immigration
Question de :
M. René Rouquet
Val-de-Marne (9e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. René Rouquet interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le recours à des tests osseux afin d'établir l'âge de mineurs isolés étrangers. Un migrant isolé arrivant en France est pris en charge différemment selon qu'il soit majeur ou mineur : il sera en situation irrégulière et menacé d'expulsion du territoire s'il est majeur ou reconnu majeur, alors qu'il sera pris en charge par l'État français selon le dispositif juridique de protection de l'enfance s'il est mineur ou reconnu mineur. Il est fréquent que les immigrés se présentent en France sans papiers d'identité ou que ces derniers soient illisibles, rayés ou abîmés. Pour déterminer l'âge du migrant, la justice fait alors procéder à des tests osseux et à des examens physiologiques effectués par des médecins habilités par le ministère de la justice. Les résultats de l'examen sont comparés à un atlas de référence, dit de Greulich et Pyle, réalisé à partir de données recueillies de 1931 à 1942 auprès d'enfants nord-américains de niveau socio-économique élevé, qui ne correspond ni aux générations actuelles ni aux populations migrantes présentes en France, ce qui rend la fiabilité de ces tests pour déterminer l'âge d'un jeune immigré fortement sujette à caution. Un avis formel du Conseil de l'ordre des médecins rendu en 2010 réclamait que « les actes médicaux réalisés dans le cadre des politiques d'immigration, soient bannis, en particulier les radiologies osseuses » et dénonçait le fait que des médecins étaient ainsi appelés à prendre des positions qui ne devraient pas être déterminantes, tant elles peuvent être subjectives. Il voudrait connaître sa position sur ces tests dont l'avenir de nombreux migrants isolés dépend.
Réponse publiée le 19 janvier 2016
La France accueille plusieurs milliers de jeunes étrangers isolés. Ils seraient environ 8 000 en métropole, plus de 3 000 à Mayotte. Leur prise en charge relève de la compétence des départements, au titre de la protection de l'enfance, dès lors qu'ils sont reconnus isolés et mineurs. Le ministère de la Justice a mis en place, par circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers, un « dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation » permettant de définir les modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers sur le territoire et d'en assurer une répartition équitable entre les départements pour ce qui concerne la métropole. La circulaire prévoit que l'évaluation soit dans ce cadre financée par l'Etat. Cette procédure évaluative des conditions d'isolement et de minorité comprend trois étapes : évaluation sociale, vérification de l'état-civil, et enfin mise en œuvre du protocole médical en cas de doute sur la minorité du jeune. Le haut conseil de la santé publique (HCSP) a été saisi pour expertiser les aspects médicaux relatifs à l'évaluation de la minorité d'un jeune étranger isolé. L'avis du HCSP, rendu le 23 janvier 2014, a permis d'édicter huit recommandations. La 1ère réaffirme que l'examen médical ne doit intervenir qu'en dernier ressort. Le consentement du jeune doit être obtenu, aucun examen ne devant intervenir en cas de refus de l'intéressé. Alertée par certaines dérives dans les pratiques de détermination de l'âge en protection de l'enfance, la secrétaire d'Etat en charge de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie soutient dans la proposition de loi relative à la protection de l'enfant actuellement en discussion au Parlement l'interdiction du recours aux examens du développement pubertaire pour évaluer l'âge des personnes. Conformément aux préconisations internationales (Conseil de l'Europe, CNCDH), le Gouvernement s'est par ailleurs prononcé en faveur d'un encadrement strict de la pratique des radiographies d'âge osseux réaffirmant ainsi les garanties qui doivent être accordées aux mineurs. L'article 21 ter de la proposition de loi en cours de discussion prévoit en effet que le recours à ces examens doit être limité aux situations dans lesquelles l'âge allégué n'est pas vraisemblable et en l'absence de document valable. Seule l'autorité judiciaire peut y avoir recours avec l'accord de l'intéressé, et dans tous les cas, cette méthode ne pourrait à elle seule déterminer l'âge d'une personne. Dans tous les cas, les conclusions de ces examens devront préciser les marges d'erreur et le doute profité à l'intéressé.
Auteur : M. René Rouquet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Famille, enfance, personnes âgées et autonomie
Dates :
Question publiée le 9 juin 2015
Réponse publiée le 19 janvier 2016