14ème législature

Question N° 6493
de Mme Geneviève Gaillard (Socialiste, républicain et citoyen - Deux-Sèvres )
Question écrite
Ministère interrogé > Redressement productif
Ministère attributaire > PME, innovation et économie numérique

Rubrique > entreprises

Tête d'analyse > délais de paiement

Analyse > réduction. conséquences.

Question publiée au JO le : 09/10/2012 page : 5486
Réponse publiée au JO le : 23/04/2013 page : 4544
Date de changement d'attribution: 16/10/2012

Texte de la question

Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur l'inquiétante situation des niveaux de trésorerie des entreprises du bâtiment en raison en partie de la réduction des délais de paiement instituée par la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008. En effet, la spécificité du processus de production dans le secteur du bâtiment nécessite davantage de souplesse dans la réglementation. Ceci n'a pas été pris en considération dans la loi LME. C'est ainsi que nombre d'entreprises du bâtiment avec des niveaux de trésorerie qui ne leur offrent désormais plus aucune marge de manoeuvre se trouvent actuellement dans une situation dramatique. Pour remédier à cette situation préoccupante, les entreprises de construction proposent que la réduction des délais de paiement fournisseur soit accompagnée d'une réduction, dans les mêmes proportions, des délais de paiement accordés aux clients. Aussi, elle lui demande si des mesures allant dans ce sens pourraient être envisagées.

Texte de la réponse

Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) peuvent se trouver confrontées à des problèmes de trésorerie en raison d'un déséquilibre entre des délais de paiement des fournisseurs, plus courts depuis la loi de modernisation de l'économie (LME) et des délais de paiement des clients inchangés. Ainsi qu'a pu le relever l'observatoire des délais de paiement, dans ses rapports 2010 et 2011, les entrepreneurs du bâtiment peuvent ainsi être victimes d'un « effet ciseau » en matière de délais de paiement. En effet, jusqu'au 31 décembre 2011, un accord dérogatoire aux délais de paiement couvrait la filière des produits, bois, matériaux et services pour la construction et la décoration dans le secteur du bâtiment et des travaux publics prévoyant une réduction par palier vers les délais de droit commun. La LME a réformé le cadre général applicable aux relations commerciales en introduisant le principe d'un plafonnement des délais de paiement convenus entre les parties à 45 jours fin de mois ou 60 jours date d'émission de la facture. Les bénéfices de la réduction des délais de paiement interentreprises sont unanimement reconnus, comme en témoignent les travaux de l'observatoire des délais de paiement. Il n'en demeure pas moins que certains maîtres d'ouvrage, soumis aux conditions de règlement prévues par le code de commerce, ne respectent pas ces dispositions. C'est pourquoi l'article 121 IV de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification et à l'allègement des démarches administratives rappelle que les professionnels opérant dans le secteur des marchés de travaux privés sont soumis aux plafonds des délais de paiement prévus par le code de commerce et issus de la LME. Ces plafonds s'appliquent au règlement des acomptes mensuels et du solde des marchés de travaux privés. L'article L. 111-3-1 du code de la construction et de l'habitat, introduit par l'article 121 IV de la loi précitée, prévoit aussi que les délais plafonds s'appliquent au règlement des acomptes mensuels et du solde des marchés de travaux privés, mais ne s'applique pas à l'acompte à la commande, qui est payé selon les modalités prévues au marché. Concernant le solde des marchés de travaux privés, un protocole d'accord interprofessionnel a été conclu en juin 2010, qui recommande aux entreprises d'envoyer leur mémoire définitif simultanément au maître d'oeuvre et au maître de l'ouvrage dans un délai maximum de 45 jours à compter de la réception des travaux. Il est aussi recommandé aux maîtres d'ouvrage de régler le solde de chaque entreprise sans attendre d'avoir reçu l'ensemble des mémoires définitifs. En parallèle de ce dispositif, le secteur du BTP a développé une politique dynamique avec l'élaboration de chartes de bonnes pratiques, permettant d'améliorer les relations avec les maîtres d'ouvrage et d'anticiper les différends. En outre, les parties peuvent décider de soumettre leur marché aux normes édictées en la matière par l'association française de normalisation (AFNOR), qui constituent des documents de référence élaborés de manière consensuelle par les intéressés (par exemple la norme AFNOR NF P 03.001, dont l'article 20.3.1 prévoit le paiement des acomptes mensuels « à dater de la remise de l'état de situation au maître d'oeuvre »). L'efficacité du plafonnement des délais de paiement a récemment été renforcée par l'institution légale d'une exception d'inexécution au bénéfice de l'entrepreneur du bâtiment. L'article L. 111-3-1 du code de la construction et de l'habitation, introduit par l'article 121 IV de la loi précitée, prévoit désormais que lorsque l'entrepreneur n'est pas payé dans les temps, il peut suspendre l'exécution des travaux quinze jours après avoir, sans succès, mis son débiteur en demeure de s'exécuter. Par ailleurs, l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit expressément que les pénalités de retard sont exigibles de plein droit et sans qu'un rappel ne soit nécessaire. Ainsi, tout retard de paiement doit entraîner le versement par le débiteur, en sus du principal, de pénalités de retard calculées sur la base d'un taux dont les planchers sont fixés par le code de commerce. Ces taux fixés à 10 points de plus que le taux BCE sont parmi les plus élevés d'Europe. Enfin, ces pénalités ne sont d'ailleurs pas exclusives de toute autre somme pouvant être obtenue à titre d'indemnisation. De plus, l'article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives prévoit, que « tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret ». Cette indemnité a pour objet de compenser les frais de recouvrement exposés en cas de retard de paiement et de décourager les paiements tardifs. Le décret n° 2012-1115 du 2 octobre 2012 fixe le montant de cette indemnité forfaitaire à 40 €. Par ailleurs, l'abaissement des délais plafonds actuellement de 45 jours fin de mois ou 60 jours date d'émission de facture à 30 jours date d'émission de la facture, n'est actuellement pas prévu. Le Gouvernement s'emploie en priorité à améliorer le dispositif existant. Dans ce cadre, il réfléchit à des pistes de réformes pour améliorer le dispositif de sanctions relatif aux délais de paiement. Ces réformes permettraient une réponse plus rapide en cas de non-respect des délais réglementés et permettraient d'appréhender aussi plus facilement les nombreuses pratiques de contournement des dispositions légales. En revanche, le renforcement contractuel des contraintes de paiement par les clients particuliers devrait réciproquement nécessiter le renforcement contractuel de l'indemnisation de ces clients particuliers lorsque les travaux sont retardés par exemple. En effet, en l'absence de garantie contractuelle en ce sens, le renforcement unilatéral des contraintes de paiement par les clients particuliers serait susceptible de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 131-1 du code de la consommation et de l'article 3 de la directive n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 relatif aux clauses abusives. Enfin, le recours à des solutions de financement alternatives pourra constituer une solution complémentaire aux problèmes de trésorerie rencontrés par les entrepreneurs. La mise en place de crédits de campagne et le recours à Oséo, ainsi que le préconise l'observatoire des délais de paiement, répondent à ces problématiques. En outre, les difficultés que pourraient rencontrer les petites et moyennes entreprises à se financer ont conduit le Gouvernement à prévoir la mise en place d'une banque publique d'investissement. Les ressources de cette banque pourront être ciblées sur les défaillances de marché avérées.