Question de : M. Gilles Lurton
Ille-et-Vilaine (7e circonscription) - Les Républicains

M. Gilles Lurton appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur l'indemnisation des dégâts sur les cultures et pâturages d'herbe causés par des espèces protégées comme l'oie bernache cravant pendant l'hivernage. Compte tenu du statut protégé de ces espèces, les agriculteurs ne peuvent avoir droit à aucune indemnisation. Pourtant, les dégâts relevés cette année dans plusieurs régions de France sont plus que conséquents et engendrent des pertes d'exploitation importantes. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire savoir quelles dispositions il souhaite prendre pour indemniser ces agriculteurs victimes d'espèces protégées qui ne peuvent être régulées, et si, s'agissant d'oiseaux migrateurs, les fonds européens peuvent être sollicités.

Réponse publiée le 28 avril 2015

L'oie bernache cravant est une espèce protégée par l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Elle bénéficie également d'un statut de protection au niveau européen par la directive n° 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages qui recense les espèces devant bénéficier de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d'assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution. En ce qui concerne l'indemnisation, le Conseil d'État a jugé que le préjudice résultant de la prolifération d'animaux appartenant à des espèces protégées doit faire l'objet d'une indemnisation par l'État « lorsque, excédant les aléas inhérents à l'activité en cause, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés » (CE 30 juillet 2003, n° 215957). Toutefois, depuis cet arrêt, le droit applicable à la destruction de spécimens d'espèces protégées, notamment lorsqu'ils sont à l'origine de dommages aux activités agricoles, a été profondément réformé : depuis la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, l'article L. 411-2 du code de l'environnement prévoit la délivrance par les préfets de dérogations, c'est-à-dire la possibilité de détruire les spécimens de l'espèce à l'origine des dégâts « notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ». Ces dispositions donnent donc aux exploitants agricoles la faculté de se prémunir contre les dégâts (CAA Douai, 2 avril 2008, n° 07DA00221, E. A. R. L. Agri-Artois) et le risque de voir certaines espèces protégées causer un préjudice « grave et spécial » à des activités agricoles qui n'existe plus réellement, puisque les victimes potentielles disposent de moyens efficaces pour repousser ou détruire les spécimens. Il convient également de rappeler qu'il existe dans de nombreux cas des moyens efficaces permettant d'effaroucher sans détruire les animaux susceptibles de causer des dégâts. Une dérogation aux mesures de protection ne peut d'ailleurs être délivrée que s'il n'y a pas d'autre solution satisfaisante et que si elle ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l'espèce concernée dans son aire de répartition naturelle. C'est la raison pour laquelle, s'il est constaté que des oies bernache cravant sont à l'origine de dégâts dans des cultures sans que les mesures de prévention mises en place n'aient été suffisantes pour les réduire, il est possible pour les agriculteurs de solliciter une dérogation pour réaliser des actions de perturbation intentionnelle ou de destruction. Le demandeur doit justifier sa demande à l'aide d'un dossier présentant les mesures de prévention mises en place sans succès et les conditions d'intervention qu'il prévoit. La demande de dérogation est instruite par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et soumise à l'avis du Conseil national de protection de la nature (CNPN). Il appartient au préfet d'accorder ou non une dérogation. Le demandeur doit pouvoir établir que le choix de la méthode d'intervention préconisée sur les oies bernache cravant est adapté à la situation de nuisance identifiée. Il doit également proposer un dispositif permettant un suivi de l'efficacité des opérations mises en oeuvre. Afin de dégager des solutions face aux dommages occasionnés par les oies bernaches cravant, il conviendrait que le préfet constitue un groupe de travail composé des organismes concernés par les dommages, des représentants des associations de la nature, des services de l'État et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ainsi que de toute autre personne qualifiée. Ce groupe de travail pourrait examiner dans un premier temps la possibilité de mise en oeuvre de solutions alternatives à la constitution d'une demande de dérogation. Dans un deuxième temps, si de telles solutions s'avèrent difficiles à mettre en place, le groupe pourra examiner les conditions nécessaires à la constitution d'un dossier de demande de dérogation.

Données clés

Auteur : M. Gilles Lurton

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie

Dates :
Question publiée le 3 mars 2015
Réponse publiée le 28 avril 2015

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