Question de : M. David Habib
Pyrénées-Atlantiques (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. David Habib attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur l'application de la directive européenne du 12 décembre 1991. Au titre de cette directive dite « directive nitrates », la France s'est engagée à établir des programmes d'actions afin de réduire et prévenir toute pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles. Afin de cibler les actions sur les zones concernées, une délimitation des zones vulnérables, réactualisée tous les quatre ans, est imposée à la France. Cette dernière campagne de révision s'est traduite par le classement de plusieurs communes du bassin de l'Adour en zone vulnérable. Ce classement pose de réels problèmes aux agriculteurs. En effet, il est demandé aux éleveurs qui n'ont pas encore fini d'amortir financièrement leurs installations, liées à la mise aux normes de leurs exploitations, d'augmenter leurs capacités de stockage d'effluents, sans prendre en compte ni les latitudes agronomiques permises par l'épandage, ni les problèmes techniques inhérents à l'agrandissement de ces installations. Aussi, il lui demande s'il est encore possible d'apporter à ce texte certaines évolutions afin de soulager ces professionnels.

Réponse publiée le 14 octobre 2014

La lutte contre la pollution diffuse par les nitrates est un enjeu important qui s'inscrit dans un contexte de double contentieux communautaire. La France a été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 13 juin 2013 sur l'insuffisance de délimitation de ses zones vulnérables. Le deuxième contentieux, pour lequel la France a également été assignée devant la CJUE, porte sur l'insuffisance des programmes d'actions qui s'appliquent à ces zones. S'agissant du contentieux relatif aux zones vulnérables, la révision du classement des zones vulnérables de 2012 répondait en partie aux insuffisances constatées dans l'arrêt de la CJUE du 13 juin 2013. Toutefois, certaines règles utilisées pour cette délimitation sont toujours contestées par la Commission européenne, et pourraient mener très rapidement à une condamnation en manquement sur manquement avec sanctions financières, si cette affaire devait à nouveau être portée devant la CJUE. Une nouvelle révision des zones vulnérables, visant à répondre à ces critiques, est donc nécessaire. Un projet de révision, construit au niveau national à partir de données fournies par les bassins, a ainsi été soumis à la Commission à l'été 2014. Il propose : - le classement des communes concernées par les masses d'eau ayant des points de surveillance en dépassement des seuils de concentration usuels, avec des classements partiels des masses d'eau souterraines s'ils sont justifiés par les caractéristiques hydrogéologiques de la masse d'eau ; - l'utilisation d'un seuil unique de concentration en nitrates des eaux superficielles au-delà duquel la masse d'eau est proposée au classement, afin de tenir compte à la fois de l'eutrophisation littorale et marine et de l'eutrophisation continentale. La valeur du seuil a été retenue en cohérence avec les valeurs utilisées par les bassins pour la prise en compte de l'eutrophisation littorale et marine pour le classement de 2012. Il est proposé d'appliquer ces règles sur l'ensemble du territoire national qui n'était pas classé en zone vulnérable. Le projet de révision ainsi soumis à la Commission vise à clore le contentieux, et donc à éviter de lourdes sanctions financières (amende d'environ 20 M€ et astreintes mensuelles estimées à 3,5 M€). Le Gouvernement est conscient du fort impact sur le secteur agricole, et en particulier pour l'élevage, de cette proposition de révision des zones vulnérables. C'est pourquoi, il a également porté au niveau européen la nécessité d'accompagner les exploitations concernées (information, formation, accompagnement à la mise en oeuvre des bonnes pratiques de gestion de l'azote fixées par les programmes d'actions nitrate...). Pour la mise aux normes des capacités de stockage des effluents de leurs exploitations, les éleveurs, qui ont déjà fait beaucoup d'efforts, bénéficieront des aides maximales possibles au regard des règles communautaires. En accord avec les régions, le fonds européen agricole pour le développement rural pourra être mobilisé en complément des crédits publics (État, collectivités, agences de l'eau), dans le cadre des programmes de développement rural régionaux. Les délais de mise en oeuvre des mesures seront discutés avec la Commission. La procédure de révision du classement se déroule dans un calendrier resserré, pour aboutir d'ici la fin de l'année 2014. Elle ne peut souffrir d'aucun retard, sous peine d'une relance de la procédure contentieuse. Toutefois, le Gouvernement a demandé que la consultation, sous l'égide des préfets de bassin soit menée de la manière la plus ouverte possible. Des modifications du zonage pourront ainsi être retenues, à condition qu'elles soient scientifiquement étayées et donc pleinement justifiables auprès de la Commission européenne. Dans le même temps, une expertise scientifique va être lancée afin d'établir une synthèse des connaissances disponibles sur les phénomènes d'eutrophisation des eaux (description du phénomène, causes...). Au-delà de la délimitation des zones vulnérables, se pose la question du contenu des mesures à mettre en oeuvre dans les programmes d'actions « nitrates » qui s'appliquent dans ces zones. Ainsi dans le cadre de la seconde procédure contentieuse, relative à l'insuffisance des programmes d'actions, la France s'est engagée depuis le début de l'année 2010 dans une vaste réforme de son dispositif réglementaire « nitrates ». Cette réforme a été menée en concertation étroite avec la profession agricole, en s'appuyant sur une approche agronomique. La publication de l'arrêté du 23 octobre 2013 a permis de disposer d'un programme d'actions national complet et en vigueur depuis le 1er novembre 2013 dans les zones vulnérables délimitées en 2012. La réforme est pleinement opérationnelle depuis l'adoption et l'entrée en vigueur des programmes d'actions régionaux intervenue au printemps et à l'été 2014. Dans le cadre de ce deuxième contentieux, la CJUE a prononcé un arrêt en manquement pour mauvaise application de la directive « nitrates » à l'encontre de la France le 4 septembre dernier. La CJUE a considéré que les programmes d'action qui s'appliquaient dans les zones vulnérables entre 2009 et 2012 étaient insuffisamment rigoureux au regard des exigences de la directive. Cette condamnation porte donc sur l'ancienne génération de programmes d'actions. La plupart des sujets soulevés dans le jugement de la Cour de Justice ont déjà été corrigés dans le nouveau dispositif réglementaire (périodes d'interdiction d'épandage, précision de la réglementation sur le calcul de la dose prévisionnelle, mode de calcul des capacités de stockage, normes de rejets d'azote pour les bovins et les porcins). Sur certains points sensibles (modalités de stockage des fumiers compacts au champ, épandage sur les sols en forte pente...), la France échangera avec la nouvelle Commission européenne sur les évolutions attendues, en veillant à concilier performance économique des exploitations agricoles et respect des exigences environnementales. Cet exercice sera conduit en cohérence avec celui prévu pour l'extension des zones vulnérables.

Données clés

Auteur : M. David Habib

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 2 septembre 2014
Réponse publiée le 14 octobre 2014

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