Question de : M. Damien Meslot
Territoire de Belfort (1re circonscription) - Les Républicains

M. Damien Meslot rappelle à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, qu'en des temps de mise en œuvre effective de l'égalité entre les hommes et les femmes, des pères sont victimes d'habitudes sociales complexes, sinon sexistes, se traduisant la plupart du temps, en cas de divorce, par la désignation du domicile de la mère comme lieu de résidence de l'enfant, à la défaveur d'une résidence alternée. Si la large tendance des juges à attribuer la garde de l'enfant à la mère n'est probablement pas le fruit de décisions individuelles consciemment sexiste de la part des magistrats, cette façon de faire est semble-t-il la conséquence d'une conception sociétale qui renvoi les femmes à leur supposée fonction naturelle. En ce sens, il suffit de voir que la proportion d'attribution de la garde de l'enfant à la mère est croissante plus l'enfant est jeune. Jusqu'à 4-5 ans les magistrats hésiteraient souvent à séparer les enfants de leurs mères. À partir de 6-7 ans, la quasi-exclusivité de l'attribution de l'enfant à la mère se réduirait. L'intérêt de l'enfant suppose bien évidemment qu'à chaque situation soit mise en place une solution bien spécifique, taillée sur mesure aux circonstances particulières. Ce qui peut apparaître comme une solution adéquate dans un cas n'en sera pas une autrement. Mais, lorsqu'à la défaveur de la garde alternée est préféré l'établissement du domicile de l'enfant chez l'un des deux parents, qu'il s'agisse du père ou de la mère, la coresponsabilité des parents dans l'éducation de l'enfant, telle qu'elle est prévue par la loi, ne peut plus être effective. Certes, elle demeure juridiquement, mais celui des deux parents qui voient alors ses enfants moins d'une fois par mois ne peut participer de façon pratique à leur éducation. Or là encore les chiffres parlent d'eux-mêmes, les pères semblent endosser le mauvais rôle. Selon le rapport n° 2832 du 25 janvier 2006 fait au nom de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants, « les situations dans lesquelles un enfant ne vit pas avec ses deux parents deviennent de plus en plus fréquentes : elles concernent entre 20 % et 25 % des enfants. Pourtant, dans les faits, parmi les enfants de parents séparés qui vivent avec leur mère, soit 85 % de l'ensemble de ces enfants, 42 % voient leur père plus d'une fois par mois, 19 % moins d'une fois par mois et 34 % ne le voient jamais ». Ainsi, il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour que l'intérêt de l'enfant, en cas de divorce des parents, ne se heurte pas aux mentalités, et que la loi, qui a placé la garde alternée au titre des solutions à préférer, soit mieux respectée, toujours au regard de la spécificité de chacune des situations.

Réponse publiée le 23 août 2016

Afin de disposer d'une analyse précise sur la résidence des enfants dont les parents sont séparés, la Chancellerie a réalisé, au cours du mois de juin 2012, une étude portant sur l'ensemble des décisions rendues par tous les juges aux affaires familiales sur une période de quinze jours. Cette étude, effectuée à partir de 6042 décisions et publiée au mois de novembre 2013, laisse apparaître que, dans 80 % des situations, les parents sont en accord sur la résidence des enfants, dans 10 % ils sont en désaccord et dans 10 % des cas, l'un des deux parents ne forme aucune demande. S'agissant des parents qui sont d'accord sur la résidence, ils demandent pour 71 % des enfants, une résidence chez la mère, pour 10 % une résidence chez le père et pour 19 % une résidence alternée. Parmi les 10% de situations où les parents sont en désaccord, les juges fixent pour 63,1 % des enfants une résidence chez la mère, pour 24,4 % une résidence chez le père, pour 12,3 % une résidence alternée et pour 0,2 % une résidence chez un tiers. Compte tenu du nombre très important des parents en accord, dans l'ensemble des parents ayant fait une demande relative à la résidence de l'enfant, les décisions prononcées par les juges reflètent très largement le choix établi en commun par ces parents. Ainsi, la résidence chez la mère est plus fréquemment prononcée par le juge, ce mode de résidence étant le plus demandé par les parents séparés. S'agissant plus particulièrement de la résidence alternée, l'étude laisse apparaître, toutes décisions confondues, que les juges ont prononcé une résidence alternée pour 17 % des situations. Pour les seules procédures de divorce, l'exploitation du répertoire général civil montre que la part d'enfants mineurs pour lesquels une résidence alternée a été prononcée est passée de 11,5 % en 2004 à 22,8 % en 2013. La proportion d'enfant pour lesquels une résidence alternée est prononcée est plus importante dans les procédures de divorce en raison du nombre important de divorces par consentement mutuel dans lesquels la résidence alternée est plus fréquemment choisie par les parents. Lorsque les parents sont en désaccord, l'étude précitée montre que la résidence alternée est prononcée pour 12 % des enfants. Le taux de rejet de la résidence alternée est de 75 % lorsque le père la demande et la mère la refuse, et de 60 % lorsque la mère la demande et le père la refuse. Le taux de rejet de la résidence alternée est donc relativement important en cas de désaccord entre les parents, quelle que soit l'origine de la demande. Il ressort ainsi de l'étude précitée que le principal frein au développement de la résidence alternée provient du choix des parents qui la demandent peu. S'inspirant de certaines pistes proposées par le groupe de travail sur la coparentalité mis en place par la garde des sceaux et la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille sous le précédent gouvernement, la proposition de loi no 1856, relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 27 juin 2014,  modifie les règles relatives à la fixation de la résidence de l'enfant en prévoyant qu'elle est fixée au domicile des deux parents selon les modalités déterminées d'un commun accord par les parents ou à défaut par le juge. Sans imposer de résidence alternée paritaire, il est proposé que l'enfant bénéficie d'un double rattachement au domicile de chacun des parents. Le rythme et la durée des séjours de l'enfant chez chaque parent resteront déterminés par ces derniers ou, en cas de désaccord, par le juge, conformément à son intérêt. La rédaction proposée permet, sans imposer de règle prédéterminée, de valoriser la place des deux parents notamment en supprimant le terme de « droits de visite et d'hébergement » qui est souvent mal vécu par le parent qui en bénéficie. C'est à la lumière de ces différents travaux que le Gouvernement poursuit sa réflexion, la Chancellerie étant attentive à ce que toutes les solutions proposées visent à garantir un équilibre favorable à la coparentalité.

Données clés

Auteur : M. Damien Meslot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 23 septembre 2014
Réponse publiée le 23 août 2016

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