agrocarburants
Question de :
M. François Cornut-Gentille
Haute-Marne (2e circonscription) - Les Républicains
M. François Cornut-Gentille interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les agrocarburants. Le recours croissant aux agrocarburants engendre une pression sur les terres et prix agricoles dans le monde. Une régulation de l'activité mondiale en la matière semble nécessaire pour éviter que des sociétés ne s'accaparent des terres agricoles aux fins de produire des agrocarburants, au détriment du développement d'une agriculture orientée vers les populations locales, notamment en Afrique et en Asie. Aussi, il lui demande de préciser les initiatives envisagées par le Gouvernement au sein des diverses institutions internationales concernées (FAO, ONU...) pour réguler la production d'agrocarburants.
Réponse publiée le 14 janvier 2014
La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et la directive 2009/30/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et au gazole ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, prévoient notamment : - l'instauration d'un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre produites sur l'ensemble du cycle de vie des carburants de 10 % en 2020 ; - l'instauration d'un objectif d'utilisation d'énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de 23 % et 10 % dans le secteur des transports en 2020. En France, le plan national d'action en faveur des énergies renouvelables prévoit que les biocarburants apporteront la contribution la plus importante à l'objectif européen de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports à l'horizon 2020. En effet, les alternatives, comme la pile à combustible ou le véhicule électrique, ne seront pas en mesure de contribuer significativement à cet objectif à court terme, en raison du stade trop peu avancé de leur développement. Pour cela, le plan national d'action a fixé des objectifs ambitieux d'incorporation de biocarburants dans les carburants traditionnels d'origine fossile de 2005 à 2010. L'objectif d'incorporation de 5,75 % en énergie de biocarburants dans les carburants traditionnels d'origine fossile, initialement prévu pour 2010 par la directive européenne 2003/30/CE, a été avancé à 2008 et porté à 7 % en énergie pour 2010. Dans son rapport sur la politique d'aide aux biocarburants en date de janvier 2012, la Cour des comptes propose de poursuivre le soutien à la production et à la consommation de biocarburants en redéfinissant de façon plus réaliste les cibles françaises d'incorporation de biocarburants. Ainsi, le Gouvernement ne prévoit pas de modifier l'objectif actuel. Lors de la conférence environnementale pour la transition écologique qui s'est tenue les 14 et 15 septembre 2012, le Gouvernement a annoncé que l'objectif d'incorporation des biocarburants issus de matières premières également destinées à l'alimentation humaine resterait plafonné à 7 %. Cela permettra de ne pas mettre en péril une filière indispensable à la transition énergétique, et dont les débouchés industriels sont intéressants pour la France, tout en tenant compte de ses impacts sur le prix des matières premières alimentaires. Après l'atteinte de cet objectif dans chacune des filières, les objectifs devraient être relevés progressivement avec le concours des biocarburants issus de déchets ou de résidus puis avec les biocarburants avancés. Pour cela, le Gouvernement a engagé des actions volontaristes. La recherche sur les biocarburants de deuxième et troisième génération est privilégiée parallèlement aux filières actuelles. En effet, les limites physiques et économiques de production des biocarburants de première génération, notamment en matière de rendement à l'hectare et de protection des débouchés alimentaires, conduisent les pouvoirs publics à soutenir la recherche et le développement sur les biocarburants avancés de 2e et 3e génération. Les biocarburants de 2e génération utilisent l'intégralité de la lignocellulose des plantes ou de la biomasse (bois, paille, résidus agricoles et forestiers et cultures dédiées). Ces cultures dédiées n'entreront plus en concurrence directe avec les cultures vivrières. Les biocarburants de 3e génération sont issus des algues cultivées soit en milieu ouvert, soit en bioréacteur. Ces filières du futur se développent avec de nouveaux procédés industriels utilisant des sources de biomasse non destinées à l'alimentation humaine ou animale. Les biocarburants avancés n'ont pas encore atteint le stade industriel et sont encore au stade de la recherche et du développement. En France, les premières productions industrielles sont escomptées un peu avant la fin de la décennie. Par ailleurs, la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et la directive 2009/30/CE concernant les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel, et au gazole ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, instaurent des critères conformes aux exigences du développement durable, dénommés « critères de durabilité ». Seuls les biocarburants et les bioliquides qui respectent ces critères pourront être pris en compte pour l'atteinte des objectifs susmentionnés et déterminer l'admissibilité à une aide financière pour leur consommation. Ces critères sont de deux ordres : - critères qualitatifs : les biocarburants et les bioliquides ne doivent pas être produits à partir de terres riches en biodiversité (forêts primaires, prairies naturelles...) et de terres présentant un important stock de carbone (zones humides, zones forestières continues...) ; - critères quantitatifs : les biocarburants et les bioliquides doivent permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre (du puits à la roue), d'au moins 35 % par rapport aux énergies fossiles, pourcentage porté à 50 % en 2017. Ces critères de durabilité s'appliquent aux biocarburants consommés dans l'Union européenne (indépendamment du fait que les matières premières utilisées ont été cultivées en dehors du territoire de l'UE) et à toutes les filières. Ce régime de durabilité constitue, au niveau mondial, le programme de viabilité le plus complet et le plus à la pointe afin d'éviter les effets secondaires négatifs de la production de biocarburants. A ce jour, l'ensemble de ces mesures a été transposé en France. En outre, la Commission européenne travaille actuellement sur la mise à jour de ces directives, afin d'intégrer les effets du changement d'affectation des sols (CAS). Un projet de directive a d'ailleurs été communiqué aux États membres le 17 octobre 2012. À cette occasion, Mme Connie Hedegaard, commissaire européen chargé de l'action pour le climat, a affirmé que « nous devons investir dans des biocarburants [...] n'entrant pas en concurrence avec la production alimentaire ». L'une des mesures envisagées par la Commission à l'heure actuelle consiste à limiter la part des biocarburants issus de matières premières alimentaires. Les différents groupes de travail européens relatifs à ce projet de directive seront donc l'occasion de débattre des effets de la production d'agrocarburants au niveau mondial. Par ailleurs, le Gouvernement est impliqué au niveau international, et participe à des groupes de travail afin de mieux comprendre l'impact des biocarburants sur l'utilisation des ressources. Il suit notamment les travaux de la FAO (Food and agriculture organization), qui est très active sur ce sujet et a commandé pour 2013 un rapport au HLPE (High level panel of expert, un groupe d'experts de haut niveau) sur la sécurité alimentaire et la nutrition. La France participe activement au GBEP (Global bioenergy partnership), un forum d'échange sur les problématiques liées à l'utilisation de la biomasse-énergie. Un des sujets de ce groupe est le conflit d'usage qui peut exister entre alimentation et énergie. Enfin, le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt président le groupe interministériel français sur la sécurité alimentaire, qui est un espace d'échange regroupant des acteurs d'origine diverse (administrations, ONG, AFD, profession agricole...) et dont l'objectif est de renforcer la sécurité alimentaire dans les pays du sud. Ce groupe est l'occasion d'échanges réguliers avec de nombreux partenaires internationaux comme l'Allemagne, le Brésil ou encore l'ONU.
Auteur : M. François Cornut-Gentille
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie
Dates :
Question publiée le 16 octobre 2012
Réponse publiée le 14 janvier 2014