réforme
Question de :
Mme Valérie Lacroute
Seine-et-Marne (2e circonscription) - Les Républicains
Mme Valérie Lacroute interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L'article 3 de ce projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à réformer le droit des contrats par ordonnance. Les débats parlementaires qui auraient dû avoir lieu sur une modification aussi importante de ce que l'on a appelé la « Constitution civile de la France » n'ont donc pas pu préalablement se tenir. Ces travaux préparatoires sont pourtant nécessaires pour éclairer les praticiens et ont pour intérêt de mettre en lumière les éventuelles défectuosités ou les lacunes du projet et évidemment d'y remédier. Or, de l'opinion de spécialistes reconnus du droit privé, le texte envisagé par le Gouvernement présente des choix contestables sur le fond. Certaines jurisprudences sont ainsi révoquées ou confirmées sans réelle motivation. Des opinions doctrinales minoritaires sont consacrées sans justification sérieuse. Des positions juridiques erronées ou incomplètes sont adoptées. L'article 129 du projet restreint la possibilité pour le créancier d'exiger l'exécution forcée de l'obligation « si son coût est manifestement déraisonnable ». Or il s'avère en pratique que beaucoup de débiteurs professionnels sont précisément contraints de respecter leurs engagements de peur d'être condamnés à une exécution en nature qui s'avèrerait terriblement onéreuse. Tel est le cas dans le domaine de la promotion immobilière. La menace d'une exécution forcée très coûteuse est donc un moyen prophylactique qui incite les professionnels à respecter leurs engagements vis-à-vis de la partie faible au contrat. En supprimant cette épée de Damoclès, le Gouvernement ne risque-t-il pas d'affaiblir au final considérablement la force obligatoire du contrat ? Elle lui demande des éclaircissements sur ce sujet.
Réponse publiée le 18 août 2015
L'article 3 de la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures vise à habiliter le gouvernement à procéder, par ordonnance, à une réforme des dispositions du code civil relatives au droit des contrats, au régime et à la preuve des obligations. Exclure par principe le recours à l'ordonnance risquerait de compromettre l'aboutissement d'une réforme sur le principe même de laquelle un large consensus s'est dégagé. Une habilitation à procéder par voie d'ordonnance n'aurait au demeurant pas pour effet d'écarter les parlementaires de ce chantier ambitieux. Tout d'abord, le gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi de ratification spécifique et à l'inscrire à l'ordre du jour. Le Parlement pourra ainsi exercer son droit de regard dans l'examen de ce projet de loi et apporter les modifications qu'il jugera nécessaires. Ensuite, des parlementaires désignés par chaque assemblée pourront travailler avec la Chancellerie sur l'avant-projet d'ordonnance afin de proposer les améliorations qu'ils estimeront utiles. Il doit à cet égard être rappelé que l'avant-projet élaboré par la direction des affaires civiles et du sceau est l'aboutissement d'un processus de réflexion long et particulièrement mûri. Ainsi, les travaux de la Chancellerie s'appuient notamment sur deux rapports rédigés, l'un à l'initiative du professeur Catala en 2005 et l'autre à celle du professeur Terré entre 2008 et 2013, et sur de multiples travaux associant professionnels du droit et acteurs du monde économique, lesquels pourront de nouveau faire part de leurs analyses à l'occasion de la consultation que le ministère de la justice ne manquera pas de lancer si l'habilitation est votée. Sur le fond, il convient de rappeler que si cette réforme d'ampleur propose de moderniser le droit des obligations en introduisant de nouvelles dispositions, une grande partie du projet vise à consolider les acquis en consacrant à droit constant les solutions dégagées par la jurisprudence, et qui sont ainsi connues des praticiens. Ainsi en est-il notamment de la consécration de l'exécution forcée en nature, d'ores et déjà reconnue par la jurisprudence et proposée par les projets doctrinaux. Afin d'éviter les abus, et dans la perspective d'une approche pragmatique des relations entre cocontractants, des exceptions à ce principe doivent toutefois être fixées. Une telle approche n'est d'ailleurs pas sans précédent en droit français puisque l'article L. 211-9 du code de la consommation, relatif à la garantie légale de conformité, précise que si, en cas de défaut de conformité, l'acheteur a le choix entre la réparation et le remplacement du bien, le vendeur peut écarter le choix effectué par l'acheteur si ce « choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut ». En toute hypothèse, le gouvernement entend soumettre cette proposition, comme l'ensemble du projet, à une large consultation qui permettra d'examiner les objections faites afin, le cas échéant, d'y apporter des réponses concrètes dans l'élaboration du texte.
Auteur : Mme Valérie Lacroute
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 14 octobre 2014
Réponse publiée le 18 août 2015