14ème législature

Question N° 719
de M. Bruno Le Roux (Socialiste, républicain et citoyen - Seine-Saint-Denis )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > État

Tête d'analyse > gouvernement

Analyse > ministres. intérêts privés. publicité.

Question publiée au JO le : 04/04/2013
Réponse publiée au JO le : 04/04/2013 page : 3641

Texte de la question

Texte de la réponse

AFFAIRE CAHUZAC

M. le président. Si vous voulez bien vous rasseoir, mes chers collègues.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen ; je vous prie de l'écouter en silence.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, la parole publique a été entachée par l'un des nôtres. Nous ne pouvons en minimiser ni le sens, ni la portée.
M. Guy Teissier. Ça, c'est vrai !
M. Bruno Le Roux. Nous savons que cet épisode peut encore éloigner nos concitoyens de la politique.
Jérôme Cahuzac a commis une faute grave, une faute inexcusable, il devra en répondre. La justice et la presse ont pu faire leur travail en toute liberté. Nous avons voulu, vous avez voulu cette vérité. Cette approche honore notre majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un ministre peut et doit être un citoyen comme un autre. Rien n'autorise à ce qu'il soit protégé. Quel changement avec les pratiques d'avant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. - Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Renforcer l'indépendance de la justice, conforter l'indépendance de la presse, lutter contre les conflits d'intérêts, promouvoir l'exemplarité : les premières annonces du Président de la République sont à cet égard à la hauteur de l'enjeu. (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.) Nous devons aussi avertir ceux qui comptent prospérer sur la faute d'un homme qu'il n'y a rien à construire sur un discrédit qui menace de balayer ce qui fonde notre démocratie.
Monsieur le Premier ministre, la faute d'un homme ne peut devenir la faute de tous. Nous ne devons pas oublier notre responsabilité collective, cette responsabilité que nous exerçons au nom du peuple français. Cette responsabilité, c'est notre devoir de redresser le pays. Mais cette responsabilité, c'est aussi de faire vivre la République. C'est notre talisman. C'est ce vecteur qui va permettre à notre pays de redresser la tête et de s'élever à nouveau.
La République, monsieur le Premier ministre, c'est ce qui fonde le projet français. Le Président de la République a annoncé ce matin un certain nombre de projets de loi. Nous avons aujourd'hui comme vecteur la lutte contre le déclassement de notre pays, qui était trop souvent l'horizon des Français ces derniers mois. Je vous demande de confirmer ici l'ambition que vous avez pour notre pays et la façon dont vous entendez porter ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre (Brouhaha persistant.) Mes chers collègues, nous avons tous intérêt à ce que la séance se déroule dans le calme.
M. Jean-François Lamour. Alors, il ne faut pas raconter n'importe quoi !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, en revoyant les images passant en boucle à la télévision - moi comme vous tous, les députés de la droite, du centre, de la gauche, les écologistes, les radicaux, les communistes, conscients de ce que nous représentons ici et de la confiance qui nous a été accordée,...
M. Charles de La Verpillière. Excusez-vous !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...en revoyant, donc, passer en boucle ces images d'un ministre...
M. Gérald Darmanin. Le vôtre !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...qui disait devant la représentation nationale le contraire de la vérité, maintenant que la vérité a éclaté, et que nous avons constaté que M. Cahuzac avait menti au Président de la République, au Premier ministre, aux membres du Gouvernement, à tous les parlementaires mais aussi au peuple français, notre indignation est totale ! Notre indignation, mais aussi notre colère ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pourquoi j'affirme ici que, quelles que soient les décisions de la justice, M. Cahuzac n'est pas digne, en toutes circonstances, d'exercer de nouvelles responsabilités politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
La République exemplaire est en marche. Elle ne s'arrêtera pas, parce qu'elle est nécessaire à la confiance de nos concitoyens - et, je l'ai dit ici le 22 janvier, quoi qu'il en coûte. C'est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, vous allez être saisis de plusieurs projets de loi.
Le premier, c'est la réforme constitutionnelle. Je vous invite vraiment à le méditer. (" Oh ! " sur les bancs du groupe UMP.) Je sais que le groupe UMP s'est opposé à cette réforme qui inscrirait l'indépendance de la justice dans la loi fondamentale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, mesdames et messieurs les députés de la droite, je vous demande d'y réfléchir en conscience, après ce qui s'est passé, et de ne pas vous écarter de vos responsabilités. (Mêmes mouvements.)
Le deuxième projet est relatif aux relations entre le parquet et la chancellerie. Il inscrit dans la loi les principes que nous appliquons depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement : pas d'instructions individuelles, laisser la justice faire son travail, laisser la presse agir en toute indépendance. Nous allons même renforcer la protection des sources.
Enfin, le troisième projet de loi est bien celui d'une République exemplaire. (" Ah oui ! " sur les bancs du groupe UMP.) C'est celui que prépare le Gouvernement, comme je l'ai annoncé le 22 janvier, concernant la prévention et la répression des conflits d'intérêts (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c'est-à-dire des conflits entre les intérêts privés et les intérêts publics, qui doivent faire l'objet des sanctions les plus sévères.
Le Président de la République a indiqué au Conseil des ministres, et c'est pourquoi je vous invite à vous préparer à voter ce texte, que toute personne qui serait condamnée pour fraude fiscale ou corruption, et en particulier les responsables publics, ne pourrait plus exercer de mandat public. C'est la base de la confiance. Et la protection de la presse sera renforcée.
Mesdames et messieurs les députés, la République exemplaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...
M. Philippe Meunier. Ce n'est pas la vôtre !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ...c'est l'exercice de sa propre responsabilité, de la responsabilité individuelle. Chacun est responsable de ses actes. La République exemplaire nécessite non seulement des lois, non seulement des droits et des devoirs, mais une vertu et une morale personnelles ; et ceux qui en ont manqué ont manqué à la République.
C'est cela que nous voulons changer. C'est un nouvel état d'esprit, une nouvelle République que nous voulons : la République moderne, la République de la confiance, la République du respect, la République de l'exemplarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)