14ème législature

Question N° 674
de Mme Isabelle Le Callennec (Union pour un Mouvement Populaire - Ille-et-Vilaine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, emploi et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi et dialogue social

Rubrique > retraites : généralités

Tête d'analyse > réforme

Analyse > compte pénibilité. modalités. réglementation.

Question publiée au JO le : 20/05/2014 page : 3934
Réponse publiée au JO le : 28/05/2014 page : 3549

Texte de la question

Mme Isabelle Le Callennec attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur le compte pénibilité qui doit rentrer en vigueur le 1er janvier 2015. Depuis 2002, les entreprises doivent rédiger un document unique dans lequel elles identifient les dangers présents dans leurs locaux, les menaces pour les salariés. Elles mettent ensuite en place un plan d'action pour lutter contre ces dangers. La loi de 2010 sur les retraites a pris en compte la pénibilité octroyant aux salariés exposés la possibilité de partir à 60 ans. Et, depuis le 1er janvier 2012, les employeurs doivent établir une fiche individuelle de suivi pour chaque salarié exposé à un facteur de pénibilité. Le Gouvernement a souhaité la mise en place d'un compte pénibilité qui permettrait aux salariés exposés à des facteurs de pénibilité de cumuler des points pendant leur carrière. Ces points leur permettraient de partir plus tôt à la retraite ou de se reconvertir grâce à des formations. La définition des modalités de ce compte est laborieuse. Les entreprises dénoncent la mise en place d'une véritable usine à gaz qui va dans un sens contraire au choc de simplification voulu par le Gouvernement. Compte tenu de la radicalisation des positions, de la difficulté, malgré la nomination d'un médiateur, de définir les critères de ce compte pénibilité, elle lui demande quelles mesures il compte prendre en la matière, selon quelle méthode et selon quel calendrier.

Texte de la réponse

MISE EN ŒUVRE DU COMPTE PÉNIBILITÉ


Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour exposer sa question, n°  674, relative à la mise en œuvre du compte pénibilité.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, la question que je vous adresse porte sur le compte pénibilité qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2015.

La prise en compte de la pénibilité n'est pas nouvelle. En 2010, le gouvernement Fillon avait pris des mesures : octroi aux salariés exposés de la possibilité de partir à la retraite dès soixante ans, création d'un fond pénibilité destiné à des actions de prévention et investissement dans l'amélioration des conditions de travail dans les entreprises.

En 2012, vous avez voulu créer un compte pénibilité censé permettre aux salariés exposés de cumuler des points pendant leur carrière, soit pour partir plus tôt à la retraite, soit pour partir progressivement, soit pour se reconvertir grâce à des formations.

Comme nous l'avions anticipé au cours des débats, la mise en œuvre concrète de ce compte pénibilité s'avère un véritable casse-tête. La preuve en est que vous avez dû nommer un médiateur qui devrait prochainement remettre un rapport. Sachez que les entreprises n'en peuvent plus de cette instabilité permanente et de cette inflation normative.

Au vu des modalités de mise en œuvre, la complexité de votre dispositif est édifiante pour qui prétend à un choc de simplification. Comment mesurer concrètement la pénibilité et établir des seuils ? Dans une même journée, un salarié peut alterner des périodes d'exposition et des périodes de non-exposition. Qui va s'en occuper ? Toutes les entreprises ne sont pas dotées d'un service ressources humaines structuré en conséquence. La tenue d'une fiche individuelle est à l'évidence source de paperasserie supplémentaire, voire de contentieux, ce qui est peu propice au dialogue social auquel nous sommes tous très attachés.

S'agissant du coût pour les entreprises, vous avez créé une cotisation de 0,2 % sur la masse salariale pour toutes les entreprises et une cotisation comprise entre 0,6 et 1,6 % pour les seules entreprises où les salariés sont exposés. Ces cotisations devaient être mises en place en 2015. On apprend par voie de presse que ce serait repoussé à 2016 avec un abaissement du taux à 0,1 %. Confirmez-vous ces informations, monsieur le ministre ? Surtout, portez-vous des annonces qui soient de nature à rassurer les chefs d'entreprises sur la méthode, les financements et le calendrier de mise en œuvre de ce compte pénibilité ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Madame la députée Isabelle Le Callennec, je ne veux surtout pas polémiquer ce matin, bien au contraire. C'est pourquoi je vais vous donner une réponse très précise.

Vous évoquez la complexité de la mise en place du compte pénibilité, dont j'ai bien conscience. Je pourrais vous répliquer que cette complexité est issue de la fiche individuelle de suivi mise en place par un de mes prédécesseurs et devenue effective depuis le 1er janvier 2012, et m'en tenir à cette réponse. Cependant, ce ne serait pas suffisant et cela ne vous satisferait pas.

La création du compte de prévention de la pénibilité, personne ne le nie, consiste à reconnaître une juste compensation aux salariés qui sont exposés à des facteurs de pénibilité. Elle constitue donc une avancée sociale indéniable qui garantit le caractère équitable de la réforme des retraites. Déjà inscrite en filigrane dans la loi de 2010, elle s'est traduite en 2012 par l'acceptation de cette fiche de pénibilité, qui est d'une très grande complexité.

J'ai conscience des difficultés auxquelles sont confrontées les petites et moyennes entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Je me dois de le préciser, j'ai reçu à ce sujet les fédérations et de nombreuses lettres de parlementaires m'ont été adressées. J'entretiens sur ce sujet des contacts très approfondis avec les organisations professionnelles.

La priorité du Gouvernement dans la mise en œuvre des modalités pratiques du compte est de trouver les solutions offrant la plus grande simplicité de gestion et la meilleure sécurité juridique, tant pour les entreprises, s'agissant des obligations de déclaration des situations de pénibilité, que pour les salariés, s'agissant de l'utilisation des droits.

Afin de prendre en compte les points de vue de toutes les parties prenantes, le conseiller maître à la Cour des comptes Michel de Virville a été chargé par mon prédécesseur d'une mission de concertation et de mobilisation des branches qui est aujourd'hui entrée dans sa seconde phase et qui arrivera à son terme d'ici à la mi-juin. Après un premier tour d'horizon, cette seconde phase a pour objectif de recueillir les positions détaillées des partenaires sociaux, des experts et des branches sur une première ébauche opérationnelle du dispositif. Au terme de cette phase, disons donc d'ici à l'été, seront arrêtées les grandes lignes de l'architecture et du fonctionnement du compte.

Cette seconde phase a aussi pour but d'approfondir les modalités très concrètes de mise en œuvre du compte, avec deux objectifs prioritaires que j'ai fixés : la simplicité de la mise en œuvre – la complexité de la fiche était telle qu'elle faisait peur à de nombreux chefs d'entreprise – et l'équité dans l'ouverture des droits. Par ailleurs, et vous en conviendrez avec moi, l'amélioration de la prévention demeure une finalité essentielle du compte.

Pour conclure, je suis particulièrement attentif à l'évolution de ce dossier. C'est bien de voter des textes, c'est mieux de faire en sorte qu'ils entrent en application, dans l'intérêt tant des entreprises que des salariés, au moyen de la négociation d'accords d'entreprise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec. Le temps étant déjà dépassé, madame la députée, je vous demanderai de vous exprimer en une phrase.

Mme Isabelle Le Callennec. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je note que vous ne m'avez pas répondu sur les cotisations.