Question de : M. Jean-Paul Dupré
Aude (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jean-Paul Dupré souhaite interroger M. le ministre des finances et des comptes publics sur l'action de la France dans le domaine de la lutte contre l'optimisation fiscale des grandes sociétés internationales. Depuis deux ans et demi, la lutte contre la fraude fiscale a été une constante de l'action du Gouvernement. C'est ainsi que pour 2014, 1,8 milliard d'euros de recettes vont être générés par le durcissement de la lutte contre l'évasion et par les régularisations fiscales. En outre, grâce en particulier à l'action de la France, à partir de 2017, le secret bancaire n'aura plus cours sur le territoire européen. Malgré cette action courageuse et déterminée et les résultats obtenus, force est de constater que nombre de grandes sociétés internationales ne paient des impôts nulle part, bien qu'elles réalisent de gros bénéfices. Cette situation est absolument intolérable et il doit y être mis fin au plus tôt. Il lui demande quelles actions la France compte conduire au niveau européen et international en ce domaine.

Réponse publiée le 17 février 2015

Le gouvernement partage pleinement la préoccupation de l'auteur de la question. En effet, l'évolution de l'économie, marquée notamment par l'internationalisation croissante des activités et le renforcement de l'importance stratégique des actifs immatériels, a fait apparaître des lacunes voire l'inadaptation de certaines règles actuelles de la fiscalité internationale. Les États subissent d'importantes pertes de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés sous l'effet de schémas d'optimisation fiscale qui reposent sur l'exploitation des incohérences entre différentes normes juridiques ou le transfert des bénéfices vers des pays où ils sont plus faiblement taxés. Les distorsions induites nuisent à une concurrence loyale au détriment des petites et moyennes entreprises. La question de l'érosion de l'assiette de l'impôt sur les sociétés est ainsi devenue une priorité politique pour de nombreux pays. Dans ce cadre, en France, les pouvoirs publics ont pris une importante série de mesures. À titre d'illustration, la loi de finances pour 2014 a prévu un dispositif législatif dont l'objectif est de lutter contre les schémas visant à créer artificiellement de l'endettement et à bénéficier d'une double non-imposition. La déduction d'une charge d'intérêt est refusée à l'entreprise débitrice dès lors que le produit correspondant ne se trouve pas ou peu taxé chez l'entreprise créancière. Cette mesure impose une symétrie dans le traitement de la charge et du produit permettant de lutter contre l'optimisation fiscale via des produits hybrides. Par ailleurs, dans le cadre de la loi de finances pour 2015, les sanctions applicables aux grandes entreprises qui ne rempliraient pas leurs obligations en matière de documentation de prix de transfert ont été rendues plus dissuasives puisqu'elles peuvent désormais représenter 0,5 % du montant des opérations considérées. Au plan international, de même, la France est fortement engagée dans la lutte contre la planification fiscale agressive. Elle fait partie des États qui ont lancé, au sommet du G20 de Los Cabos en 2012, les travaux conduits par l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour lutter contre l'érosion des bases d'imposition et les transferts de bénéfices (« Base Erosion and Profit Shifting » BEPS). Ils sont fondés sur un plan d'action large et ambitieux comportant 15 axes, qui a été endossé par les chefs d'États et de gouvernement du G20 les 5 et 6 septembre 2013 à Saint-Pétersbourg et doit conduire d'ici la fin de 2015 à des propositions concrètes permettant de répondre aux schémas abusifs de planification fiscale et aux régimes dommageables mis en place par certains États. Dans ce cadre, le 16 septembre 2014, l'OCDE a publié 7 rapports intermédiaires relatifs notamment à l'économie numérique, aux montages hybrides et aux prix de transfert. Au sein de l'Union européenne, la France joue aussi un rôle moteur afin d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur, en comblant les lacunes découlant de l'exploitation des différences entre systèmes fiscaux nationaux. En ce sens, elle a notamment soutenu la révision de la directive relative aux sociétés mères et filiales de 2003, afin d'y insérer des mécanismes anti-abus, qui a été menée à bien en 2014. En outre, dans sa lettre du 28 novembre 2014, adressée au commissaire en charge de la fiscalité, le ministre des finances et des comptes publics, avec ses homologues allemand et italien, a appelé l'Union européenne à franchir désormais une nouvelle étape à travers le déploiement d'une stratégie d'ensemble contre l'optimisation fiscale. Cette démarche doit reposer sur des règles communes permettant de garantir la transparence des pratiques, de lutter contre les situations de sous-imposition et la concurrence dommageable entre les États membres, et de mettre en place des réponses à l'égard de certains pays tiers qui pratiquent l'opacité et l'absence de fiscalité. En cohérence avec les chantiers en cours au niveau international, des résultats sont attendus dès la fin de l'année 2015. Enfin, dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale, notamment des particuliers, la signature par plus de 50 États et territoires dont la France, le 29 octobre 2014 à Berlin, d'un accord multilatéral visant à mettre en place la nouvelle norme commune en matière d'échange automatique d'informations financières et l'adoption par l'Union européenne, le 9 décembre 2014, de la mise à niveau de la directive européenne sur la coopération administrative, sont des avancées majeures. La France a joué un rôle essentiel dans l'aboutissement de ces travaux.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Dupré

Type de question : Question écrite

Rubrique : Impôt sur les sociétés

Ministère interrogé : Finances et comptes publics

Ministère répondant : Finances et comptes publics

Dates :
Question publiée le 4 novembre 2014
Réponse publiée le 17 février 2015

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