Question orale n° 837 :
conventions avec les praticiens

14e Législature

Question de : M. Luc Chatel
Haute-Marne (1re circonscription) - Les Républicains

M. Luc Chatel attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes à propos des difficultés des patients à déclarer un médecin traitant en milieu rural. En effet, le parcours de soins coordonnés en France impose à chaque assuré social de désigner un médecin traitant de son choix avant de consulter un autre spécialiste, pour bénéficier d'un remboursement à taux plein. En revanche, s'il n'y a pas de médecin traitant déclaré, il n'y a pas respect du parcours de soins et l'assuré est moins bien remboursé par l'assurance maladie lors d'une consultation. Cette organisation, si elle vise à limiter les coûts pour l'assurance maladie, peut avoir de graves conséquences pour les patients en cas de cessation d'activité d'un médecin, qu'elle soit temporaire (pour maladie par exemple) ou définitive (pour retraite ou décès). En milieu rural où le manque de médecins généralistes est de plus en plus criant, cela conduit des patients à chercher un praticien traitant pendant de nombreuses semaines voire de nombreux mois, ces médecins étant déjà submergés par leur propre patientèle. Face à cette situation inacceptable, il demande au Gouvernement de bien vouloir agir pour que soit assurée la continuité de la prise en charge normale des patients en cas de cessation d'activité de médecin traitant dans les territoires en manque de praticiens et de tout mettre en œuvre pour lutter contre la désertification médicale qui accentue ce dysfonctionnement.

Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2015

DIFFICULTÉS POUR DÉCLARER UN MÉDECIN TRAITANT EN MILIEU RURAL
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, pour exposer sa question, n°  837, relative aux difficultés pour déclarer un médecin traitant en milieu rural.

M. Luc Chatel. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais appeler l'attention du Gouvernement sur les conséquences du développement de déserts médicaux en milieu rural mais aussi dans les villes des départements ruraux. Par exemple, à Chaumont, le nombre de médecins généralistes a baissé de 30 % en quelques années.

Il devient extrêmement difficile de remplacer les praticiens qui partent à la retraite, et cela a des conséquences dramatiques sur les parcours de soins coordonnés. Ainsi, à Troyes, à la suite du décès d'un médecin, ce sont près de 1 000 patients qui se retrouvent sans généraliste, les deux associés du défunt ne pouvant pas les suivre – je précise qu'une telle situation s'est déjà produite à plusieurs reprises dans la Haute-Marne.

Faute de médecin généraliste, ces patients ne peuvent plus respecter le parcours de soins coordonnés. S'ils vont consulter un médecin spécialiste, ils seront moins bien remboursés et n'auront plus accès au tiers payant. Cette situation, indépendante de leur volonté, résulte du développement des déserts médicaux et de la difficulté à remplacer en milieu rural les médecins qui partent à la retraite.

Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir prévoir des dérogations au parcours de soins coordonnés – dont nous avons soutenu en son temps la mise en place, mais qui doit pouvoir souffrir d'exceptions suivant la situation sur le terrain ; à défaut, les conséquences pourraient être dévastatrices pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, le Gouvernement est pleinement conscient des difficultés d'accès aux soins que peut rencontrer la population résidant dans des territoires à faible densité médicale. Toutefois, il convient de rappeler que la population est globalement couverte par le dispositif du parcours de soins coordonnés ; le rapport de la Cour des comptes de 2013 indique ainsi que plus de 90 % des assurés ont désigné un médecin traitant – même si chacun connaît dans sa circonscription des cas similaires à celui que vous avez évoqué.

Les difficultés de déclaration d'un médecin traitant soit affectent les assurés nouvellement installés dans des zones où les médecins sont déjà extrêmement sollicités, soit découlent, comme vous venez de l'évoquer, du départ de médecins qui ne sont pas remplacés. En revanche, en ce qui concerne les absences temporaires du médecin traitant, le dispositif du parcours de soins coordonnés ne pénalise pas les patients dans la mesure où il prévoit que, dans ce cas, le médecin remplaçant ou les autres médecins exerçant dans le cabinet peuvent préciser sur la feuille de soins intervenir au titre du « médecin traitant remplacé ».

Au-delà de ces précisions techniques, l'amélioration de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire constitue un objectif fondamental de la politique de santé menée par la ministre, Mme Marisol Touraine. Celle-ci a ainsi lancé dès 2012 le pacte « Territoire-santé », qui comporte douze engagements afin de lutter contre les déserts médicaux et qui vise à faire évoluer la formation et faciliter l'installation des jeunes médecins.

Sous l'effet de ces mesures, des médecins commencent déjà à s'installer dans les territoires manquant de professionnels : 400 médecins généralistes se sont installés ou vont le faire dans les prochains mois grâce aux contrats de praticiens territoriaux de médecine générale créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ; ces praticiens s'installent majoritairement en zone rurale et en exercice regroupé, au sein de cabinets de médecins ou de maisons de santé. D'autre part, plus de 880 étudiants ou internes ont opté, en 2014, pour le versement de la bourse prévue par les contrats d'engagement de service public en contrepartie de l'engagement à s'installer dans ce qu'on appelle un « désert médical », ce qui représente une augmentation de plus de 70 % par rapport à l'an passé. L'objectif des 1 500 contrats signés d'ici à 2017, prévu dans les engagements du pacte, sera atteint.

Bien sûr, cela suppose que l'on donne envie aux jeunes de s'installer en libéral. Il convient pour cela de développer le nombre de stages en médecine générale au cours des années d'étude ; les deux tiers des étudiants ont effectué un tel stage en 2014, contre 40 % en 2011.

Grâce à la politique volontariste menée au travers du pacte « Territoire-santé », l'attractivité des zones sous-dotées se verra renforcée : c'est ainsi que les difficultés rencontrées dans l'accès aux soins pourront être levées.

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Madame la secrétaire d’État, je le dis sous le contrôle de M. le président : les séances de questions orales sans débat ne sont pas destinées à exposer de grandes déclarations de politique générale, mais pour apporter des réponses sur des cas précis. Je vous ai posé une question précise, et vous m'avez répondu de manière générale. Que vais-je dire à ces milliers de patients ? La mise en place d'incitations à exercer en milieu rural, on connaît : ça fait quinze ans qu'on met en place ces incitations, quinze ans qu'on finance des maisons de santé en milieu rural, qu'on encourage les médecins à se regrouper.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Eh oui !

M. Luc Chatel. En l'occurrence, c'est le parcours de soins coordonné qui est concerné. Que vais-je dire à ces patients qui vont devoir débourser 300 ou 400 euros pour faire une radio parce qu'ils n'ont plus de médecin généraliste qui leur permette de respecter le parcours de soins coordonnés ? La politique, madame la secrétaire d’État, c'est aussi être capable de comprendre des situations particulières, et c'est y répondre, y compris par des dispositions dérogatoires.

Données clés

Auteur : M. Luc Chatel

Type de question : Question orale

Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 2015

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