fraude fiscale
Question de :
Mme Marietta Karamanli
Sarthe (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur les pratiques d'optimisation fiscale conduites par des États de l'Union Européenne. Suite à des révélations de presse, il est apparu que le Luxembourg avait signé pendant plusieurs années des accords avec de grandes entreprises multinationales visant à empêcher leurs bénéfices d'être taxés dans les pays où elles ont leur siège ou leur activité réelle en créant des filiales dont l'objet est de « siphonner » les bénéfices des dites entreprises dans ces pays à fiscalité normale comme la France. Les mécanismes sont notamment la création de sociétés tiers faisant payer à ces mêmes entreprises des intérêts réduisant la base fiscale, envoyant leurs profits « finaux » dans des pays à fiscalité nulle ou réduite ou faisant de ces sociétés des opérateurs « invisibles » pour les États taxateurs. Il s'agit, en quelque sorte, d'échapper au principe de territorialité de l'impôt. Elle lui demande si, à l'issue des enquêtes en cours, une évaluation des impôts auxquels les entreprises installées en France y ayant échappé sera faite et si une demande d'indemnisation sera déposée auprès des autorités étatiques responsables qui, par les manœuvres réalisés avec l'aide de cabinets spécialisés, ont mis à mal le principe de concurrence en le faussant.
Réponse publiée le 5 janvier 2016
La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales est une priorité majeure du gouvernement. Il s’agit de protéger les finances et les politiques publiques de nos Etats, de préserver la concurrence loyale entre les acteurs économiques et de faire respecter la justice fiscale qui est une attente fondamentale des citoyens. Les enquêtes en matière d’aides d’Etat lancées par la Commission européenne et les révélations de la presse sur les "rulings" émis par certains Etats membres ont en effet mis en évidence, si c’était encore nécessaire, l’ampleur des montages d’optimisation fiscale agressive mis en place par certaines multinationales. C’est la raison pour laquelle, au niveau international, les chefs d’Etat ou de gouvernement des pays du G20, à Brisbane, les 15 et 16 novembre 2014, ont demandé à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d’assurer la transparence des "rulings"qui constituent une pratique de concurrence fiscale dommageable entre les Etats. Ainsi, dans le cadre de ses travaux sur l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices dits" BEPS"(Base erosion and profit shifting) auxquels la France a participé activement, les Etats de l’OCDE et du G20 ont adopté un mécanisme d’échange spontané et obligatoire d’informations sur tous les"rulings" particuliers qui couvre notamment les accords préalables unilatéraux en matière de prix de transfert. En outre, ils ont convenu de nouvelles règles pour appréhender des situations présentant un fort risque d’évasion fiscale en matière de prix de transfert ainsi que de l’instauration d’une norme documentaire plus exigeante sur les transactions entre entreprises liées au sein de groupes multinationaux, comprenant notamment la mise en place d’une déclaration par pays à destination des autorités fiscales. Ces avancées ont été actées lors du sommet du G20 d’Antalya, les 15 et 16 novembre 2015. Il ne s’agit toutefois pas d’un point final, au contraire, car la priorité est maintenant, pour en tirer les bénéfices, la mise en oeuvre par tous les pays des conclusions de BEPS. En parallèle, au sein de l’Union européenne, le ministre des finances et des comptes publics a demandé le 28 novembre 2014, dans une lettre conjointe avec ses homologues italien et allemand, au commissaire européen en charge de la fiscalité, d’accélérer en 2015 l’adoption de règles communes au sein de l’Union européenne sur trois aspects majeurs : la transparence généralisée des "rulings" mais aussi des trusts et de toutes les formes de sociétés ; la lutte contre les situations d’optimisation car il n’est pas justifié que le droit européen favorise des montages organisés pour échapper à toute imposition effective ; des règles pour faire face aux Etats et territoires tiers qui alimentent aussi l’optimisation par leur opacité et l’absence de fiscalité. La proposition de directive présentée par la Commission le 18 mars 2015 afin d’assurer un échange automatique d’informations sur les "rulings" de la part des États membres, très ambitieuse, est un pas important dans la concrétisation de cette démarche. Elle a fait l’objet d’un traitement en un temps record puisqu’elle a été adoptée par le conseil Ecofin du 8 décembre 2015. Les deux directives annoncées par la Commission européenne pour l’an prochain doivent maintenant marquer un changement d’échelle dans la lutte contre l’optimisation fiscale. Ainsi, dès le début de l’année prochaine, une proposition de directive "anti-BEPS" devrait prévoir des mesures communes, harmonisées, pour apporter une réponse d’ensemble à la problématique de l’optimisation fiscale au sein de l’Union européenne. La seconde directive, portant sur une assiette commune de l’impôt sur les sociétés ayant vocation à s’appliquer à toutes les entreprises au sein du marché intérieur, est un projet de plus long terme mais tout à fait décisif pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Par ailleurs, les outils de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales au plan national ont été considérablement renforcés depuis deux ans avec notamment la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière et celle du 29 décembre suivant de finances pour 2014. En matière de fiscalité internationale, plusieurs dispositions de nature à renforcer la lutte contre l’optimisation agressive ont été adoptées avec, notamment, le renforcement des obligations documentaires en matière de prix de transfert ou encore l’accès aux comptabilités analytiques et comptes consolidés en cas de contrôle. L’article 78 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a durci les sanctions en cas de non-présentation de la documentation relative aux prix de transfert. Désormais, cette pénalité pourra être calculée sur la base du montant des transactions non-documentées, et non plus seulement sur celle des rehaussements notifiés. En ligne avec les travaux de l’OCDE, un dispositif de déclaration par pays, destiné à des échanges entre administrations fiscales, a été introduit par amendement dans la loi de finances pour 2016. Enfin, s’agissant de la renégociation de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée, un avenant à ce texte a d’ores et déjà été signé le 5 septembre 2014 afin de mettre un terme à des schémas d’optimisation au travers de cessions de biens immobiliers en présence d’entités interposées. Il devrait être ratifié avant la fin de l’année 2015. En outre, le Luxembourg et la France vont poursuivre des travaux communs visant à moderniser le dispositif conventionnel existant qui devrait intégrer notamment l’ensemble des mesures anti-abus préconisées à l’issue des conclusions de BEPS. Le gouvernement est déterminé à assurer l’application effective de ces nouvelles mesures qui permettront de rendre plus efficace la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, et à poursuivre ses efforts pour améliorer les dispositifs existants ce qui suppose, compte tenu de l’ampleur de ces phénomènes qui dépassent de loin les frontières, une coordination internationale et européenne et une harmonisation renforcées.
Auteur : Mme Marietta Karamanli
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Affaires européennes
Ministère répondant : Affaires européennes
Dates :
Question publiée le 30 décembre 2014
Réponse publiée le 5 janvier 2016