14ème législature

Question N° 7120
de Mme Barbara Romagnan (Socialiste, républicain et citoyen - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Famille
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > enfants

Analyse > kafala. réglementation.

Question publiée au JO le : 16/10/2012 page : 5672
Réponse publiée au JO le : 06/08/2013 page : 8508
Date de changement d'attribution: 23/10/2012
Date de renouvellement: 28/05/2013

Texte de la question

Mme Barbara Romagnan attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur la problématique de la kafala en droit coranique, et son application en droit français. La loi n° 2001-111 du 6 février 2001 interdit l'adoption d'enfant dont la loi nationale prohibe cette institution. En conséquence, aujourd'hui les familles recueillant des enfants par kafala ne sont pas considérées comme des familles adoptives à part entière. Plusieurs institutions telles que la Défenseur des enfants, la HALDE et le comité des droits de l'enfant des Nations-unies ont souligné la discrimination à laquelle étaient confrontés ces enfants et leurs familles adoptives vis-à-vis des administrations et des organismes sociaux. En effet, cette situation pose de véritables problèmes et placent les enfants dans une situation légale instable vis-à-vis de ceux qu'ils considèrent comme leurs parents, ce qui apparaît paradoxal dans la mesure où la kafala est reconnue expressément par la convention internationale des droits de l'enfant comme une mesure de protection des mineurs. Aussi, pour garantir l'intérêt supérieur de ces enfants, elle lui demande de lui faire part des mesures qu'elle entend prendre pour supprimer les distinctions entre les enfants adoptés en fonction de la loi de leur pays en termes d'accès au territoire, de prestations sociales ou de droits successoraux.

Texte de la réponse

La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. C'est donc une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle est expressément reconnue par plusieurs conventions, que la France a ratifiées, comme une mesure de protection au même titre que l'adoption (article 20 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et article 3 de la convention de la Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et des mesures de protection des enfants du 19 octobre 1996). L'article 370-3 du code civil, issu de la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, prévoit que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si le mineur est né et réside habituellement en France. Cette disposition a été adoptée à l'unanimité par le Parlement français, afin de respecter la souveraineté des Etats prohibant l'adoption, et de se conformer aux exigences de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur l'adoption internationale, qui impose de s'assurer de l'adoptabilité d'un enfant au regard de sa loi personnelle. A plusieurs reprises, la Cour de cassation s'est prononcée sur la conformité de l'alinéa 2 de l'article 370-3 du code civil, qui empêche l'adoption d'un enfant dont la loi prohibe l'institution, aux différentes conventions internationales. Elle a ainsi estimé que le refus d'assimiler la kafala à une adoption n'établissait pas de différence de traitement au regard de la vie familiale de l'enfant dès lors que la kafala, reconnue par la convention internationale des droits de l'enfant préservait, au même titre que l'adoption, l'intérêt supérieur de l'enfant. La Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans son arrêt Harroudj contre France en date du 4 octobre 2012, a confirmé cette analyse. Elle a ainsi estimé que le refus de prononcer l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle prohibe l'institution ne constitue pas une ingérence dans la vie familiale de la femme qui a recueilli l'enfant et ne porte pas atteinte au respect de sa vie privée et familiale. La kafala judiciaire, comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives, la kafala est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle. L'enfant recueilli n'est donc ni un mineur isolé ni un enfant sans statut protecteur. En outre, l'enfant recueilli par kafala peut être adopté dès qu'il acquiert la nationalité française, ce qui est possible après qu'il a résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Une circulaire est en préparation au ministère de la justice visant à rappeler les effets juridiques de la kafala et à simplifier les démarches des familles qui accueillent ces enfants sur le territoire national. Par ailleurs, le gouvernement entend examiner les propositions de réforme portées à son attention par le défenseur des droits qui seraient susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés.