réforme
Question de :
M. Jean-Louis Borloo
Nord (21e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 11 avril 2013
MORALISATION DE LA VIE POLITIQUE
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.M. Jean-Louis Borloo. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, dont je ne doute pas que, conformément à la tradition républicaine de notre maison, il voudra bien répondre à un président de groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je ne sais pas si vous mesurez, monsieur le Premier ministre, le traumatisme que nous vivons. Nous avons dans cette affaire - vous savez laquelle - été d'une extrême modération. Nous avons demandé une commission d'enquête parlementaire, non sur l'affaire elle-même mais sur l'action ou les dysfonctionnements de l'État, car la rumeur est un poison - ce n'est pas un acte d'accusation. J'ai par ailleurs proposé qu'elle soit présidée par le président de l'Assemblée nationale, qui ne m'a pas donné de réponse. La rumeur, je le répète, est le pire poison de notre République ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'aimerais que le président fasse respecter la discipline des deux côtés de l'hémicycle !
Vous souhaitez, monsieur le Premier ministre, rencontrer demain à Matignon les présidents des groupes parlementaires pour discuter de vos projets de loi. Je me demande quel est l'ordre du jour de cette réunion dès lors que le Président de la République, à l'issue du conseil des ministres, en a donné l'intégralité du programme. S'il s'agit d'une mise en scène, monsieur le Premier ministre, et si vous vous autorisez à considérer qu'un autre président de groupe ne serait pas même reçu, je ne me rendrai pas demain à Matignon, à moins que vous n'exprimiez vos regrets ! (Mesdames et messieurs les députés des groupes UDI et UMP se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président Borloo, de votre question. Je vous remercie même du ton sur lequel vous l'avez posée, exempt de caractère polémique, en dépit de la gravité de l'affaire qui nous a tous profondément blessés et qui continue à nous blesser. Bien au-delà des convictions de chacun, je me suis exprimé dès l'annonce du désaveu de M. Cahuzac et j'ai répondu ici aux questions le lendemain. Je crois qu'il nous faut tous être à la hauteur. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Goujon. C'est mal parti !
Mme Claude Greff. Il faut surtout répondre, maintenant !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C'est pourquoi tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour répondre aux questions posées, et vous avez parfaitement le droit, monsieur le président Borloo, comme parlementaire président de son groupe, de prendre l'initiative d'une commission d'enquête. Ce n'est pas à moi d'en décider, mais j'y suis pour ma part favorable et le Gouvernement aussi, sous réserve qu'il n'y ait pas d'obstacle du point de vue de la garde des sceaux mais je crois qu'il n'y en a pas, si j'en crois les informations qu'elle m'a données et les réponses qu'elle a apportées.
M. Alain Chrétien. Répondez à la question !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je n'ai donc aucun doute que l'Assemblée nationale décidera de la création d'une commission d'enquête à votre initiative. L'élection du Président de la République au suffrage universel n'empêche pas que notre régime ait aussi un caractère parlementaire. Votre rôle de contrôle, mesdames et messieurs les députés, doit donc être totalement respecté.
J'en parle avec d'autant plus de facilité que j'ai défendu, lorsque j'étais dans l'opposition, la même approche que celle que vous venez d'exposer, monsieur le président Borloo, et qu'il ne m'a pas été facile de la mettre en pratique puisqu'on m'en avait empêché, ainsi que mon groupe. Eh bien, telle ne sera pas l'attitude, j'en suis convaincu, de la majorité de cette assemblée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. Dino Cinieri. Démission !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ce n'est pas par l'invective que nous restaurerons la confiance ! Si je me suis permis un petit trait d'esprit à l'égard de M. Jacob, je ne lui ai conféré aucun caractère désagréable.
M. Hervé Mariton. Excusez-vous !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Chacun se souvient des propos qu'il a tenus en dehors de cet hémicycle. Chacun a sans doute pensé qu'ils étaient peut-être un peu excessifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Cela étant dit, je vous recevrai demain avec plaisir, monsieur le président Borloo.
M. Bruno Le Roux. S'il ne vient pas, ce n'est pas grave !
M. Yves Censi. Comme ça, vous serez seuls !
M. Claude Goasguen. Profitez-en ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je vous recevrai avec M. Jacob, bien sûr, ainsi que les autres présidents de groupe de cette assemblée ainsi que ceux du Sénat et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je vous connais : vous me parlerez avec franchise, j'en suis sûr.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il rame !
Mme Marie-Christine Dalloz. C'est de la brasse coulée !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous voulons absolument, à ce stade de la vie de notre démocratie, que toutes les institutions et tous les contre-pouvoirs soient respectés. C'est pourquoi certaines allusions et certains commentaires me désolent, car au fond vous allez nous aider à répondre à toutes les questions posées, en particulier par l'initiative parlementaire que vous venez de prendre, monsieur le président Borloo.
M. Hervé Mariton. C'est à vous de répondre !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Néanmoins, le gouvernement que je dirige s'honore de ne jamais intervenir pour influencer la presse ni les affaires de justice ! Ce temps-là est révolu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Guy Geoffroy. Vous abîmez la démocratie !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C'est pourquoi je vous redirai demain, monsieur le président Borloo, en dépit de vos hésitations qui sont parfaitement respectables, mon souhait est qu'au-delà de la majorité parlementaire, une large majorité des membres du Parlement réuni prochainement en congrès vote l'indépendance de la justice et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ainsi, nos institutions seront complétées et la confiance des citoyens dans la République renforcée.
Nous y ajouterons, à l'issue d'un débat qui, je l'espère, nous permettra de progresser, les projets de loi que présentera le Gouvernement après le 24 avril. Ils compléteront notre arsenal juridique en faveur de la transparence et de la lutte contre la corruption et les paradis fiscaux. Ainsi, nous aurons fait progresser ensemble, je le souhaite, la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Auteur : M. Jean-Louis Borloo
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 avril 2013