Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la hausse constante des émissions de méthane (CH4). Le méthane, un des six gaz à effet de serre (GES) inscrits dans le protocole de Kyoto de 1997 arrivant à échéance en 2020, a un pouvoir encore plus réchauffant pour la planète que ce dernier. Une réduction d'émission d'une tonne de CH4 dans l'atmosphère équivaut à une réduction de 25 tonnes de CO2. Les émissions de méthane proviennent d'une multiplicité d'activités humaines. En tête et par ordre décroissant figurent l'élevage de ruminants, les activités d'extraction de ressources fossiles, celles de raffinage pétrolier, de stockage des déchets ménagers. Des phénomènes plus ou moins naturels jouent également. Les zones humides sont ainsi très émettrices de méthane. Cependant le méthane dispersé dans l'atmosphère s'évanouit au bout d'environ neuf ans. En outre, ces émissions sont en grande partie évitables et les solutions pour les réduire à portée de main au plan économique. Il lui demande quelles mesures pourraient être prises pour réduire ces émissions de méthane.

Réponse publiée le 28 avril 2015

Au plan mondial les gisements de réduction des émissions de méthane sont considérables, y compris à bas coût. De multiples initiatives sont menées en ce sens et une coordination internationale s'est mise en place - The Climate and clean air coalition - à laquelle la France participe. Le diagnostic sur la facilité à réduire ces émissions doit toutefois être nuancé s'agissant de la France, où les actions les plus simples ont déjà été largement mises en oeuvre. Ainsi les émissions industrielles ont d'ores et déjà diminué de plus de 80 % depuis 1990, et ne représente plus que 1,8 % du total. La France continue néanmoins de mener une politique volontariste de réduction de ces émissions, certaines actions s'inscrivant dorénavant dans le moyen et long terme. Les émissions de méthane du pays s'élevaient à 59,2 MteqCO2 en 2013 sur un total de 491 MteqCO2, soit 12 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Les sources françaises de méthane sont principalement liées aux activités agricoles (39 MteqCO2 en 2013, soit environ deux tiers des émissions), en raison principalement de la fermentation entérique des bovins et de la décomposition des déjections d'élevage. Les émissions de méthane dépendent également de la mise en décharge des déchets, et dans une moindre mesure de l'industrie pétrolière et gazière et de l'utilisation de la biomasse. Les mesures conduites en France pour réduire les émissions de méthane liées à l'élevage sont les suivantes : Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles soutient les travaux nécessaires dans les bâtiments d'élevage pour maîtriser les quantités d'effluents produits et améliorer le stockage des effluents, afin d'en réduire les nuisances, notamment en termes d'émissions diffuses de méthane. En outre, les dispositifs de méthanisation agricole font l'objet de mécanismes de soutien par des aides à l'investissement et le déploiement de dispositifs de tarifs de rachat, conçus de façon à prendre en compte les différentes valorisations possibles (production de chaleur, d'électricité et injection de bio-méthane dans les réseaux). Le plan EMAA, (Énergie méthanisation autonomie azote), fixe ainsi un objectif de 1 000 méthaniseurs à la ferme à horizon 2020. Il contribuera à une gestion améliorée des effluents d'élevage, et par conséquent à une réduction des émissions de méthane. Les méthaniseurs valorisent par ailleurs d'autres types d'intrants, et permettent donc également d'éviter l'émission dans l'atmosphère de méthane généré notamment par la fermentation de déchets des industries agroalimentaires, en les valorisant pour la production d'énergie (chaleur, électricité en cogénération, et/ou injection dans le réseau de gaz naturel sous forme de biométhane). Des expérimentations sont également en cours visant à réduire les émissions de méthane liées à la fermentation entérique des bovins (changement du régime alimentaire, actions sur la flore bactérienne du rumen, etc.). Il est d'ores et déjà possible d'agir, et de réduire ces émissions à court et moyen terme en modifiant l'alimentation des ruminants, par incorporation d'aliments naturellement riches en oméga 3 (lin, trèfle, luzerne, etc.). L'Institut national de la recherche agronomique (INRA), a déposé un brevet portant sur la relation entre le méthane émis et la composition de la ration alimentaire des animaux, brevet partagé avec la société Valorex qui opère dans l'alimentation animale. On estime à 5 % la part du cheptel déjà engagé dans cette pratique, avec une baisse des émissions de 12 à 15 %. En témoigne notamment l'opération bleu-blanc-coeur, dans laquelle pourraient bientôt être engagés un millier d'élevages laitiers français. Cette opération a été lancée grâce aux crédits carbone accordés par la France dans le cadre des projets domestiques. L'INRA n'a pas détecté de frein technique au développement de cette pratique. Elle induit cependant un surcoût pour l'éleveur (jusqu'à une centaine d'euros par bête et par an). Toutefois celui-ci devrait pouvoir être compensé par la reconnaissance de la qualité des produits « riches en oméga 3 ». Dans le cadre des projets domestiques, c'est justement cet indicateur qui a servi à la vérification de la bonne mise en oeuvre. La profession travaille à des projets similaires pour les élevages allaitants. Enfin d'autres additifs alimentaires permettent également de réduire ces émissions et sont actuellement à l'étude, tant par l'INRA en France que dans de nombreux pays développés. A plus long terme, il y a des recherches, notamment au sein de l'INRA, visant la modification des populations microbiennes du rumen (via l'utilisation de vaccins anti-méthanogène par exemple), qui pourraient se traduire par des réductions importantes de ces émissions de gaz à effet de serre, sans modification profonde des pratiques. Est également envisagée une sélection génétique des bovins de manière à sélectionner des animaux émettant moins de méthane (travaux en cours au sein de l'INRA - projet BVE3 - mais aussi aux Pays-Bas - les premiers résultats néerlandais concernant le cheptel laitier semblant indiquer une réduction théorique possible de 11 à 26 % des émissions en 10 ans de sélection). On vise aussi l'amélioration génétique (là encore par la sélection) des plantes fourragères ou le recours à des espèces spécifiques qui permettraient de favoriser des caractéristiques nutritionnelles diminuant la production de méthane entérique. Le secteur des déchets constitue l'autre source importante de méthane (28,9 % des émissions en 2013). Elles se répartissent entre les processus de fermentation anaérobie dans les décharges (86 %) et dans les eaux usées (13 %). Des réductions importantes mais progressives de ces émissions sont visées dans le cadre du plan déchets qui doit permettre : - la maîtrise de la production de déchets à la source et la valorisation matière (dans une logique de hiérarchisation du traitement des déchets, introduite par la transposition en droit français de la directive cadre déchets de 2008) ; - la captation des émissions diffuses issues des décharges. La voie réglementaire est utilisée puisque au delà d'une certaine taille, les centres de stockage de déchets non dangereux doivent être équipés d'un réseau définitif de captage et de collecte du méthane au plus tard un an après le comblement du casier contenant les déchets. Ce système doit permettre l'acheminement du biogaz vers une installation de valorisation ou, à défaut, vers une installation de destruction. Cette combustion permet l'oxydation du méthane en dioxyde de carbone dont le pouvoir de réchauffement global est sensiblement moindre. En outre, la production de biogaz bénéficie d'une exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie

Dates :
Question publiée le 10 février 2015
Réponse publiée le 28 avril 2015

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