fraude fiscale
Question de :
M. Frédéric Cuvillier
Pas-de-Calais (5e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Frédéric Cuvillier attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur l'action de la France contre l'optimisation fiscale des grandes sociétés internationales. La lutte contre la fraude fiscale est un chantier engagé par le Gouvernement. Cette action menée sans relâche a permis de lever 1,8 milliard d'euros de recettes consécutivement à l'adoption de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013. Cependant, bien que cette politique obtienne des résultats positifs, de grandes sociétés internationales continuent de payer peu voire pas d'impôts en toute légalité sur un territoire propre, malgré la réalisation de bénéfices importants. Dans ce contexte, il souhaiterait connaître les actions que la France compte engager afin de renforcer la politique de lutte contre l'optimisation fiscale.
Réponse publiée le 2 juin 2015
L'évolution de l'économie, marquée notamment par l'internationalisation croissante des activités et le renforcement de l'importance stratégique des actifs immatériels, a fait apparaître des lacunes voire l'inadaptation de certaines règles actuelles de la fiscalité internationale. Les États subissent d'importantes pertes de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés sous l'effet de schémas d'optimisation fiscale qui reposent sur l'exploitation des incohérences entre différentes normes juridiques ou le transfert des bénéfices vers des pays où ils sont plus faiblement taxés. Les distorsions induites nuisent à une concurrence loyale au détriment des petites et moyennes entreprises. La question de l'érosion de l'assiette de l'impôt sur les sociétés est ainsi devenue une priorité politique pour de nombreux pays. Dans ce cadre, en France, les pouvoirs publics ont pris une importante série de mesures. À titre d'illustration, la loi de finances pour 2014 a prévu un dispositif législatif dont l'objectif est de lutter contre les schémas visant à créer artificiellement de l'endettement et à bénéficier d'une double non-imposition. La déduction d'une charge d'intérêt est refusée à l'entreprise débitrice dès lors que le produit correspondant ne se trouve pas ou peu taxé chez l'entreprise créancière. Cette mesure impose une symétrie dans le traitement de la charge et du produit permettant de lutter contre l'optimisation fiscale via des produits hybrides. Par ailleurs, dans le cadre de la loi de finances pour 2015, les sanctions applicables aux grandes entreprises qui ne rempliraient pas leurs obligations en matière de documentation de prix de transfert ont été rendues plus dissuasives puisqu'elles peuvent désormais représenter 0,5 % du montant des opérations considérées. Au plan international, de même, la France est fortement engagée dans la lutte contre la planification fiscale agressive. Elle fait partie des États qui ont lancé, au sommet du G20 de Los Cabos en 2012, les travaux conduits par l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour lutter contre l'érosion des bases d'imposition et les transferts de bénéfices (« Base Erosion and Profit Shifting » BEPS). Ils sont fondés sur un plan d'action large et ambitieux comportant 15 axes, qui a été endossé par les chefs d'États et de gouvernements du G20 les 5 et 6 septembre 2013 à Saint-Pétersbourg et doit conduire d'ici la fin de 2015 à des propositions concrètes permettant de répondre aux schémas abusifs de planification fiscale et aux régimes dommageables mis en place par certains États. Dans ce cadre, le 16 septembre 2014, l'OCDE a publié 7 rapports intermédiaires relatifs notamment à l'économie numérique, aux montages hybrides et aux prix de transfert. Au sein de l'Union européenne, la France joue aussi un rôle moteur afin d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur, en comblant les lacunes découlant de l'exploitation des différences entre systèmes fiscaux nationaux. En ce sens, elle a notamment soutenu la révision de la directive relative aux sociétés mères et filiales de 2003, afin d'y insérer des mécanismes anti-abus, qui a été menée à bien en 2014. En outre, dans sa lettre du 28 novembre 2014, adressée au commissaire en charge de la fiscalité, le ministre des finances et des comptes publics, avec ses homologues allemand et italien, a appelé l'Union européenne à franchir désormais une nouvelle étape à travers le déploiement d'une stratégie d'ensemble contre l'optimisation fiscale. Cette démarche doit reposer sur des règles communes permettant de garantir la transparence des pratiques, de lutter contre les situations de sous-imposition et la concurrence dommageable entre les États membres, et de mettre en place des réponses à l'égard de certains pays tiers qui pratiquent l'opacité et l'absence de fiscalité. En cohérence avec les chantiers en cours au niveau international, des résultats sont attendus au cours de l'année 2015. Déjà, la Commission a présenté le 18 mars 2015 une proposition de modification de la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal afin notamment d'assurer la transparence des décisions fiscales (les « rulings »), au sujet de laquelle la France souhaite que les discussions aboutissent rapidement. Enfin, dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale, notamment des particuliers, la signature par plus de 50 États et territoires dont la France, le 29 octobre 2014 à Berlin, d'un accord multilatéral visant à mettre en place la nouvelle norme commune en matière d'échange automatique d'informations financières et l'adoption par l'Union européenne, le 9 décembre 2014, de la mise à niveau de la directive européenne sur la coopération administrative, sont des avancées majeures. La France a joué un rôle essentiel dans l'aboutissement de ces travaux.
Auteur : M. Frédéric Cuvillier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Finances et comptes publics
Ministère répondant : Finances et comptes publics
Dates :
Question publiée le 31 mars 2015
Réponse publiée le 2 juin 2015