commerce extracommunautaire
Question de :
Mme Laurence Arribagé
Haute-Garonne (3e circonscription) - Les Républicains
Mme Laurence Arribagé attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'omission du secteur de l'édition de l' « exception culturelle » dans le cadre du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP ou TAFTA) entre l'Union européenne et les États-Unis. En effet, à la suite d'une réunion des ministres du commerce de l'Union européenne le 14 juin 2013, la France avait obtenu de ses partenaires l'exclusion des négociations, au nom de l'exception culturelle, des domaines de la culture et de l'audiovisuel. Aux termes du « TTIP and culture » en date du 16 juillet 2014, la Commission européenne indique que « l'imprimerie et l'édition sont classées dans la catégorie des services commerciaux » et non du secteur culturel. Au-delà, la Commission a annoncé également que le TTIP ne tolèrerait les dispositifs de promotion et de protection de la culture que s'ils ne sont pas discriminatoires. À cet égard, les subventions publiques accordées au secteur du livre et la réglementation française du prix unique du livre produiraient indirectement des effets discriminants sur le marché commun. Par ailleurs, l'accord transatlantique ouvrirait la possibilité pour un investisseur, tels que les puissants libraires américains, de porter plainte contre un État - en l'espèce la France - dont la politique aurait nui à la rentabilité de leur investissement. Aussi, elle lui demande de faire connaître précisément la position du Gouvernement sur la défense des secteurs de l'édition et de l'imprimerie et s'il ne conviendrait pas, au nom de la protection du rayonnement culturel de la France, de se battre pour le maintien de leur exclusion du champ des négociations.
Réponse publiée le 5 avril 2016
De la garantie de la protection de l'exception culturelle dans le cadre du Partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement (TTIP), dépend l'avenir de la diversité culturelle comme valeur européenne, socle d'une politique culturelle en Europe, qui est gage d'une partie du rayonnement de l'Europe, de sa capacité à se représenter elle-même en donnant une voix à ses artistes, mais aussi à entrer avec succès dans l'ère numérique en créant de l'activité et des emplois. C'est pourquoi, le Gouvernement français s'est élevé, avec force, contre une remise en cause, dans le cadre du lancement de ces négociations avec les États-Unis, de la position traditionnelle de l'Union européenne sur cette question fondamentale. Le Président de la République a très tôt fait savoir aux institutions et partenaires européens que le respect de l'exception culturelle était une condition sine qua non pour que la France donne son accord au lancement des négociations commerciales avec les États-Unis. L'Assemblée nationale a conforté cette exigence par l'adoption à l'unanimité, le 12 juin 2013, d'une résolution sur le respect de l'exception culturelle et de la diversité des expressions culturelles. Le Parlement européen s'est également exprimé à une très large majorité en ce sens en mai 2013. Le Gouvernement français s'est également attaché à fédérer ses partenaires européens autour de cet enjeu fondamental : à l'initiative du ministère de la culture et de la communication, quinze États, par la voix de leurs ministres européens de la culture et de l'audiovisuel, ont appelé la Présidence irlandaise du Conseil de l'Union européenne et la Commission à respecter l'exception culturelle dans le cadre du lancement des négociations du partenariat transatlantique qui est traduite depuis 1994 par une exclusion des services audiovisuels des négociations commerciales. Ainsi, grâce à cette mobilisation, le Conseil des ministres du commerce de l'Union européenne du 14 juin 2013 a adopté un mandat qui permet de préserver la capacité des gouvernements et des assemblées parlementaires à arrêter et à développer, tant au niveau national qu'européen, une politique culturelle propre, favorable à la créativité et à la diversité culturelle. Cette mention renforcée de la diversité culturelle dans le mandat vaut pour l'ensemble des services culturels. Elle se décline cependant différemment pour chacun d'entre eux. L'Union européenne n'a pris aucun engagement de libéralisation commerciale pour les services audiovisuels dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les exclut systématiquement, depuis vingt ans, du champ des négociations d'accords bilatéraux de libre-échange. Malgré les pressions exercées, notamment par la Commission européenne, pour remettre en cause cette position, la France s'est montrée inflexible et les services audiovisuels ont bien été exclus de la négociation du projet de partenariat transatlantique. Contrairement aux services audiovisuels, certains services culturels comme le secteur de l'édition (classifié en effet par l'OMC depuis 1994 comme un « service fourni aux entreprises », et non comme un service culturel) sont couverts par les engagements de libéralisation souscrits par l'Union européenne au sein de l'OMC. Cela n'a pas remis en cause les politiques de soutien mises en place pour promouvoir et protéger le secteur du livre. La législation du prix unique du livre n'introduit en effet pas de mesures discriminatoires et ne contrevient pas à la clause de traitement national. La politique française en matière de subventions n'a pas été affectée par les engagements de libéralisation de l'Union européenne. Ces politiques de soutien à l'édition ne devraient pas être davantage remises en cause dans le projet de partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement. Le Gouvernement restera extrêmement vigilant et mobilisé pour que les clauses du mandat de négociation qui prévoient la protection de la diversité culturelle soient pleinement respectées.
Auteur : Mme Laurence Arribagé
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politiques communautaires
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Culture et communication
Dates :
Question publiée le 24 février 2015
Réponse publiée le 5 avril 2016