Question au Gouvernement n° 718 :
gouvernement

14e Législature

Question de : M. Bernard Accoyer
Haute-Savoie (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 4 avril 2013

AFFAIRE CAHUZAC

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, ici même, le 5 décembre, votre ministre du budget a menti à la représentation nationale, aux 65 millions de Français dont nous sommes tous ici les représentants légitimes.
Monsieur le Premier ministre, vous avez hier reconnu publiquement que vous aviez eu sur cette affaire, je cite vos propres mots, " des doutes et des interrogations. " En dépit de ces doutes, de ces interrogations, des allégations de fraude fiscale relayées par la presse durant quatre mois, le Président de la République et vous-même avez décidé de maintenir le ministre du budget à son poste, pourtant particulièrement sensible.
Devant le séisme politique auquel nous sommes tous confrontés, au-delà du mensonge d'un homme, la responsabilité constitutionnelle et je dirai même morale de l'exécutif est engagée.
Monsieur le Premier ministre, alors que la presse savait, que savait-on au sommet de l'État, et depuis quand ?
Pourquoi, avec le ministre des finances, n'avez-vous pas fait procéder sérieusement aux vérifications approfondies de ces informations avant de dédouaner M. Cahuzac ?
Monsieur le Premier ministre, l'intervention lapidaire et de diversion du Président de la République ne répond pas à la question centrale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît, pendant cette séance peut-être plus que durant n'importe quelle autre, il faut savoir garder son calme.
M. Michel Vergnier. C'est un ancien président de l'Assemblée nationale qui a posé la question !
M. le président. S'il vous plaît, le Premier ministre répondra.
M. Bernard Accoyer. Ces manquements sont-ils une marque d'incompétence ou de complaisance de la part des plus hautes autorités de l'État ?
Monsieur le Premier ministre, quelles conclusions en tirez-vous pour la crédibilité de votre gouvernement, pour votre ministre des finances et pour vous-même ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
S'il vous plaît, écoutez la réponse.
M. Michel Herbillon. Quelle indécence de se lever et d'applaudir !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Bernard Accoyer, vous avez posé une question et vous attendez donc une réponse. Vous l'avez posée calmement, je vous répondrai calmement.
Lorsque nous avons constitué le Gouvernement, le Président de la République et moi-même, croyez-vous que, si nous avions eu le moindre soupçon, nous aurions proposé à Jérôme Cahuzac de devenir ministre du budget, c'est-à-dire d'être chargé du contrôle fiscal ? Croyez-vous que nous avions un doute ? Nous n'en avions pas !
M. Guy Geoffroy. C'est une réponse calme !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous avons cru non seulement à la parole de cet homme mais à sa signature (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) car, comme tous les membres du Gouvernement, il a signé un engagement sur l'honneur, une charte de déontologie qui engageait sa parole et qu'il n'a pas respectée. Aujourd'hui, comme vous, je suis tout simplement indigné par ce qui s'est passé.
M. Claude Goasguen. Pas comme nous ! Cela n'a rien à voir avec nous !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous me dites que j'ai eu un doute et que je me suis posé des questions. Qui ne s'est pas posé des questions lorsque le site Mediapart a publié des articles indiquant que M. Cahuzac disposait ou avait disposé d'un compte en Suisse puis à Singapour ?
M. Claude Goasguen. Vous êtes le Premier ministre, tout de même !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Une question a été posée à l'Assemblée nationale et vous venez d'y faire allusion, monsieur le président Accoyer. Je vous rappelle la réponse : " Je n'ai pas et je n'ai jamais eu un compte à l'étranger. "
M. Guy Geoffroy. Cela se vérifie, tout de même !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cette question, posé par je ne sais plus quel membre de votre groupe, était parfaitement légitime. Vous étiez en droit de la poser à partir du moment où un ministre, qui plus est le ministre du budget, était mis en cause. Vous avez obtenu cette réponse solennelle, dans ce lieu solennel qui nous honore tous, chacune et chacun d'entre nous, puisqu'ici nous représentons les citoyens, le peuple français.
Ensuite, une fois que vous avez eu cette réponse, avez-vous posé d'autres questions au cours des séances suivantes ?
M. Michel Herbillon. Et vous ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous n'en avez pas posé (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi n'en avez-vous pas posé ? (Mêmes mouvements.)
M. le président. S'il vous plaît, calmez-vous et écoutez la réponse.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Parce que, comme nous, vous étiez attachés à la présomption d'innocence. Mais, au mois de janvier, comme les articles persévéraient et mettaient en cause Jérôme Cahuzac, le procureur de Paris a décidé d'ouvrir une enquête préliminaire. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette enquête préliminaire, ouverte le 8 janvier, a été menée à son terme. Et en aucun cas le Gouvernement, le pouvoir exécutif, n'est intervenu pour entraver en quoi que ce soit la marche de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Oui, j'avais un doute, comme d'autres, mais j'avais confiance dans la justice. Et je considère que le procureur qui a pris cette décision l'a prise sans entraves, sans pression. Il n'y a pas eu davantage de pression sur la presse. On a changé là avec certaines pratiques antérieures (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Accoyer...
M. Philippe Cochet. Scandaleux ! Honte à vous !
M. le président. Monsieur Cochet, votre groupe a d'autres questions à poser au cours de cette séance, et vous aurez la possibilité de reprendre la parole.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...vous avez, je crois, le sens de l'État. Vous avez été président de cette institution, l'Assemblée nationale.
Le procureur de la République a perquisitionné, entendu et expertisé l'enregistrement pour vérifier s'il y avait le moindre doute sur le fait qu'il s'agissait de la voix de Jérôme Cahuzac. Lorsqu'il a eu l'intime conviction qu'un problème grave se posait, il a décidé en toute indépendance l'ouverture d'une information judiciaire contre X.
Même si cette information n'était pas dirigée directement contre Jérôme Cahuzac, le Président de la République et moi-même avons demandé à ce ministre de démissionner dans l'instant. Ce qui a été fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Alain Marty. C'est lamentable !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Oui, mesdames et messieurs les députés, la République exemplaire (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) est notre combat et il ne fait que commencer. Il va se poursuivre.
" Pourquoi n'êtes-vous pas intervenus ? " demandez-vous, monsieur Accoyer. Ce n'est pas notre conception d'avoir une police parallèle, des officines, des écoutes illicites (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) Notre conception, c'est le respect de l'État de droit, de l'indépendance de la presse, de la justice. Maintenant, Jérôme Cahuzac est non seulement face à sa conscience, mais aussi face à la justice, qui décidera de son sort.
En tout cas, je vous demande, monsieur Accoyer, de soutenir le Gouvernement et la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour que s'installe dans le pays davantage de confiance, en votant pour la réforme constitutionnelle concernant le Conseil supérieur de la magistrature, visant à rendre la justice encore plus d'indépendante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous pourrez ainsi arrêter de critiquer les juges quand ils prennent des décisions qui ne vous plaisent pas.
M. Claude Goasguen. C'est vous les responsables !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La justice est indépendante ; elle doit le rester ; elle doit l'être davantage. C'est à cela que j'appelle la représentation nationale. (Mmes et MM. députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Quelle honte !

Données clés

Auteur : M. Bernard Accoyer

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 avril 2013

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