14ème législature

Question N° 78407
de Mme Laurence Abeille (Écologiste - Val-de-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > marchés publics

Tête d'analyse > maîtrise d'ouvrage

Analyse > directive. transposition.

Question publiée au JO le : 21/04/2015 page : 2954
Réponse publiée au JO le : 07/07/2015 page : 5262
Date de signalement: 23/06/2015

Texte de la question

Mme Laurence Abeille interroge M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le critère de bien-être animal dans les marchés publics. La directive européenne 2014/24/UE relative à la passation des marchés publics donne la possibilité, pour le pouvoir adjudicateur, de privilégier un marché public en se fondant sur le critère du bien-être animal. Dans son considérant 98, elle prévoit en effet que « les conditions d'exécution du marché pourraient également viser à favoriser la mise en œuvre de mesures destinées à promouvoir [...] le bien-être animal ». Or, ce sont des millions de repas qui sont servis quotidiennement dans les établissements publics : écoles, université, hôpitaux, etc. Actuellement, ces établissements soumis au code des marchés publics ne peuvent pas privilégier pour leurs approvisionnements un produit sur la base du critère de bien-être animal. La prise en compte du mode d'élevage et du bien-être animal dans le choix de consommation est pourtant une demande de plus en plus forte de nos concitoyens, et il serait judicieux que ces critères soient enfin intégrés dans la passation des marchés publics. Cette directive européenne devant être transposée au plus tard en avril 2016, elle souhaiterait savoir ce que compte faire le Gouvernement pour intégrer le critère de bien-être animal dans les marchés publics.

Texte de la réponse

Avant même l'adoption des nouvelles directives européennes « marchés publics », la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé que le lien avec l'objet du marché n'impose pas que les critères d'attribution portent sur les caractéristiques intrinsèques d'un produit, c'est-à-dire un élément qui s'incorpore matériellement dans celui-ci, mais permet aussi de tenir compte de son mode de production (CJUE, 10 mai 2012, Aff. C 368/10, Commission européenne c/ Royaume des Pays-Bas). Toutefois, comme l'a souligné la CJUE à cette occasion, cet assouplissement ne saurait aller jusqu'à autoriser la prise en compte de la politique générale de l'entreprise. Ainsi, la directive européenne n° 2014/24/UE relative à la passation des marchés publics, qui s'inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour, confirme la faculté, pour les acheteurs publics, de prendre en compte des considérations sociales ou environnementales au titre des critères d'attribution de leurs marchés publics, tel que le bien-être animal, lorsqu'ils sont liés à l'objet du marché public. Le III de son article 67 précise ce qu'il faut entendre par lien avec l'objet du marché : « les critères d'attribution sont réputés être liés à l'objet du marché public lorsqu'ils se rapportent aux travaux, produits ou services à fournir en vertu du marché à quelque égard que ce soit et à n'importe quel stade de leur cycle de vie, y compris les facteurs intervenant dans : a) le processus spécifique de production, de fourniture ou de commercialisation desdits travaux, produits ou services ; ou b) un processus spécifique lié à un autre stade de leur cycle de vie, même lorsque ces facteurs ne font pas partie de leur contenu matériel ». Cette directive confirme également que les acheteurs publics peuvent prévoir des conditions particulières concernant l'exécution de leurs marchés publics afin de prendre en compte des considérations relatives au bien-être animal. Toutefois, ces clauses d'exécution doivent être liées à l'objet du marché public au même titre que les critères d'attribution. En conséquence, insérer dans le cahier des charges d'un marché public une clause relative au bien-être animal est possible, sous réserve que cette stipulation soit liée à l'objet du marché public dans les conditions prévues par le III de l'article 67 de la directive. En droit interne, l'article 5 du code des marchés publics et ses équivalents dans les décrets d'application de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 modifiée, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, imposent déjà, dans tous les marchés, la prise en considération des objectifs de développement durable dans la détermination de la nature et de l'étendue des besoins à satisfaire. L'article 53 du code des marchés publics et ses équivalents dans les décrets d'application de l'ordonnance du 6 juin 2005 prévoient déjà que, sauf dans des cas exceptionnels justifiés par l'objet du marché, l'acheteur public doit se fonder sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché pour attribuer ses marchés. La transposition des nouvelles directives sera l'occasion de consolider ce cadre juridique national. Le Gouvernement fait par ailleurs oeuvre de pédagogie pour inciter les acheteurs publics à utiliser les critères et clauses d'exécution liés au développement durable. Le guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics indique que « l'offre économiquement la plus avantageuse n'est pas assimilable au prix le plus bas, ce qui, bien entendu, ne doit pas conduire l'acheteur à minorer l'importance du critère prix dans l'analyse des offres. L'acheteur doit, en effet, être en mesure d'apprécier la performance globale du marché et porter une attention particulière à la qualité des prestations fournies, ainsi qu'au respect, tant par les fournisseurs que par les utilisateurs, des modalités d'exécution du marché ». Il consacre de longs développements sur la manière d'intégrer les préoccupations de développement durable dans l'achat public. Les acheteurs publics disposent, en outre, du guide de l'achat public écoresponsable, publié par les groupes d'étude des marchés, et de guides sectoriels pratiques, notamment ceux élaborés par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.