14ème législature

Question N° 70311
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Droits des femmes
Ministère attributaire > Droits des femmes

Rubrique > femmes

Tête d'analyse > politique à l'égard des femmes

Analyse > dépenses publiques. collectivités locales. mixité. attention.

Question publiée au JO le : 02/12/2014 page : 9996
Réponse publiée au JO le : 14/04/2015 page : 2854
Date de changement d'attribution: 31/03/2015
Date de renouvellement: 10/03/2015

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes sur le rapport des femmes à l'espace urbain. Alors même que la date du 25 novembre 2014, journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes, approchait, nombreuses sont celles qui faisaient quotidiennement face à des situations de harcèlement dans la rue, et leur rapport à l'espace urbain s'en trouve considérablement affecté. Ces derniers mois, les vidéos tournées en caméra cachée montrant des femmes se faisant aborder et souvent insulter dans les rues de villes du monde entier se font nombreuses, et suscitent de légitimes interrogations. Alors que les hommes occupent réellement l'espace urbain et y « stationnent » (dans les cafés, terrains de pétanque ou de basketball, skate-parks, etc.), les femmes limitent son utilisation à leurs déplacements (pour se rendre chez le médecin, ou encore aller à leur travail), et pratiquent ainsi des « stratégies d'évitement ». Selon le géographe Yves Raibaud, qui a mené plusieurs études à Paris, Toulouse, Bordeaux et Montpellier, cet état de fait tiendrait à l'aménagement sexué d'une ville « faite par et pour les hommes ». Selon lui, 75 % des dépenses d'équipements publics extérieurs serviraient en effet à financer des lieux de loisirs essentiellement fréquentés par les garçons, en consacrant des « espaces virils et dominants [renforçant] la présence des hommes dans l'espace public ». Dès la classe de sixième au collège, les jeunes filles abandonneraient ainsi certaines activités de loisir sportif ou culturel proposées par les municipalités. Selon M. Raibaud, l'une des solutions à ce problème consisterait à pratiquer le « gender budgeting » pour que les municipalités prennent conscience de l'inéquitable répartition des activités de loisirs selon le genre, et qu'elles en tiennent compte dans leur budget. La création d'un Observatoire des inégalités de genre exerçant une fonction de veille sur l'habitat, les transports, les équipements et les aménagements pourrait aider les municipalités à mettre fin à ces déséquilibres, de même que la mise en place d'un label récompensant les villes qui offrent un bon coefficient de mixité dans les espaces publics, et in fine contribuer à changer la perception féminine de l'espace urbain. Il souhaite donc connaître son avis sur ces propositions, et plus largement sur les moyens à mettre en œuvre pour permettre la réappropriation par les femmes de l'espace urbain.

Texte de la réponse

Le Président de la République et le Gouvernement ont fait de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes un objectif fondamental de la politique menée au service des Françaises et des Français. Les actions qui ont été engagées dans ce sens sont nombreuses, tout comme le sont les avancées obtenues. Le Gouvernement a notamment choisi de faire de l'égalité d'accès à l'espace public et de la lutte contre les comportements sexistes intimidants et les violences sexuelles une priorité. Ainsi, de nombreux dispositifs sont mis en place dans ce sens. A titre d'exemple, depuis 1995, le programme Ville Vie Vacances porte sur l'ensemble du territoire et se déroule durant toutes les vacances scolaires. Ses objectifs consistent d'une part à promouvoir l'accès à des activités culturelles, civiques, sportives et de loisirs, et d'autre part à contribuer à l'insertion sociale, à la prévention de l'exclusion, à la prévention de la délinquance et à l'éducation à la citoyenneté, le tout, en favorisant la mixité des publics. Ces opérations doivent donc toucher au minimum 45 % de filles, cet objectif ayant été renforcé au fil des années. De même la signature des conventions pluriannuelles d'objectif avec les fédérations sportives ont été conditionnées à la mise en place de plans de féminisation qui doivent réduire les inégalités d'accès à la pratique sportive, que ce soit en matière d'équipements sportifs, de diversité des sports proposés et d'accès aux clubs. La loi du 4 août 2014 s'inscrit parfaitement dans cette dynamique, que ce soit à travers l'ensemble des dispositions visant à établir la parité dans les instances représentatives de la société civile ou à travers son article 61, qui demande aux collectivités de présenter un rapport annuel de leur action en matière d'égalité femmes/hommes et les incite ainsi, à développer une approche genrée du budget. Enfin, le harcèlement qu'ont à subir les femmes dans l'espace public constitue un phénomène quotidien et ces comportements renvoyant la femme à un objet sexuel dénué de droit ou à une proie sont purement inacceptables. C'est pourquoi, lors du conseil national de sécurité dans les transports en commun du 16 décembre 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux transports, à la mer et à la pêche et Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, ont lancé un groupe de travail sur les violences faites aux femmes dans les transports en commun, en partenariat avec la SNCF, la RATP, l'union des transporteurs publics et Ferroviaires (UTP) et le groupement des autorités responsables des transports (GART). Le groupe de travail a été chargé de mettre en place un plan de prévention et de lutte contre ces violences sexistes qui devra notamment passer par une large sensibilisation du public, pour que chacun sache réagir au mieux face à ces situations inacceptables. Les conclusions de ce groupe de travail, seront rendues lors du prochain conseil national de sécurité dans les transports en commun qui devra se tenir à la fin du premier semestre 2015. Parallèlement, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et la secrétaire d'Etat aux droits des femmes ont saisi le haut conseil à l'égalité afin qu'il puisse examiner le harcèlement dont sont victimes les femmes dans l'espace public et en particulier dans les transports en commun. L'objectif est de proposer des recommandations sur les réponses qui peuvent être apportées, les actions qui peuvent être menées, qu'elles soient en direction des agresseurs, des femmes victimes de harcèlement, des témoins ou des professionnels concernés. Pour conclure, la lutte contre le harcèlement de rue s'intègre pleinement dans la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2013-2017 et le 4e plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes 2014-2016. L'action de l'Etat en la matière s'appuie notamment sur le dispositif des marches exploratoires expérimenté au Canada. Ces « marches exploratoires des femmes » constituent un nouvel outil qui contribue à mieux lutter contre les violences faites aux femmes dans les espaces publics et à impliquer les habitantes. Elles consistent à mettre en place des diagnostics de terrain conduits par des femmes (groupe de 10 environ), résidentes du quartier. Il s'agit d'explorer un site délimité pour observer et analyser avec précisions les atouts et les faiblesses de l'espace urbain emprunté quotidiennement par ces femmes, puis de restituer les constats auprès des élus et des représentants de l'Etat par la production d'un rapport et des préconisations. Le dialogue est ainsi créé avec les élus et les acteurs ayant en charge la conception urbaine sur la mise en place d'aménagements plus sûrs et sécurisants. Ainsi, avec l'appui de France médiation, une expérimentation de marches exploratoires est en cours dans 12 sites (Arcueil, Bordeaux, Creil, Lille...) en lien avec les structures de médiation sociale, les institutions publiques locales et les associations de proximité. L'objectif est la réalisation de diagnostics de terrain par des femmes résidant dans un quartier en lien avec les instances locales concernées. Les enseignements de ces marches exploratoires permettront à terme de mettre en place des mesures adéquates pour mieux lutter contre les facteurs d'insécurité dans les espaces publics et ainsi mieux protéger les femmes.