14ème législature

Question N° 84396
de M. Éric Ciotti (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > ordre public

Tête d'analyse > terrorisme

Analyse > filières djihadistes. surveillance. commission d'enquête. rapport.

Question publiée au JO le : 07/07/2015 page : 5141
Réponse publiée au JO le : 10/05/2016 page : 4060
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de signalement: 29/09/2015

Texte de la question

M. Éric Ciotti attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la proposition du rapport de la commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes visant à améliorer la détection de la radicalisation en milieu carcéral, en prévoyant : d'adapter la grille nationale de détection des comportements radicaux élaborée par le bureau du renseignement pénitentiaire aux nouvelles formes de radicalisation ; de former les personnels de surveillance et l'ensemble des partenaires intervenant en milieu carcéral à la connaissance des phénomènes de radicalisation ; d'inclure la radicalisation dans les éléments relatifs à la dangerosité et à la vulnérabilité des personnes détenues, recherchés dès la phase d'accueil dans les quartiers arrivants et adapter la composition des commissions pluridisciplinaires uniques chargées de cet examen ; d'utiliser l'évaluation du degré de radicalisation des détenus pour guider les choix en matière en matière de gestion de la détention et de prise en charge de ces détenus. Il lui demande son avis sur cette proposition.

Texte de la réponse

Le phénomène du prosélytisme a été pris en compte par la direction de l'administration pénitentiaire dès 2003, avec l'établissement d'un état des lieux national sur le prosélytisme islamiste ainsi que par la mise en œuvre d'une codification selon 3 niveaux d'alerte et des remontées mensuelles de signalements des établissements.  Par la suite, un outil de détection des phénomènes de radicalisation a été mis en place dès 2010, en transposant notamment un guide européen des bonnes pratiques, de manière à instaurer un suivi statistique trimestriel (quantifier le phénomène politique et religieux et identifier les structures pénitentiaires les plus affectées).  La mise en place d'une première unité spécialisée à la maison d'arrêt de Fresnes a amené les services pénitentiaires à actualiser cette première grille en 2014, utilisée pour l'instant dans les établissements pénitentiaires du ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris. Depuis, une des missions confiées à l'Association française des Victimes du Terrorisme dans le cadre de la première recherche-action sur la prise en charge des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation consiste précisément à actualiser et parfaire cet outil opérationnel de détection mis à disposition des personnels pénitentiaires.  Au-delà d'une grille uniquement destinée à la détection, cet outil a vocation à évaluer les différents profils des personnes détenues concernées afin de proposer la prise en charge la plus adaptée.  Par ailleurs, la question de la formation des personnels est essentielle. Ainsi, s'agissant de la formation initiale, différents modules sont d'ores et déjà intégrés dans le parcours de formation de l'ensemble des corps constituant le personnel pénitentiaire. Les élèves surveillants notamment suivent une formation initiale de 8 mois avant leur affectation au cours de laquelle ils sont formés à détecter la dangerosité des personnes placées sous leur responsabilité ainsi qu'à mettre en œuvre toutes les procédures de sécurité correspondantes.  Concernant la formation continue, en plus des actions de formation déjà en cours au niveau régional, et de celles dispensées notamment par le Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance dont bénéficient les personnels pénitentiaires, une action de sensibilisation à l'attention de l'ensemble des surveillants, premiers surveillants et conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (milieu ouvert et milieu fermé) des 27 établissements accueillant des personnes détenues sensibles, est dispensée. Cette sensibilisation est effectuée par un binôme formateur dont un délégué local au renseignement pénitentiaire.  Une formation plus approfondie à destination des cadres (premiers surveillants, officiers, directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, directeurs des services pénitentiaires) d'une durée de 2 jours est dispensée, s'inspirant notamment des formations et des partenariats déjà existants.  Par ailleurs, les agents affectés en unités dédiées ont bénéficié, en amont de l'ouverture de ces unités, d'une formation d'adaptation lors de leur prise de fonctions.  La création des unités dédiées constitue l'une des principales mesures de la partie pénitentiaire du plan de lutte contre le terrorisme. Cinq unités dédiées sont désormais opérationnelles. Pour des raisons tenant à l'architecture, la géographie, la capacité des sites à mettre en œuvre rapidement le dispositif, les implantations suivantes ont été retenues, en complément de l'unité mise en œuvre à la maison d'arrêt de Fresnes fin 2014 : deux unités à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, une à la maison d'arrêt d'Osny et une au centre pénitentiaire d'Annœullin, près de Lille.  L'affectation en unité dédiée est réservée aux hommes détenus majeurs, en raison de l'implantation de ces unités dans des établissements ou des quartiers d'hébergement n'accueillant qu'une population pénale masculine. Cette affectation permet d'assurer un encellulement individuel. La mise en œuvre de telles unités répond à la nécessité de proposer une prise en charge adaptée des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation, tout en veillant au respect du bon ordre au sein des établissements pénitentiaires concernés.  Deux unités sont consacrées à l'évaluation des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation. L'une d'elle, implantée à la maison d'arrêt de Fresnes, bénéficie de la proximité du centre national d'évaluation. La gestion des interdictions de communiquer, nombreuses dans les dossiers d'association de malfaiteurs a conduit à la création d'une seconde unité d'évaluation à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. À la suite de l'évaluation ainsi réalisée et en fonction de leur profil, les personnes détenues peuvent être intégrées à un programme de prise en charge et alors affectées dans l'une des trois autres unités dédiées implantées dans la maison d'arrêt d'Osny ou de Fleury-Mérogis, ou au centre pénitentiaire de Lille Annœullin.  Chaque unité propose des modes de prise en charge différents liés au profil des personnes. Par ailleurs, le personnel y est dédié (ce qui est rendu possible par les renforcements permis par le plan de lutte contre le terrorisme) et spécialement formé.  Enfin, le dispositif des unités dédiées n'est pas exclusif d'une prise en charge adaptée des détenus radicalisés dans tout établissement pénitentiaire.  La prise en charge des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation ne saurait être assurée exclusivement en unités dédiées, qui restent, à ce jour, un dispositif expérimental. Aussi la direction de l'administration pénitentiaire s'attache à formaliser un cadre commun d'organisation de leur gestion dans tout établissement pénitentiaire. Il s'agit de définir un ensemble d'outils, s'appuyant autant que possible sur le savoir-faire, les procédures et pratiques professionnelles existantes, en matière de gestion et de prise en charge des personnes détenues radicalisées ou en voie de l'être.  Ainsi, s'agissant d'une personne détenue dangereuse, dont il importe de limiter l'influence sur le reste de la population pénale et de prévenir les risques de troubles en détention, seront privilégiées les mesures suivantes : prises en charges individuelles, placement au quartier d'isolement, affectation en maisons centrales, affectation en secteurs brouillés, propositions d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés.  L'ensemble des établissements pénitentiaires concourent donc à la prévention ainsi qu'à la lutte contre la radicalisation violente en milieu carcéral.