Question de : M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Daniel Boisserie attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur les propositions formulées par les syndicats des agents des douanes concernant leur profession. L'administration douanière souffre d'un manque de reconnaissance de la dimension régalienne de son action. Pourtant, avec un effectif de 16 500 agents, les douanes françaises saisissent chaque année les 2/3 des produits stupéfiants en France et la quasi-totalité du tabac, de l'alcool, de la contrebande et des contrefaçons. Or le code de sécurité intérieure ne fait référence que d'une manière furtive à l'action des douanes. Par conséquent, les fonctionnaires proposent d'insérer dans le code de sécurité intérieure un « livre » supplémentaire consacré à l'administration douanière et à ses missions. D'un point de vue procédural, conformément à la décision n° 2013-679 du Conseil constitutionnel et à son attendu n° 77, ils suggèrent d'étendre la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées aux infractions douanières commises en bande organisée qui portent atteinte à la sécurité, la santé, la dignité ou la vie des personnes. Ils recommandent en outre de moduler les sanctions prévues par le code général des impôts réprimant les trafics de tabac et d'alcool en fonction de la gravité de la délinquance combattue et d'élargir le cadre d'intervention du service national de la douane judiciaire. Au regard de ces propositions, il souhaite donc connaître l'avis du Gouvernement et les réflexions menées tendant à reconnaître l'administration douanière comme une force de sécurité à part entière.

Réponse publiée le 31 mai 2016

La douane est une administration dont l'évolution a été fortement marquée par la construction européenne. A cet égard, elle dispose d'un rôle prééminent dans la bonne application du droit européen. La douane est également au centre du processus de mondialisation, ce qui la place en première ligne en matière de protection de la sécurité du territoire, de sûreté, de santé publique, de l'environnement et de gestion des crises, au sein de l'Union européenne. Dans ce cadre, la douane constitue sans conteste une administration au caractère régalien très affirmé, dotée de moyens d'action particuliers sur le plan juridique, notamment par l'étendue des pouvoirs et des sanctions prononcées à l'encontre des fraudeurs. Ces contrôles qu'elle réalise interviennent, soit dans un cadre administratif, soit dans un cadre judiciaire. Pour la recherche des infractions douanières et en matière de contributions indirectes, les agents des douanes disposent de pouvoirs spécifiques prévus par le code des douanes (CD) et le livre des procédures fiscales (LPF). Les agents des douanes exercent leurs pouvoirs dans un cadre dit administratif, sans direction d'enquête par une autorité judiciaire. Toutefois, la mise en œuvre de pouvoirs d'investigations sensibles est réalisée sous le contrôle de l'autorité judiciaire (nécessité d'une information préalable, voire principe d'une autorisation préalable pour la mise en œuvre des pouvoirs les plus sensibles). À cet égard, le parquet ou le juge du siège sont amenés à contrôler, voire à autoriser la mise en œuvre de techniques spéciales d'enquêtes douanières telles que les opérations de surveillance et d'infiltration (article 67 bis CD), les « coups d'achat » (article 67 bis-1 CD), la géolocalisation (article 67 bis-2 CD), la retenue douanière (articles 323-1 et suivants CD). Par ailleurs, les officiers de douane judiciaire (ODJ) sont habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction. A l'exception des infractions en matière de stupéfiants et des infractions qui leur sont liées pour lesquelles les ODJ ne peuvent agir que dans le cadre d'une co-saisine avec un autre service de police judiciaire, les ODJ disposent d'une compétence propre leur permettant d'agir en toute autonomie, y compris pour rechercher et constater les infractions connexes aux infractions douanières (ex : corruption, tromperie, recel, faux et usage de faux selon le cas). Les ODJ sont habilités à mettre en œuvre l'ensemble des pouvoirs d'enquête définis par le code de procédure pénale (CPP), suivant le cadre juridique dans lequel elle s'exécute : enquête de flagrance, enquête préliminaire ou enquête sur commission rogatoire. Les techniques spéciales d'enquête du CPP applicables en matière de criminalité et de délinquance organisées (régime spécial de garde à vue, perquisitions de nuit, interceptions de correspondances, opérations de surveillance et d'infiltration, sonorisations et des fixations d'images de certains lieux ou véhicules) peuvent être mises en œuvre par les agents des douanes habilités uniquement lorsque les infractions concernées relèvent à la fois des domaines visés à l'article 28-1 du CPP et des articles 706-73 ou 706-74 du CPP. Il s'agit notamment des délits suivants lorsqu'ils ont été commis en bande organisée : vol de biens culturels, délit en matière d'armes, délit douanier de contrebande, d'importation ou d'exportation de marchandise prohibée ou fortement taxée, délit de contrefaçon de marque. S'agissant des infractions en matière d'alcool et de tabacs, le code général des impôts (CGI) prévoit des sanctions pénales, à savoir une année d'emprisonnement pour les faits prévus au 3° et 10° de l'article 1810. À ces sanctions, s'ajoutent les sanctions fiscales prévues par les articles 1791 à 1794. Dans le cadre du plan national de lutte contre le tabagisme, l'article 93 de la loi no 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, a renforcé les sanctions pénales en matière de trafic de tabacs. Le nouvel article 1811 porte à cinq ans la peine d'emprisonnement prévue pour les faits prévus à l'article 1810 10° (fabrication de tabacs, détention frauduleuse en vue de la vente de tabacs fabriqués, de vente, y compris à distance de tabacs fabriqués, transport en fraude de tabacs fabriqués, acquisition à distance, introduction en provenance d'un État membre ou importation en provenance d'un État tiers de produits du tabac acquis dans le cadre d'une vente à distance tabac manufacturé), lorsqu'ils sont commis en bande organisée. Le dispositif de sanctions prévu par le CGI est complet et adapté à la gravité des infractions constatées en matière d'alcool et de tabac. Il en est de même en matière douanière : l'article 414 alinéa 3 du code des douanes réprime les délits douaniers commis en bande organisée d'une peine d'emprisonnement de 10 ans. Le corpus juridique encadrant et confortant les pouvoirs et moyens d'action des agents des douanes est donc aujourd'hui clair, complet et adapté à l'exercice de leur mission. Ses dispositions sont par ailleurs régulièrement adaptées et complétées en fonction des besoins politiques, comme en attestent les dispositions récentes votées par les assemblées au cours des derniers mois. Introduire un livre spécifique aux pouvoirs des agents des douanes et à la répression des infractions qu'ils sont chargés de rechercher et de constater dans le code de la sécurité intérieure conduirait à la confusion et à un risque probable de détournement de procédure.

Données clés

Auteur : M. Daniel Boisserie

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : Finances et comptes publics

Ministère répondant : Finances et comptes publics

Dates :
Question publiée le 5 mai 2015
Réponse publiée le 31 mai 2016

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