réglementation
Question de :
M. Martial Saddier
Haute-Savoie (3e circonscription) - Les Républicains
M. Martial Saddier attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les inquiétudes du secteur du bâtiment et des travaux publics et celui de l'hôtellerie restauration face à la multiplication des recours abusifs de travailleurs détachés par certaines entreprises. La directive européenne 96/71/CE du 16 décembre 1996 considère qu'un travailleur est détaché dès lors qu'il exécute son travail sur le territoire d'un État membre autre que l'État sur le territoire duquel il travaille habituellement. Elle prévoit également que les cotisations sociales appliquées au travailleur détaché soit celle de son pays d'origine, son salaire et ses conditions de travail relevant cependant des règles du pays dans lequel il travaille. À titre d'exemple, il y a environ 6 890 dont 78 % dans le secteur du BTP et 11 % dans l'hôtellerie et la restauration. Or ce phénomène des travailleurs détachés donne lieu à de plus en plus d'abus manifestes, malgré l'encadrement par la réglementation européenne. La loi dite Savary du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence déloyale et le dumping social renforce les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui ont recours de manière abusive à des travailleurs détachés. Toutefois, les contrôles, tant de l'inspection du travail que de l'URSSAF, restent, à ce jour, insuffisants et ne portent pas toujours sur la main-d'œuvre détachée. Face à l'ampleur de ce phénomène qui crée une véritable concurrence déloyale dans certains secteurs professionnels, il souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement envisage, afin de renforcer les contrôles et les sanctions à l'encontre des entreprises qui emploieraient de façon dissimulée des travailleurs détachés. Il souhaite également savoir si le Gouvernement envisage la possibilité d'établir, dans le secteur du BTP, une carte professionnelle pour l'ensemble des travailleurs - détachés ou non - employés, par exemple, sur un chantier.
Réponse publiée le 21 avril 2015
Pour la bonne application des règles relatives au détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union Européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit notamment différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement a fait le choix de devancer la transposition de cette directive en soutenant avant même la fin des négociations, l'initiative législative d'un député, M. Gilles Savary. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a donc notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter la réglementation en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Elle instaure un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants s'ils ne respectent pas, ou pas intégralement, l'obligation de verser aux salariés - notamment détachés - une rémunération au moins égale au salaire minimum légal ou conventionnel. Elle transpose ainsi la directive d'application en garantissant à tous les salariés, et notamment aux salariés détachés, la possibilité de faire valoir leur droit au paiement d'un salaire conforme au minimum légal ou conventionnel. Mais elle va aussi plus loin que le dispositif prévu dans la directive. D'une part, la responsabilité solidaire mise en place n'est pas limitée au seul secteur du bâtiment mais s'applique à tous les secteurs professionnels. D'autre part, cette responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et n'est pas limitée au seul cocontractant. La loi complète également l'arsenal législatif français en matière de lutte contre les fraudes au détachement, notamment en élargissant les possibilités d'action offertes aux organisations professionnelles d'agir en justice même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée et en autorisant les organisations syndicales à agir au nom d'un salarié détaché même en l'absence d'accord expresse de l'intéressé. L'obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France est désormais consacrée par la loi. Son non respect est sanctionné par une amende, qui peut aussi être infligée au donneur d'ordre qui ne s'est pas assuré que son prestataire de service s'est acquitté de ces formalités. Enfin, la loi contient des dispositions qui renforcent les sanctions applicables en cas de travail illégal, qui peut souvent être constaté dans les cas de fraude au régime du détachement. Mais il faut amplifier l'action et traduire les sanctions dans les faits. C'est pourquoi figurent dans le projet de loi croissance et activité trois mesures importantes : - Premièrement, l'augmentation de l'amende administrative pour non respect de la déclaration de détachement, avec un passage du plafonnement du cumul d'amendes de 10 000 € à 500 000 €. - Deuxièmement, la possibilité pour l'autorité administrative de suspendre une prestation de service internationale. - Enfin, la généralisation d'une carte d'identité professionnelle obligatoire sur tous les chantiers du BTP. Par ailleurs, les contrôles seront considérablement renforcés en 2015. 30 000 contrôles conjoints avec l'URSSAF seront opérés notamment dans les secteurs prioritaires, soit 8 000 de plus avec une action ciblée sur 500 grands chantiers. De plus, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'inspection du travail, pour accentuer les contrôles, ont été créés un groupe national chargé des affaires les plus sensibles et des unités régionales. Le gouvernement est totalement engagé dans la lutte contre le travail détaché illégal. Il le fait pour les salariés employés dans des conditions indignes, pour les entreprises victimes du dumping social mais aussi pour l'emploi.
Auteur : M. Martial Saddier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Dates :
Question publiée le 17 mars 2015
Réponse publiée le 21 avril 2015