Question orale n° 675 :
conditions d'accès

14e Législature

Question de : Mme Dominique Nachury
Rhône (4e circonscription) - Les Républicains

Mme Dominique Nachury attire l'attention de M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique sur l'accès aux marchés publics des entreprises en situation de redressement judiciaire. Les dispositions L. 631-1 et suivants du code de commerce définissent la procédure de redressement judiciaire. Cette procédure permet à une entreprise en difficulté de poursuivre son activité, de maintenir ses emplois et d'apurer son passif. C'est en somme un temps de « respiration » qui est offert à l'entreprise afin qu'elle puisse se redresser. L'article 44 du code des marchés publics permet aux entreprises en redressement judiciaire de candidater à un marché public, à condition de produire à l'appui de leur candidature, une copie du ou des jugements prononcés par le tribunal compétent. Cette disposition devrait permettre aux entreprises de surmonter leurs difficultés, tout en permettant au pouvoir adjudicateur d'être informé de leur situation. Cependant, aux termes des dispositions contenues au 3° de l'article 8 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées, les entreprises en redressement judiciaire doivent justifier qu'elles ont été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d'exécution du marché. L'accès aux marchés publics des entreprises en redressement judiciaire se trouve ainsi fortement limité. Qui plus est, dans l'hypothèse où la durée d'exécution du marché est supérieure à celle de la période d'observation admise par le jugement l'autorisant à poursuivre son activité, l'entreprise ne sera pas recevable à soumissionner au dit marché. Cette interprétation a été confirmée par une décision du Conseil d'État du 10 novembre 2010. Selon le secteur d'activité, nombreux sont les marchés dont la durée d'exécution est de plusieurs années. Une procédure de redressement judiciaire commence par une période d'observation d'une durée maximale de six mois, renouvelable une fois. Ainsi pendant cette période d'observation, il sera impossible à l'entreprise en difficulté de candidater pour un marché de plusieurs années, l'empêchant par là même de redresser sa situation. C'est le cas notamment de bon nombre d'entreprises du Rhône. Aussi, elle lui demande de lui préciser si le Gouvernement envisage de modifier ces dispositions qui fragilisent davantage les petites et moyennes entreprises.

Réponse en séance, et publiée le 28 mai 2014

ACCÈS AUX MARCHÉS PUBLICS DES ENTREPRISES EN SITUATION DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour exposer sa question, n°  675, relative à l'accès aux marchés publics des entreprises en situation de redressement judiciaire.

Mme Dominique Nachury. Madame la secrétaire d'État chargée du numérique, ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, a trait à la situation d'une entreprise locale de sécurité, mais elle concerne bien d'autres entreprises.

La société dont je parle a considérablement développé son activité en cinq ans. Elle a connu des difficultés liées notamment aux cinq réformes successives de la profession et a été contrainte au placement en redressement judiciaire. L'accès aux marchés publics ne lui est pas permis, car elle ne peut garantir sa capacité à fournir les prestations demandées pendant la durée prévue du marché : dans ce secteur, les marchés publics sont souvent d'une durée de quatre ans.

Si l'article 44 du code des marchés publics permet aux entreprises en redressement judiciaire de candidater un marché public, celles-ci doivent néanmoins justifier, aux termes de l'ordonnance du 6 juin 2005, qu'elles ont été habilitées à poursuivre leur activité pendant la durée prévisible d'exécution du marché. Si la durée du marché est supérieure à celle de la période d'observation définie par le juge, la candidature de l'entreprise devra être rejetée, comme l'a confirmé une décision récente du Conseil d’État de mars 2014.

D'un côté, on offre la possibilité à l'entreprise de poursuivre son activité ; de l'autre, on limite son accès aux marchés publics, lesquelles pourraient lui donner les moyens de poursuivre cette activité. Considérant le contexte économique actuel, serait-il envisageable d'assouplir une telle restriction ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique. Madame la députée, votre question fait référence à un sujet d'actualité : celle des entreprises en difficulté au regard de l'accès aux marchés publics et qui a donné lieu à une récente décision, que vous avez citée, du Conseil d’État du 26 mars dernier. La position du Conseil d’État à ce sujet se veut très pragmatique et l'exclusion des entreprises en redressement judiciaire de la procédure d'accès aux marchés publics n'est pas systématique.

En effet, contrairement à la mise en liquidation judiciaire d'un opérateur économique ou au prononcé de sa faillite personnelle qui l'empêche de se porter candidat à un marché public, lorsque le placement en redressement judiciaire a lieu avant le dépôt de son offre, il peut être admis à participer à cette procédure de passation s'il justifie qu'il est habilité à poursuivre son activité pendant la durée prévisible de l'exécution du marché telle qu'elle ressort des documents de la consultation. Cette interdiction, comme vous pouvez le constater, n'est pas absolue.

Toutefois, si le redressement judiciaire est prononcé par le tribunal de commerce après la date limite de dépôt des offres, le Conseil d’État juge que l'opérateur économique doit en informer sans délai l'acheteur public à qui il incombe de faire vérifier s'il est autorisé à poursuivre son activité au-delà de la durée d'exécution et d'apprécier si sa candidature est recevable. Si tel n'est pas le cas, l'entreprise candidate ne doit pas pouvoir poursuivre le processus de passation.

À cet égard, des dispositions figurant à l'article 8 de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées selon lesquelles les entreprises en redressement judiciaire doivent justifier qu'elles ont été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d'exécution du marché n'apparaissent pas en contradiction avec la jurisprudence du Conseil d’État. Elles constituent une protection permettant aux acheteurs publics de se prémunir contre des problèmes qu'ils pourraient rencontrer lors de l'exécution du marché par l'entreprise en difficulté.

Vous le voyez, cette approche pragmatique répond aux possibilités commerciales qui doivent continuer à être offertes dans le cas d'un redressement judiciaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. Soyons pragmatiques, madame la secrétaire d’État ! La durée maximale des délais d'observation est de six mois renouvelable une fois, voire exceptionnellement deux fois. Or les durées des marchés publics sont souvent beaucoup plus longues. Dans le cas des entreprises de sécurité que je viens de citer, les marchés sont souvent passés pour quatre ans. Il y a donc là une distorsion importante. Aucune entreprise ne pourra, de toute façon, garantir l'exécution du marché.

Cette incohérence entre les délais prévus dans le cadre du redressement judiciaire et la durée des marchés publics pose problème. Les collectivités, qui passent généralement ce genre de marchés pour des durées assez longues, souhaitent continuer à travailler avec ces entreprises ; malheureusement, elles ne le peuvent pas en raison de la rigidité du code de marchés publics. Votre réponse me déçoit quelque peu, mais sans doute moins que les entreprises concernées !

Données clés

Auteur : Mme Dominique Nachury

Type de question : Question orale

Rubrique : Marchés publics

Ministère interrogé : Économie, redressement productif et numérique

Ministère répondant : Économie, redressement productif et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 mai 2014

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