Rubrique > moyens de paiement
Tête d'analyse > euro
Analyse > pièces commémoratives. Waterloo.
M. François Loncle interroge M. le ministre des finances et des comptes publics sur la seconde défaite subie par la France à Waterloo (Belgique). Afin de commémorer le bicentenaire de la bataille de Waterloo qui s'était déroulée sur son sol le 18 juin 1815, la Belgique avait envisagé d'émettre une pièce de deux euros représentant cet évènement majeur de l'histoire européenne. Dans ce but, elle avait, en mars 2015, frappé 180 000 pièces de monnaie. Or, dans le cadre du sous-comité des pièces qui réunit les directeurs du Trésor des pays de la zone euro, la France s'est discrètement opposée à cette initiative, arguant que celle-ci revêtirait « une symbolique négative » et serait susceptible d'engendrer des « tensions inutiles ». Ne reculant devant aucun ridicule, la France était prête à déclencher des hostilités numismatiques. Heureusement, ce ne fut pas nécessaire, car l'impression de pièces commémoratives exige l'accord unanime des 19 États où circule la monnaie unique. Face à notre morne plainte, la Belgique fut obligée de détruire les pièces déjà frappées, enregistrant au passage une perte de 1,5 million d'euros. Comme Napoléon qui « avait l'offensive et presque la victoire » (Victor Hugo), la France croyait avoir gagné. Que nenni ! Ce ne fut pas Austerlitz, mais la Bérézina : ce n'était pas « Grouchy. C'était Blücher ! » Les judicieux Belges nous firent un coup de Trafalgar. Ignorant « la fière alliance du courroux et de la puissance » (Charles Perrault), Bruxelles employa une tactique qui n'aurait pas déplu à l'Empereur. À la stratégie frontale française, la partie belge opposa une astucieuse manœuvre de contournement. En effet, la législation monétaire européenne autorise, sans l'aval des autres membres de l'eurozone, l'émission unilatérale de pièces commémoratives ayant une valeur faciale « non-conventionnelle ». Aussi la Belgique présenta-t-elle, le 8 juin 2015, des pièces de 2,50 et 10 euros, tirées à 70 000 exemplaires utilisables seulement dans le pays émetteur et figurant soit la célèbre Butte au Lion soit la silhouette de Napoléon. Pour la seconde fois, la France a été défaite à Waterloo. Mais elle n'est pas seulement vaincue, elle est aussi un mauvais perdant puisqu'elle boude les manifestations organisées pour le bicentenaire. Notre susceptibilité nationale semble déplacée et futile, même si elle s'expliquerait par le rejet d'une pièce commémorative française sur le cinq centième anniversaire de la bataille de Marignan remportée par François Ier. Certes, l'Union européenne constitue un espace de paix et de coopération, mais les conflits sont une composante capitale de notre histoire commune et même la raison fondamentale ayant présidé à la construction européenne. Du reste, il existe des pièces commémoratives de 2 euros sur les deux guerres mondiales. Enfin, la position française dans cette affaire picrocholine est empreinte d'une certaine hypocrisie puisque la Monnaie de Paris a installé sur le site de Waterloo un distributeur de médaille souvenir représentant le Lion ou Napoléon et vendue 2 euros. Il lui demande que les représentants français à Bruxelles ne s'érigent pas en censeurs du passé mais plutôt en promoteurs d'une histoire commune, ce qui s'avère indispensable si on se réfère à un récent sondage publié par le journal anglais The Times : Waterloo évoque d'abord pour une majorité de Britanniques la gare londonienne ou le tube du groupe suédois Abba. Plus du tiers d'entre eux ne connaît pas le vainqueur de la bataille et même 14 % pensent que c'est Napoléon.