14ème législature

Question N° 820
de M. Boinali Said (Socialiste, républicain et citoyen - Mayotte )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > DOM-ROM : Mayotte

Analyse > étrangers. conditions d'entrée et de séjour. réglementation.

Question publiée au JO le : 20/01/2015 page : 266
Réponse publiée au JO le : 28/01/2015 page : 349

Texte de la question

M. Boinali Said attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'application du droit d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte. En effet, pour l'entrée et le séjour d'un étranger en France, le territoire de la République française est divisé en blocs dont celui qui compose la métropole, les « DFA » et la Réunion pour lesquels le Ceseda s'applique, celui des pays et territoires d'outre-mer et celui du département de Mayotte. Dans l'ordonnance relative à l'entrée et au séjour des étrangers applicable à Mayotte, le droit au séjour a une validité géographiquement limité à ce territoire. La carte de séjour temporaire délivrée à Mayotte ne confère pas le droit d'entrer et de séjourner dans les autres blocs susnommés. De plus la carte de résident, quel que soit le lieu de sa délivrance, est valable à Mayotte, en Polynésie française ou à Wallis-et-Futuna. En revanche, lorsqu'elle est délivrée à Mayotte, en Polynésie française, ou à Wallis-et-Futuna, elle n'a aucune validité « en France » au sens du Ceseda. Il constate que malgré la loi n° 2010-1437 du 7 décembre 2010 les conditions d'entrée et de séjour d'un étranger et du droit d'asile restent soumises aux règles spécifiques issues de l'ordonnance du 26 avril 2000. Il souhaite que la départementalisation de Mayotte s'accompagne de l'abolition de cette restriction et permettre que lorsque la carte de séjour est délivrée à Mayotte, elle soit valable « en France » au sens du Ceseda, art. L. 314-13. Il demande que les détenteurs d'un titre de séjour délivré à Mayotte puissent jouir pleinement du droit de circuler sur l'ensemble du territoire français. Cette mesure permettrait de désengorger Mayotte.

Texte de la réponse

CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS À MAYOTTE


M. le président. La parole est à M. Boinali Said, pour exposer sa question, n°  820, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

M. Boinali Said. Madame la secrétaire d'État, en raison de sa prospérité relative par rapport à son environnement régional, le département de Mayotte présente une attractivité migratoire importante. Les spécificités géographiques de cette île et sa proximité avec des pays constituant des sources d'émigration importante ont pour conséquence une pression migratoire extrêmement élevée. Les demandes de titres de séjour sont donc particulièrement nombreuses dans ce département. Ainsi, en 2012, l'INSEE établissait que 86 400 personnes étrangères vivaient à Mayotte, dont 17 412 en situation régulière, pour une population mahoraise d'un peu plus de 200 000 habitants.

L'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par l'ordonnance du 7 mai 2014, prévoit que certains étrangers en situation régulière à Mayotte disposent d'un titre de séjour spécifique qui n'autorise le séjour que sur ce territoire. Si ces personnes souhaitent se déplacer dans un autre département français, elles sont alors contraintes d'obtenir un visa spécifique.

La pertinence d'une telle mesure pose question quant à son efficacité face à l'enjeu des migrations. Mais surtout, un tel régime dérogatoire ne semble pas aller dans le sens d'une intégration totale de Mayotte au sein du territoire national, comme le processus de départementalisation le laissait espérer.

De même, l'ordonnance du 7 mai 2014 exclut Mayotte du champ des dispositions relatives à l'intégration dans la société française prévues par l'article L. 311-9 du CESEDA. La signature et le respect d'un contrat d'accueil et d'intégration permettent en effet de faciliter l'intégration au sein de la société française.

Cette disposition, dont ne bénéficie pas Mayotte, permet pourtant aux étrangers souhaitant s'installer dans notre pays de meilleures conditions d'intégration, notamment par une formation civique et, si besoin, linguistique. L'exclusion de Mayotte du champ de ces deux dispositions pénalise tout un territoire qui ne parvient plus à gérer le défi migratoire.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur la pertinence de ces dispositions dérogatoires à Mayotte ? Et dans quelle mesure pouvons-nous envisager une évolution législative plus efficace pour la gestion de ce défi migratoire pour Mayotte et donc pour la France ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le député Boinali Saïd, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve.

Comme vous le savez, Mayotte est un département français depuis le 31 mars 2011. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA, y est applicable depuis le 26 mai 2014, date à laquelle sont entrés en vigueur l'ordonnance du 7 mai 2014 et le décret d'application du 23 mai 2014. Les textes spécifiques qui régissaient les conditions d'entrée et de séjour des étrangers ont été abrogés simultanément.

Certaines adaptations ont été prévues pour répondre aux enjeux particuliers qui caractérisent Mayotte. En effet, Mayotte subit une immigration irrégulière importante, notamment de mineurs, provenant essentiellement des Comores, et plus particulièrement de l'île d'Anjouan, située à soixante-dix kilomètres.

Le niveau économique de l'archipel des Comores étant très inférieur à celui de Mayotte, ce territoire est très attractif. Selon le rapport sur l'immigration comorienne à Mayotte remis en 2012 au Gouvernement par Alain Christnacht, conseiller d'État, l'immigration irrégulière représenterait 75 000 personnes, soit 34 % de la population de l'île, et cause de forts déséquilibres sociaux et économiques qu'il convient de contenir.

Dans un avis du 20 mai 2010, le Conseil d’État a considéré les dispositions nouvelles compatibles avec le régime de l'identité législative de l'article 73 de la Constitution, dès lors que ces adaptations n'étaient pas disproportionnées ni n'excédaient ce qui est strictement requis pour tenir compte des « caractéristiques et contraintes » de Mayotte.

Compte tenu de l'importance de l'immigration irrégulière à Mayotte et dans le souci de ne pas l'aggraver, il a été décidé de maintenir la validité territoriale limitée des cartes de séjour temporaire délivrées par le préfet de Mayotte au seul territoire mahorais. Dès lors, si le bénéficiaire souhaite se rendre en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer, il doit solliciter une autorisation auprès du préfet de Mayotte.

Des exceptions ont toutefois été prévues, ce qui constitue une évolution sensible par rapport à la situation qui prévalait avant 2014. Ainsi, toutes les cartes de résident, et certaines cartes de séjour temporaire telles que celles portant les mentions « scientifique », « carte bleue européenne », « protection subsidiaire », délivrées à Mayotte permettent la circulation et l'installation sur le territoire métropolitain. Auparavant, les titulaires de ces titres de séjour, qui représentent la majorité des titres en circulation à Mayotte, ne pouvaient circuler librement sur le territoire métropolitain.

La situation migratoire à Mayotte implique une adaptation progressive de nos textes et leur évaluation en continu. Le Gouvernement sera attentif à l'évolution de la situation à Mayotte et pourra proposer, le cas échéant, une adaptation du cadre législatif.

M. le président. La parole est à M. Boinali Said.

M. Boinali Said. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de toutes ces précisions.