Question de : M. Jean-Claude Mathis
Aube (2e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Claude Mathis attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la carte de l'offre de soins qui vient d'être rendue publique par l'UFC-Que choisir. En effet, à la veille de la clôture des négociations entre l'assurance-maladie, les médecins et les complémentaires sur les dépassements d'honoraires (auxquelles les usagers n'ont pas été conviés) et de la discussion au Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (PLFSS), l'UFC-Que choisir communique sur l'alarmante carte de l'offre médicale en France et ses trois propositions concrètes pour garantir l'égal accès de tous aux soins. Souvent abordés séparément, l'accès géographique aux soins et les dépassements d'honoraires (qui ont doublé en vingt ans) sont pourtant étroitement liés, et viennent conjointement affaiblir l'égalité des Français devant le système de santé. À travers l'étude exhaustive de la localisation des médecins et des tarifs pratiqués pour quatre spécialités (généralistes, ophtalmologistes, gynécologues et pédiatres), l'UFC-Que choisir a mis au point une cartographie de l'offre médicale, commune par commune, en tenant compte de la capacité financière des usagers à se soigner. Et le résultat est sans appel : il existe une intolérable « fracture sanitaire ». Le constat est fait de déserts médicaux bien installés, surtout pour les spécialistes. Si les déserts géographiques ne concernent qu'à la marge les médecins généralistes (5 % de la population), tel n'est pas le cas pour les spécialistes puisque pour les pédiatres, les gynécologues ou les ophtalmologistes, c'est respectivement 19 %, 14 % et 13 % de la population qui se trouve dans des déserts médicaux. L'accès aux spécialistes est présenté comme la triple peine pour les moins aisés. Au-delà des déserts géographiques, si l'on ne tient compte que des médecins qui ne pratiquent pas de dépassements d'honoraires, la pénurie de médecins se démultiplie. C'est ainsi que le pourcentage de la population vivant dans un désert médical gynécologique passe de 14 % à 54 % si l'on ne peut financièrement accéder qu'à un gynécologue aux tarifs de la sécurité sociale (pour les ophtalmos 13 % à 45 %, les pédiatres 19 % à 28 %). De même, s'agissant du délai d'attente pour un rendez-vous chez l'ophtalmo, si dans un cas sur deux on l'obtient en moins de 79 jours en acceptant les dépassements, on passe à 131 jours au tarif de la sécurité sociale, 1 mois et demi de plus ! Enfin, l'exclusion sanitaire n'épargne aucune zone. Si la désertification médicale touche majoritairement les zones rurales, l'exclusion sanitaire liée à la capacité financière des usagers ignore, elle, la segmentation ville-campagne. C'est ainsi, par exemple, que les habitants de Paris, Saint-Étienne, Le Mans ou Aix-en-Provence sont bel et bien dans des zones d'accès difficile s'agissant des ophtalmos ne pratiquant pas de dépassements d'honoraires. La présence des médecins, déjà vacillante, n'est donc pas une garantie d'accès : les dépassements d'honoraires pratiqués par une partie significative d'entre eux excluent les usagers les moins aisés. L'argument fallacieux des médecins tendant à justifier la généralisation des dépassements par la stagnation de leur rémunération ne résiste pas à l'analyse : leurs revenus, hors dépassement, ont augmenté de moitié (en plus de l'inflation) depuis 1980 ! Face à l'échec patent des politiques incitatives s'agissant de l'accès aux soins, et dans l'attente d'une remise à plat de la rémunération des actes médicaux, l'UFC-Que choisir demande en urgence aux pouvoirs publics, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale : un conventionnement sélectif des médecins (en limitant les installations de médecins dans les zones sur-dotées, ce qui permettra de combler progressivement les zones sous-dotées), une réduction des aides publiques aux médecins installés en zone sur-dotée et la disparition progressive des dépassements d'honoraires (avec une phase transitoire plafonnant les dépassements d'honoraires à 40 % du tarif de la sécurité sociale, ce qui constitue la prise en charge médiane par les contrats de complémentaire santé). Il lui demande, par conséquent, comment elle entend répondre à ces propositions.

Réponse publiée le 16 avril 2013

Réduire les inégalités de santé, permettre un accès aux services qu'un système de santé performant doit garantir en proximité (soins, prévention, dépistage, éducation à la santé), représentent deux enjeux majeurs pour le Gouvernement, qui fondent la stratégie nationale de santé lancée par le Premier ministre le 8 février dernier et dont il a confié la responsabilité à la ministre des affaires sociales et de la santé. Dès son arrivée aux responsabilités, cette dernière s'est mobilisée pour améliorer l'accessibilité aux soins tant financière que géographique et cette volonté politique a trouvé sa traduction, plus particulièrement, à travers la signature de l'accord conventionnel intervenu en octobre 2012 entre les médecins libéraux et l'assurance maladie sur les dépassements d'honoraires, d'une part, et l'annonce du « pacte territoire-santé » le 13 décembre dernier, d'autre part. Les difficultés d'accès aux soins, matérialisées par des délais de rendez-vous longs ou l'éloignement géographique d'un professionnel, alimentent le sentiment de désertification médicale. En matière de densité médicale, la situation française s'avère paradoxale : le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé (avec une croissance de près de 30 % depuis 20 ans) alors que les inégalités territoriales d'installation des professionnels de santé demeurent particulièrement importantes ; les zones rurales ne sont pas les seules concernées, les banlieues des grandes villes et même certains arrondissements parisiens enregistrent une baisse importante du nombre de médecins de famille. Sous l'impulsion du gouvernement, les partenaires conventionnels ont signé le 25 octobre 2012 un avenant à la convention médicale de juillet 2011 consacré aux dépassements d'honoraires. Cet accord ouvre la voie à la modération des dépassements et élargit le champ des bénéficiaires des tarifs opposables. Les médecins ont désormais la possibilité de conclure un contrat d'accès aux soins, par lequel ils s'engagent à modérer le montant des dépassements d'honoraires, en contrepartie d'un meilleur remboursement de leurs patients par l'assurance maladie obligatoire. De leur côté, les complémentaires santé se sont également engagées à réduire le reste à charge des assurés en prenant mieux en charge les dépassements ainsi encadrés. Le « pacte territoire-santé » procède quant à lui d'une démarche incitative et décline douze engagements qui constituent un plan global et cohérent autour de trois axes : le premier axe vise à changer la formation et à faciliter l'installation des jeunes médecins, notamment en permettant à tous les étudiants de faire un stage en cabinet avant l'internat, en les formant davantage à l'exercice en cabinet. La création d'une garantie de revenu permettra aussi à 200 praticiens territoriaux de médecine générale de s'implanter dans les territoires dès 2013 et un « référent-installation » a été désigné dans chaque région pour accompagner les jeunes médecins dans toutes les étapes de leur installation. Le second axe cible la transformation des conditions d'exercice des professionnels de santé par la généralisation du travail en équipe, le développement de la télémédecine ou encore l'accélération du transfert de compétences. Le troisième axe consiste à promouvoir des investissements spécifiques pour les territoires isolés. L'accès aux soins urgents en moins de trente minutes sera assuré d'ici 2015. Des réponses sur mesure seront mises en oeuvre concernant les hôpitaux de proximité.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Mathis

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Dates :
Question publiée le 23 octobre 2012
Réponse publiée le 16 avril 2013

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