détenus
Question de :
M. Christophe Premat
Français établis hors de France (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Christophe Premat attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'arrêté du 23 décembre autorisant le contrôle vidéo d'une « cellule de protection d'urgence » pour les détenus suicidaires. L'article 2 de cet arrêté est énoncé de la manière suivante : « est enregistré dans ces traitements l'ensemble des séquences vidéo provenant de la vidéoprotection des cellules de protection d'urgence spécialement aménagées au sein des établissements pénitentiaires ». Le texte « garantit la sécurité de la personne placée dans l'attente de sa prise en charge sanitaire et permet une intervention rapide des services ». Le texte stipule que « la durée de l'enregistrement du contrôle sous vidéoprotection des cellules de protection d'urgence est limitée à 24 heures consécutives ». Les durées de conservation et modalités de consultation des données sont également mentionnées. La CNIL avait rendu un avis favorable le 2 octobre 2014. Selon l'administration pénitentiaire, le nombre de suicides en détention est en baisse depuis quelques années. Ainsi, au 30 novembre, 85 détenus s'étaient suicidés en 2014, selon des chiffres de la Chancellerie. Ils étaient 86 sur la même période de 2013, 103 en 2012, 106 en 2011 et 100 en 2010, toujours sur 11 mois. En 2010, a été créée la mission de prévention et de lutte contre le suicide en milieu carcéral (MPLS) ; la même année est lancée l'initiative dite des codétenus de soutien, formés aux premiers secours, à la détection des risques suicidaires et à l'écoute active de leur codétenu. Si ces mesures sont davantage orientées vers l'urgence des cas, il aimerait savoir si le ministère entend renforcer les dispositifs de médiation pour pouvoir éviter l'isolement de détenus susceptibles de contracter des réflexes suicidaires.
Réponse publiée le 11 août 2015
La politique volontariste de prévention du suicide des personnes incarcérées s'est accentuée dans les années 2000, d'une part avec la circulaire conjointe des ministères de la santé et de la justice du 26 avril 2002 relative à la prévention du suicide dans les établissements pénitentiaires et le rapport du Professeur Terra de décembre 2003, et d'autre part avec l'adoption, en 2009, d'un grand plan national d'actions de prévention et de lutte contre le suicide en milieu carcéral, toujours en vigueur. Ce plan d'envergure, issu de la note ministérielle du 15 juin 2009, a repris en les précisant des recommandations figurant dans les précédents rapports et circulaires et a initié de nouvelles mesures dont certaines expérimentales. Les mesures de ce plan d'actions s'articulent autour de trois axes principaux : - le renforcement de la formation des personnels pénitentiaires ; - la mobilisation de l'ensemble de la « communauté carcérale » afin de mieux repérer les personnes détenues en souffrance et mieux se coordonner ; - l'application de mesures particulières de protection pour les personnes détenues les plus fragilisées avec la mise en oeuvre de matériel adapté (cellules de protection d'urgence, dotations de protection d'urgence) ou dans les quartiers sensibles comme le quartier disciplinaire (mise en oeuvre d'une procédure d'accueil, accès au téléphone et mise à disposition de postes radio). Les dispositifs mis en place sont issus du constat de la nécessité d'une prise en charge de la personne détenue à risque suicidaire par l'ensemble des acteurs de la vie carcérale, personnels pénitentiaires, médical, partenaires du ministère de la justice, intervenants, mais aussi les familles et proches et les codétenus. La mobilisation de l'administration pénitentiaire et de ses partenaires a permis de constater une nouvelle baisse du nombre de décès par suicide en détention, passant de 116 en 2011 à 94 en 2014. Le taux de mortalité par suicide des personnes détenues (pour 10 000 personnes détenues) connaît une baisse de plus de quatre points, de 18,4/10 000 en 2009 à 13,9/10 000 en 2014. Une des mesures de protection mise en oeuvre grâce au plan d'actions est la cellule de protection d'urgence (CProU). Au 29 janvier 2015, 96 établissements pénitentiaires sont dotés d'au moins une CProU validée par la direction de l'administration pénitentiaire, pour un total de 137 CProU. Une CProU est une cellule « lisse » dans laquelle aucun point d'accroche n'existe. La cellule est destinée à accueillir les personnes détenues dont l'état apparaît incompatible, en raison d'un risque suicidaire imminent ou lors d'une crise suicidaire aiguë, avec son placement ou son maintien en cellule ordinaire, pour une durée limitée (24 heures), dans l'attente d'une prise en charge sanitaire adaptée. L'arrêté du 23 décembre 2014 portant création de traitements de données à caractère personnel au sein des CProU autorise l'installation, en surplus dans ces cellules, de caméras afin de renforcer la protection de la personne détenue en crise suicidaire, en complément des échanges entre le personnel de surveillance et la personne détenue au cours du placement. Depuis 2011, 4 établissements (soit 7 CProU) sont dotés d'un tel système de vidéo-protection et les conclusions positives de cette expérimentation conduisent l'administration à développer progressivement ces caméras dans les sites où les CProU sont les plus utilisées. Outre les mesures matérielles, le plan d'actions comprend des mesures proactives de prévention. Le dispositif des codétenus de soutien (CDS) est l'une des mesures les plus novatrices du plan d'actions. La mission des CDS consiste à repérer et écouter les personnes détenues en situation de difficultés ou de souffrance voire de crise suicidaire et à les accompagner, s'ils le souhaitent, jusqu'à la sortie de ce passage difficile. Ils agissent dans une posture « contenante » par leur écoute et leur proposition éventuelle de mise en relation avec les différents personnels et services. Les CDS bénéficient d'un accompagnement régulier par des bénévoles de la Croix-Rouge française, au cours d'entretiens de groupe hebdomadaires. Le dispositif est désormais étendu aux établissements pénitentiaires qui manifestent le souhait de l'intégrer comme mesure complémentaire à leur dispositif de prévention du suicide.
Auteur : M. Christophe Premat
Type de question : Question écrite
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 6 janvier 2015
Réponse publiée le 11 août 2015