14ème législature

Question N° 713
de Mme Jacqueline Fraysse (Gauche démocrate et républicaine - Hauts-de-Seine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Budget
Ministère attributaire > Décentralisation et fonction publique

Rubrique > collectivités territoriales

Tête d'analyse > budget

Analyse > dotations de l'État. réduction. conséquences.

Question publiée au JO le : 17/06/2014 page : 4760
Réponse publiée au JO le : 25/06/2014 page : 4592
Date de changement d'attribution: 17/06/2014

Texte de la question

Mme Jacqueline Fraysse interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, sur les conséquences de la baisse des dotations de l'État aux collectivités.

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES DE LA BAISSE DES DOTATIONS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES


M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour exposer sa question, n°  713, relative aux conséquences de la baisse des dotations de l'État aux collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, le Gouvernement a décidé de faire contribuer les collectivités locales au redressement des comptes publics et à la réduction du coût du travail en réduisant très fortement ses dotations financières. C'est ainsi que 3 milliards d'efforts leur ont déjà été imposés dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 et pour contribuer au financement du crédit impôt compétitivité emploi en faveur des entreprises. À cette somme devront s'ajouter 11 milliards dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017.

Ce faisant, le Gouvernement impose de facto aux collectivités locales une réduction de leurs dépenses et donc des services publics à la population. Nous considérons que ces mesures d'austérité sont contre-productives car elles vont porter atteinte à la croissance, notamment en réduisant les capacités d'investissement des communes. Elles vont, dans le même mouvement, accentuer les injustices sociales car la réduction des services publics, tout comme d'ailleurs le gel des pensions et des prestations sociales que vous envisagez, toucheront d'abord les plus modestes.

Ainsi, concernant ma ville de Nanterre qui compte 46 % de foyers non imposables, contre une moyenne de 36 % en Île-de-France, l'État pourrait réduire sa dotation forfaitaire de 70 % d'ici à 2017, soit 11,7 millions d'euros par an à partir de cette date : 11,7 millions d'euros, c'est plus de 13 % du budget d'investissement de la ville, c'est plus que l'ensemble du budget de la culture, plus que son budget consacré au sport ou à la santé, c'est près de quatre fois ce que représente pour la ville la surcharge foncière pour la construction de logements sociaux.

Ces investissements, ces services publics sont d'autant plus indispensables que le revenu moyen des Nanterriens se situe autour de 21 600 euros par an, contre, par exemple, près de 39 000 euros dans la ville voisine de Levallois ou 84 000 euros à Neuilly-sur-Seine.

Que faut-il supprimer pour compenser cette baisse des dotations au moment où est imposé à la ville le financement de la réforme des rythmes scolaires, qui lui coûte près de 1,5 million par an ? Faut-il fermer, par exemple, les centres de santé, conduisant la majorité des personnes qui les fréquentent à renoncer ou retarder des soins ? Ainsi, ce que les comptes publics et les entreprises gagneront peut-être à cette politique d'austérité, l'investissement et la justice sociale le perdront sans aucun doute.

Face à cette situation et compte tenu de la récente décision du Conseil constitutionnel qui a censuré, au nom du principe d'égalité, le plafonnement des contributions au Fonds de solidarité de la région Île-de-France, le Gouvernement compte-t-il au moins prendre en compte, dans le calcul de ses dotations, non pas simplement les recettes fiscales des communes, mais également le niveau de vie de leurs habitants, afin d'atténuer les conséquences de cette politique ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale. Madame la députée, le Président de la République, François Hollande, a annoncé dès le 14 janvier 2014 la mise en œuvre d'un pacte de responsabilité et de solidarité destiné à soutenir la croissance et l'emploi tout en maîtrisant les dépenses publiques. Lors de son discours de politique générale ici même, le Premier ministre, Manuel Valls, a détaillé les mesures nécessaires pour atteindre des objectifs fixés par ce pacte. Le soutien à la compétitivité de notre économie s'accompagne d'un plan d'économies de 50 milliards entre 2015 et 2017. Afin de financer les priorités gouvernementales et de réduire le déficit public, tous les acteurs publics doivent participer à l'effort d'économies en fonction de leur poids dans la dépense publique, soit 18 milliards pour l'État, 11 milliards pour les collectivités territoriales, 10 milliards pour l'assurance maladie et 11 milliards pour la protection sociale.

Pour les collectivités territoriales, cet effort dont l'État est bien conscient qu'il est important, sera financé par une réduction des dotations de l'État. En 2014, le pacte de confiance et de solidarité prévoyait déjà une minoration de la dotation globale de fonctionnement à hauteur de 1,5 milliard. Le comité des finances locales s'était prononcé sur la répartition de cette charge entre niveaux de collectivités et avait retenu le principe d'une participation proportionnelle aux recettes totales d'investissement et de fonctionnement. Dans ce schéma, les régions avaient contribué à hauteur de 184 millions d'euros, le bloc communal à hauteur de 840 millions d'euros et les départements à hauteur de 476 millions d'euros.

Au sein de chaque catégorie, la baisse des dotations n'a pas été linéaire. Tout d'abord, la dotation forfaitaire des départements a été minorée en fonction du niveau de revenu par habitant et du taux de taxe foncière sur les propriétés bâties. De plus, la répartition au prorata des recettes réelles de fonctionnement pour le bloc communal, et des recettes totales pour les régions, a assuré une forme de péréquation de la baisse des dotations. Ainsi les collectivités les plus vulnérables et percevant moins de ressources ont contribué de façon moindre que les autres à cet effort.

Dans un contexte de nouvelle diminution de la DGF, l'effort particulier en faveur de la péréquation a été approfondi. Cela s'est traduit par une hausse de 10 millions d'euros des dotations de péréquation départementales, et, pour les communes, par une augmentation de la dotation de solidarité urbaine de 60 millions d'euros, une augmentation de la dotation de solidarité rurale de 39 millions d'euros et enfin une hausse de la dotation nationale de péréquation de 10 millions d'euros.

Cet effort en faveur des collectivités les plus pauvres a considérablement atténué les conséquences pour elles de la baisse des dotations. Rappelons que le montant total des dotations de péréquation communale atteint, en 2014, 1,5 milliard d'euros pour la DSU, 1 milliard d'euros pour la DSR et 784 millions d'euros pour la DNP. L'État va continuer de veiller à une croissance continue de la péréquation verticale et à la recherche d'une meilleure redistribution des richesses entre collectivités.

Vous le savez aussi, madame la députée, des marges de manœuvre existent, au niveau local, dans le bloc communal, pour maîtriser certaines dépenses, notamment à travers la mutualisation des services à l'échelle intercommunale. Plusieurs exemples de mutualisation, soit ascendante, soit descendante, ont montré les gains induits. Ces mutualisations communes-intercommunalités sont appelées à se développer. L'article 55 de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 a créé un coefficient de mutualisation des services qui sera utilisé pour le calcul de la DGF des intercommunalités dès 2015. Nous y travaillons dans le cadre de la loi de finances qui est en préparation.

La réforme territoriale qui est également en préparation, même si ce n'est pas son objectif, donnera de nouvelles marges de maîtrise des dépenses aux collectivités. Avec la clarification des compétences et la suppression des doublons et des chevauchements, on pourrait réaliser des économies d'échelle sur la gestion locale, notamment dans le domaine des services généraux, des fonctions supports, des commandes et des marchés publics, de la maintenance informatique ou des bâtiments.

Madame la députée, je sors d'une réunion organisée au ministère de la décentralisation avec Marylise Lebranchu et Christian Eckert, où nous avons reçu l'ensemble des associations d'élus, les grandes villes, les villes moyennes, les petites villes, les communes rurales, les départements, les régions, les districts, les communautés. L'ambiance n'était pas euphorique. Tous les élus, de toutes strates et de toutes tendances, s'inquiètent beaucoup de cette baisse des dotations, pour leur budget de fonctionnement et par voie de conséquence pour leur budget d'investissement même s'ils comprennent le sens de cette politique que nous avons essayé de leur expliquer.

Lors de cette réunion, j'ai insisté pour ma part sur les normes. Le stock existant et le flux permanent de normes ont coûté très cher aux collectivités locales : 1,8 milliard en 2013. Le Gouvernement a la ferme volonté de réduire le flux et le stock. J'organiserai très prochainement une réunion ad hoc sur ce sujet avec toutes les associations d'élus. Je comprends vos inquiétudes, madame la députée, et j'espère avoir pu vous rassurer.

Mme Jacqueline Fraysse. Merci, monsieur le secrétaire d’État.