Question orale n° 842 :
politiques communautaires

14e Législature

Question de : Mme Danielle Auroi
Puy-de-Dôme (3e circonscription) - Écologiste

Mme Danielle Auroi souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les quotas laitiers en zone de montagne.

Réponse en séance, et publiée le 4 février 2015

QUOTAS LAITIERS EN ZONE DE MONTAGNE
M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour exposer sa question, n°  842, relative aux quotas laitiers en zone de montagne.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, la date annoncée de la fin, prévue en avril 2015, des quotas laitiers en zone de montagne, approche à grands pas et les producteurs de lait craignent cette année une nouvelle crise laitière qui aurait de lourdes conséquences. Ma question est donc complémentaire de celle posée par notre collègue Philippe Baumel.

La situation économique des producteurs, en particulier dans les zones de production les plus fragiles, reste très difficile. Ma circonscription, située en moyenne montagne, en est un bon exemple.

L'avenir de nos filières laitières mais aussi fromagères bénéficiant d’une AOP – j'ai la chance d’avoir dans ma circonscription le Cantal, le Saint-Nectaire, la fourme d'Ambert et le bleu d'Auvergne –est directement menacé par la chute des cours, d'autant que des directives en cours d'élaboration risquent de renforcer des mesures vétérinaires parfois très tatillonnes.

L’année 2014 a en effet confirmé l’extrême volatilité du prix du lait, et la nécessité de prévoir les modalités de l’après-quotas, en particulier pour les petits producteurs en zones de montagne, où les écarts de salaire se creusent considérablement.

Avec des coûts de production supérieurs de 30 % à ceux des éleveurs de plaine spécialisés et un revenu bien inférieur – 18 500 euros dans un cas contre 32 800 dans l’autre –, les éleveurs en zone de montagne seront plus durement touchés encore par cette crise.

La production laitière y souffre en effet d'un déficit de compétitivité dû à un temps de collecte plus long et plus coûteux, d’exploitations plus petites et d’un coût de main-d'œuvre plus élevé. Dans ces zones, entre 3 % et 6 % des exploitations laitières disparaissent ainsi chaque année avec, en parallèle, une augmentation considérable de l'âge moyen des chefs d'exploitation en activité. Cette évolution est d'autant plus importante dans les territoires de montagne qui ne sont pas protégés par des appellations d'origine et qui représentent 70 % de la production.

Si aucune mesure alternative de régulation du marché n'est mise en place, beaucoup d'exploitations laitières, dans nos zones de montagne déjà en difficulté, seront ainsi vouées à disparaître en même temps que les quotas laitiers. Cela va à l'encontre de la volonté de mettre en place des circuits courts.

Aussi est-il urgent de garantir une production durable afin de préserver l'économie de nos filières fromagères et laitières et de soutenir, par là même, une agriculture paysanne de qualité, essentielle pour la vitalité de nos territoires ruraux ainsi que dans la lutte contre la désertification.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer les éleveurs laitiers de montagne sur l’engagement du ministère dans ce dossier ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, je porte, comme tous les députés de ces régions, l'enjeu de la production laitière en montagne, notamment dans la négociation de la politique agricole commune. Annoncée dans le discours du Président de la République à Cournon, la revalorisation de 15 % de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels vise justement à apporter une aide renforcée – soit, une fois que l'ensemble du dispositif sera mis en œuvre, plus de 1,1 milliard d'euros – à l'agriculture dans les zones difficiles. Il s'agit de zones souffrant de handicaps naturels, et la montagne, comme les zones de piémont, en fait partie.

Le lait, pour ces zones, est un enjeu. Au-delà de ce renforcement global des aides à l'hectare, et en particulier de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, nous avons ajouté, dans le cadre de la négociation, des aides couplées à la vache laitière. Ces aides couplées, qui valent pour tous les troupeaux laitiers, sont prévues jusqu'aux quarante premières vaches laitières.

Mais nous avons veillé à ce que, pour la montagne, une aide supplémentaire vienne doubler le montant total de cette aide. En effet, là où l'aide aux quarante premières vaches pour les troupeaux de plaine s'élève à 36 euros, l'aide pour les troupeaux en zones de montagne s'élèvera à 74 euros par vache pour les trente premières. Nous savons que les troupeaux sont plus petits, et nous avons donc doublé cette aide couplée, justement pour soutenir cette agriculture laitière de montagne à laquelle je tiens.

Nous y ajouterons, d'ailleurs, lorsqu'un jeune agriculteur s'installera dans ces zones pour produire du lait, une aide spécifique majorée de 15 euros pour chacune des vaches laitières supplémentaires. L'enjeu réside en effet, après les quotas, dans le maintien de cette production laitière en montagne.

Nous aurons également à mobiliser, au travers de FranceAgrimer, le programme d'innovation en agriculture, le PIA, afin de permettre des actions de promotion du lait de montagne, qui commencent à s'organiser. Le lait de montagne commence à se différencier : il s'agit d'un enjeu spécifique, car les consommateurs doivent savoir que du lait est produit en montagne et qu'il peut être acheté en tant que tel. L'enveloppe de 2,5 millions d'euros consacrée à cette promotion sera maintenue et prorogée, parce qu'elle constitue aussi une manière de favoriser une organisation commerciale qui permette – l'objectif reste toujours le même – de pérenniser le lait dans les zones de montagne. En effet, une fois qu'il sera parti – si un jour il part –, il ne reviendra pas.

Le véritable enjeu, et j'en terminerai par là, est que si nous ne disposons pas d'une politique commerciale de valorisation – c'est pour cela que le rôle de FranceAgrimer est important –, nous courons le risque non seulement de perdre nos troupeaux laitiers mais de perdre les laiteries qui assurent la transformation du lait. Et quand vous ne disposez pas de fromages bénéficiant d'une IGP ou d'une AOP telles que celles que vous avez citées, madame la députée, et qui sont magnifiques, il existe un risque de voir, comme cela a parfois été le cas, des laiteries s'en aller et ne plus investir. L'enjeu réside également là. Soutenir la production nécessite qu'en aval, en termes d'organisation et de stratégie commerciale, une valorisation du « produit en montagne » soit menée à bien. À défaut, nous perdrions des outils industriels et nous connaîtrions, par la suite, de grandes difficultés à pérenniser la production laitière, même si, vous l'avez vu, nous avons bien anticipé cette évolution.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi.

Mme Danielle Auroi. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse très claire et très précise, qui va permettre de rassurer effectivement nos éleveurs de montagne. Je me permets de dire que l'élevage de montagne illustre les difficultés de la montagne et de l'agriculture en montagne en général.

De ce point de vue-là, vous savez, comme vous nous soutenez, que cela nous permettra, sur d'autres dossiers qui concernent aussi la montagne, d'être particulièrement efficients.

Données clés

Auteur : Mme Danielle Auroi

Type de question : Question orale

Rubrique : Élevage

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 2015

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