armée
Question de :
Mme Martine Lignières-Cassou
Pyrénées-Atlantiques (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Martine Lignières-Cassou souhaite interroger M. le ministre de la défense sur l'indemnisation et la reconnaissance des victimes des essais nucléaires français. À ce jour, de nombreux dossiers ont été instruits et restent à instruire par diverses juridictions françaises concernant des personnes qui ont subi des irradiations nucléaires dans le sud Sahara algérien et en Polynésie entre 1960 et 1996. Le 5 janvier 2010, la loi Morin avait été adoptée et prévoit que « toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi ». Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit. Cette loi a créé un comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) chargé d'examiner les demandes d'indemnisations reçues. Or, comme souvent, leurs décisions sont jugées injustes par les victimes présumées, elles décident alors de porter leur dossier devant la justice. Lorsque les juridictions sont favorables aux victimes, elles mettent en avant l'insuffisance de la méthode statistique établie par le CIVEN car elle ne permet pas au ministre de la défense d'apporter la preuve matérielle que le risque que représentent les essais nucléaires puisse être qualifié de négligeable (condition nécessaire indiquée à l'article 4 de la loi Morin). La méthode que le CIVEN utilise, reconnue internationalement, est adaptée aux personnels civils et militaires qui ont fait l'objet d'un suivi médical régulier car elle prend en compte leurs justificatifs d'examens de sang, d'urine, de selles, de dosimétrie... Or elle ne l'est pas pour les vétérans des essais nucléaires dans la mesure où ils ont rarement bénéficié d'un tel suivi médical. La loi ne prévoit pas non plus que la maladie nommée aplasie médullaire soit reconnue comme une maladie due aux essais nucléaires alors que la communauté scientifique reconnaît pourtant explicitement l'irradiation aiguë comme une cause de l'aplasie médullaire. Des personnes attendent toujours des indemnisations de la part de l'État français pour cette maladie qu'ils supportent ou ont eu supporté. Mme Martine Lignières-Cassou aimerait connaître ce qu'il envisage pour faire appliquer plus strictement la loi Morin et pour faire en sorte que le CIVEN examine également les dossiers qui présentent des maladies « hors liste ».
Réponse publiée le 31 mars 2015
Le Gouvernement suit avec la plus grande attention le dossier relatif aux conséquences sanitaires des essais nucléaires français et a, notamment, décidé l'indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française. La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a ainsi créé un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d'expérimentations et populations civiles, ressortissants français ou étrangers). Ce cadre juridique permet à toute personne atteinte d'une pathologie radio-induite figurant parmi les vingt-et-une maladies listées en annexe du décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ayant séjourné ou résidé, au cours de périodes déterminées, dans l'une des zones géographiques énumérées par la loi et le décret précités, de constituer un dossier de demande d'indemnisation. Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) qui, conformément à l'article 13 du décret susmentionné, définit la méthode qu'il retient pour formuler ses décisions en matière d'indemnisation. Cette méthode s'appuie sur celle recommandée par l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ainsi que sur l'ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l'exposition aux rayonnements ionisants. Le comité examine les demandes d'indemnisation se rapportant aux seules maladies listées en annexe du décret du 15 septembre 2014. Le CIVEN instruit au cas par cas les dossiers de demande d'indemnisation. En effet, il ne saurait y avoir une automaticité de la réparation, contraire au droit de la responsabilité. Si les conditions de l'indemnisation sont réunies, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a élevé le CIVEN au rang d'autorité administrative indépendante, dotée d'un rôle décisionnel en matière d'indemnisation, et inséré dans la loi du 5 janvier 2010 des dispositions relatives à la composition de cet organisme, aux modalités de désignation de ses membres et d'exercice de leur mandat, propres à garantir son indépendance. Par conséquent, il n'appartient plus au ministre de la défense de décider d'attribuer ou non des indemnisations aux demandeurs sur le fondement des recommandations du comité. Dorénavant, le CIVEN, qui n'a à recevoir d'instruction de la part d'aucune autorité dans l'exercice de ses attributions, statuera lui-même sur les demandes. A cet égard, il convient de préciser que depuis la publication du décret du 24 février 2015 portant nomination des nouveaux membres, le président du CIVEN est désormais seul compétent pour signer les décisions d'octroi ou de refus d'indemnisation. Enfin, il est précisé que la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, prévue par l'article 7 de la loi du 5 janvier 2010, dont les réunions se dérouleront dorénavant sous la présidence de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, continuera d'assurer un suivi de l'application de la loi et pourra faire des recommandations au Gouvernement s'agissant en particulier d'éventuelles modifications de la liste des maladies radio-induites.
Auteur : Mme Martine Lignières-Cassou
Type de question : Question écrite
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : Défense
Ministère répondant : Défense
Dates :
Question publiée le 10 février 2015
Réponse publiée le 31 mars 2015