nouvelle molécule active en termes d'efficacité et de sécurité. L'effet nocebo est donc sous surveillance constante dans les essais cliniques contre placebo et il est particulièrement ciblé dans le développement de certains médicaments comme les psychotropes ou les analgésiques où il concerne non seulement la sécurité mais aussi l'efficacité des molécules. Par ailleurs, un certain nombre de meta-analyses ont été réalisées sur le sujet permettant de mieux quantifier les manifestations de l'effet nocebo. Enfin, des recherches sont mises en oeuvre sur la possibilité d'agir sur l'effet nocebo, notamment en psychologie cognitive, mais les essais thérapeutiques sur le sujet sont difficiles à mettre en place car ils peuvent influer sur la relation patient-soignant.
Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Affaires sociales
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Dates :
Question publiée le 29 juillet 2014
Réponse publiée le 10 mars 2015