Question de : M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Les Républicains

M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la recrudescence de la criminalité identitaire. Selon l'enquête que la société Fellowes vient de publier avec le CSA, on estimerait à 400 000 le nombre de cas de criminalité identitaire survenus en 2012 dans l'hexagone. La criminalité identitaire, après les cambriolages et les vols de véhicules, serait aujourd'hui la 3e infraction en France. Et en moyenne, une victime mettrait de deux à vingt ans à découvrir qu'on usurpe son identité ! Depuis le 14 mars 2011, le code pénal compte un nouveau délit, créé par la Loppsi 2. « Le fait d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Néanmoins, certains experts estiment que la nouvelle incrimination laisse de nombreuses situations impunies, notamment en ce qui concerne les nombreux cas de substitution d'identité et d'identité fictive, ou d'usurpation d'identité d'une personne décédée. Aussi il aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement mettra en œuvre afin de mettre à terme à de telles situations, qui constituent qui plus est un véritable traumatisme pour ses victimes.

Réponse publiée le 25 décembre 2012

L'usurpation d'identité peut être réprimée à plusieurs titres, en tant qu'infraction autonome, ou comme élément constitutif d'une autre infraction pouvant être réalisée par ce biais. Ainsi, l'article 434-23 alinéa 1 du code pénal réprime d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de prendre le nom d'un tiers dans des circonstances qui ont déterminé ou qui auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales. L'alinéa 2 de cet article précise que les peines prononcées pour ce délit se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation a été commise. Cela constitue une exception, plus rigoureuse pour le condamné, au principe du non-cumul des peines. L'alinéa 3 de l'article 434-23 du code pénal prévoit des peines similaires pour celui qui aura fait une fausse déclaration relative à l'état civil d'une personne, qui a déterminé ou qui aurait pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers. L'article 433-19 du code pénal punit d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende l'altération ou la modification illicite du nom dans un acte public ou authentique ou dans un document administratif destiné à l'autorité publique. Les articles 441-2, 441-3, 441-5 et à 441-6 du code pénal répriment, de peines d'emprisonnement, comprises entre deux ans et sept ans, et d'amende, la fabrication, la détention, la fourniture, l'usage et l'obtention indue d'un faux document administratif constatant un droit, une identité, une qualité ou une autorisation. En outre, la prise du nom d'un tiers peut être un élément constitutif des infractions d'escroquerie lorsque l'auteur de l'infraction fait usage d'un faux nom. De surcroît, la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a créé une infraction d'usurpation d'identité à portée générale, incluant le champ des communications électroniques. L'article 2 de cette loi insère désormais après l'article 226-4 du code pénal un article 226-4-1 qui réprime : « Le fait d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu'elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne ». Cette incrimination a fait l'objet de 9 condamnations depuis sa création. Les peines prononcées ont été de l'emprisonnement avec sursis total et des amendes dont le montant moyen est de 300 euros. Par ailleurs, l'article 781 alinéa2 du code de procédure pénale permet de réprimer la fourniture d'une identité imaginaire puisque ce texte dispose qu'est puni de 7 500 euros d'amende « celui qui aura fourni des renseignements d'identité imaginaires qui ont provoqué ou auraient pu provoquer des mentions erronées au casier judiciaire ». Ainsi, les textes existants permettent déjà de réprimer un grand nombre de comportements délictueux portant sur l'usurpation d'identité. Le nombre de condamnations prononcées pour les infractions relatives à la fraude documentaire à l'identité est stable depuis cinq ans, aux alentours de 11 500 condamnations. Plus précisément, sur les condamnations du chef de prise de nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales prononcées sur le fondement des dispositions de l'article 434-23 du code pénal, on relève que le nombre d'infractions ayant donné lieu à condamnation, en hausse continue de 15 % entre 2005 et 2008, connait une baisse depuis 2009 portant ce nombre à 2 689 en 2011. Il apparaît qu'une part significative des usurpations d'identité est commise pour échapper à la répression d'infraction à la circulation routière. En effet, une part importante des infractions d'usurpation d'identité faisant l'objet d'une condamnation inscrite au casier judiciaire national est connexe à au moins une affaire routière : en 2011, sur les 2 689 infractions ayant donné lieu à condamnation, 1 546 étaient liées à au moins une infraction routière, soit 57,5 % dont 680 pour des conduites sans permis. Le quantum moyen des peines prononcées est assez stable. En 2011, la moyenne des peines d'emprisonnement ferme prononcées était de 3,1 mois et celle des peines d'amende ferme de 458 euros. Pour conclure, compte tenu des évolutions législatives et notamment de la création d'une infraction générale d'usurpation d'identité, il apparaît que l'arsenal législatif est suffisamment complet, permettant de réprimer ce délit à plusieurs titres, en tant qu'infraction autonome, ou comme élément constitutif d'une autre infraction pouvant être réalisée par ce biais. La problématique posée par ce type de faits est davantage liée à la difficulté de découvrir l'infraction, commise par définition à l'insu de tous, puis d'en appréhender l'auteur.

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 23 octobre 2012
Réponse publiée le 25 décembre 2012

partager