Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique sur les stratégies d'évitement fiscal des géants du numérique, qui leur permettent de payer très peu d'impôts en comparaison avec les bénéfices dégagés. En France, ces pratiques feraient perdre des millions d'euros à l'administration fiscale, selon l'organisme de réflexion France Stratégie, détaché auprès du Premier ministre. Depuis quelques années, la lutte s'organise pour mettre fin à ces pratiques inéquitables. Ainsi, depuis le 1er janvier 2015, l'Union européenne a imposé d'appliquer sur les produits numériques le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) du pays de domiciliation du consommateur, et non plus celui du pays de déclaration du fournisseur. Dans notre pays, l'organisme France Stratégie a récemment remis un document à la secrétaire d'État au numérique dans lequel il estime que le meilleur moyen de lutter contre ces pratiques d'optimisation serait de modifier les règles de la fiscalité des bénéfices au niveau européen. Néanmoins, un tel processus risquerait de prendre du temps, car il passerait par une « refonte globale des conventions fiscales internationales, quelque 140 traités bilatéraux en ce qui concerne la France ». France Stratégie formule dans le même temps des propositions visant à remédier à plus court terme aux failles de notre système fiscal. Parmi ces propositions figure celle d'instaurer une taxe sur les revenus publicitaires des entreprises, lesquels seraient appréhendés comme une approximation des profits générés dans un pays donné. À défaut, il serait possible de mettre en place une taxe unitaire, fondée sur l'activité de la plate-forme, mesurée par le nombre d'utilisateurs sur le territoire ou par le flux de données échangées. Enfin, France Stratégie suggère de différencier le taux d'imposition en fonction de l'origine des revenus, de façon à taxer de manière plus importante les entreprises qui utilisent les données des utilisateurs à des fins commerciales. Il souhaiterait connaître son avis sur ces propositions, dont il estime qu'elles mériteraient d'être soumises à nos partenaires européens dans le cadre de la lutte contre les pratiques d'optimisation fiscale des grandes entreprises du numérique.

Réponse publiée le 20 septembre 2016

L'importance croissante des technologies numériques conduit des entreprises à développer de nouveaux modèles économiques, qui leur permettent d'agir sur un marché sans avoir besoin d'y être présentes physiquement. Cette situation conduit à des pratiques d'optimisation, porte un fort préjudice aux finances des Etats et occasionne, de surcroît, des distorsions de concurrence entre entreprises. Forte de ce constat, et faisant de l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales une priorité, la France s'est fortement impliquée pour que le plan d'actions contre l'optimisation fiscale des entreprises (Base Erosion and Profit Shifting - BEPS) du G20 et de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) traite des défis spécifiques posés par le développement de l'économie numérique. Dans cette perspective, la task force sur l'économie numérique (TFDE), co-présidée par les Etats-Unis et la France, s'est attachée à proposer des pistes à même de relever ces derniers. Les travaux de la TFDE ont d'abord conduit à ce que le plan d'actions issu du projet BEPS, dont les résultats ont été approuvés par les Leaders du G20 au sommet d'Antalya des 15 et 16 novembre 2015, tienne compte de cette dimension. A cet égard, avec plusieurs partenaires européens, la France a défendu une modification de la notion actuelle d'« établissement stable », définie par le modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune, afin de tenir compte de la substance économique de l'activité plus que de la structure formelle adoptée par les entreprises pour la réaliser. Dans le même temps, la TFDE a convenu que certaines caractéristiques des modèles économiques reposant sur les technologies numériques sont susceptibles de conduire à des situations d'optimisation inédites qui nécessitent que les règles de territorialité et de répartition des bénéfices imposables entre juridictions fiscales soient rénovées. Elle poursuit maintenant sa réflexion à travers des discussions sur les évolutions des standards internationaux qui pourraient éventuellement être reconnues comme nécessaires dans l'avenir. Dans cette perspective, la France insiste sur le rôle prédominant joué par les internautes via les données qu'ils transmettent dans la création et la localisation de la valeur tel qu'il a été mis en évidence par le rapport de 2013 de la mission d'expertise sur la fiscalité de l'économie numérique. Au vu des modèles d'affaires en cours, la collecte massive et systématique de ces données constitue manifestement une fonction importante qui doit être prise en compte pour aménager les règles de rattachement territorial des bénéfices d'entreprises. Elle pourrait caractériser ce qu'il convient d'appeler une « présence fiscale numérique » de l'entreprise non-résidente, suffisamment significative pour donner à l'Etat de ces internautes un droit d'imposition. De même, au niveau de l'Union européenne, la France défend la mise en œuvre d'un plan d'actions ambitieux permettant, à l'image du projet BEPS, de lutter contre l'optimisation fiscale dans le contexte spécifique du marché intérieur où prévalent les libertés de circulation. En lien avec ce chantier, elle propose, dans la ligne des travaux de l'OCDE, de mettre en place un mécanisme spécifique de localisation et de répartition des bénéfices réalisés par les multinationales du numérique dans l'Union européenne afin qu'ils soient imposés à l'endroit où ils sont réalisés. Ces éléments sont de nature à répondre à la préoccupation de l'auteur de la question.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Tva

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Économie et finances

Dates :
Question publiée le 24 mars 2015
Réponse publiée le 20 septembre 2016

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