14ème législature

Question N° 85055
de M. Pierre Morel-A-L'Huissier (Les Républicains - Lozère )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > ordre public

Tête d'analyse > terrorisme

Analyse > djihad. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 14/07/2015 page : 5361
Réponse publiée au JO le : 15/11/2016 page : 9431
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de renouvellement: 02/08/2016

Texte de la question

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le djihadisme. Un rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes préconise de permettre une évaluation par le Centre national d'évaluation de l'ensemble des détenus susceptibles d'être radicalisés. Il souhaiterait connaître son avis sur le sujet.

Texte de la réponse

Créé le 15 août 1950, le centre national d'évaluation est une entité spécifique au sein de l'administration pénitentiaire. Au cours de ces dernières années, il a connu d'importants changements en raison d'interventions législatives successives. Le centre national d'évaluation procède aujourd'hui à deux types d'évaluations : la personnalité et la dangerosité.  L'objectif de l'évaluation de la personnalité vise à proposer une affectation en établissement pour peines adaptée à la personnalité des personnes condamnées et formuler les préconisations de prise en charge dans le cadre de l'élaboration de leur parcours d'exécution de peine. Celui de l'évaluation de la dangerosité vise à déterminer l'existence ou la persistance d'une dangerosité éventuelle chez les personnes condamnées dans le cadre de l'examen d'une demande d'aménagement de peine ou d'une mesure de sûreté.  Dans son rapport no 388 déposé le 1er avril 2015, la commission d'enquête parlementaire sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe a préconisé une « évaluation par le centre national d'évaluation de l'ensemble des détenus susceptibles d'être radicalisés » (proposition no 96).  En premier lieu, il convient de préciser que le centre national d'évaluation est un service spécialisé dans l'évaluation des personnes condamnées à des fins d'orientation. Or, les personnes écrouées pour des faits de nature terroriste liés à l'islam radical sont pour les trois-quarts d'entre elles des personnes prévenues. La durée de leur détention n'est pas connue et est susceptible d'évolution fondamentale à chaque instant. Dans le même esprit, les « personnes détenues susceptibles d'être radicalisées » n'exécutent pas nécessairement de longues peines. Elles sont réparties dans tous les établissements du territoire, tant en maison centrale et en centre de détention qu'en maison d'arrêt.  L'utilisation du CNE en l'état reviendrait à le détourner de ces missions principales utiles à l'ensemble du monde pénitentiaire. Néanmoins, consciente des besoins en ce domaine, des enjeux pour notre société et du rôle qui doit être le sien, l'administration pénitentiaire a spécialisé deux unités de prise en charge (Fleury-Mérogis et Fresnes) dans l'évaluation de ces profils de personnes détenues pour des faits de terrorisme, ainsi que de celles radicalisées ou susceptibles de l'être. Des outils d'évaluation, et non plus de détection, ont donc été créés de manière ad hoc pour le fonctionnement des unités d'évaluation implantées dans les maisons d'arrêt de Fresnes et de Fleury-Mérogis. Cette évaluation, également pluridisciplinaire (surveillants, encadrement de la détention, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, éducateurs, psychologues) et d'une durée de 6 à 8 semaines, est destinée à mesurer le niveau de la radicalité, de l'imprégnation religieuse et le risque de passage à l'acte violent fondé sur un motif religieux. Cette évaluation a notamment pour objectif d'orienter les personnes détenues radicalisées ou susceptibles de l'être vers l'une des trois autres unités réservées à la prise en charge (implantées dans les maisons d'arrêt d'Osny et de Fleury-Mérogis ainsi qu'au centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin), vers un retour en détention ordinaire ou, le cas échéant pour les plus dangereux, vers un placement sous le régime de l'isolement. En outre, une grille de détection existe depuis 2005 et fait l'objet d'un travail d'actualisation et de définition d'une méthodologie d'utilisation par les différents acteurs de la détention. Sur la base des conclusions rendues récemment ainsi que sur des travaux français (référentiel des indicateurs de basculement dans la radicalisation du secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance de septembre 2015, signalements réalisés à l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste via la plate-forme téléphonique) et internationaux (notamment ceux d'Elaine Pressman), les services de l'administration pénitentiaire ont actualisé ces premiers outils. De fait, trois nouvelles grilles ont ainsi été élaborées, à destination des surveillants, de l'encadrement de la détention et du service pénitentiaire d'insertion et de probation. Avant un déploiement national fin 2016 des outils et de cette méthodologie, une expérimentation est en cours dans une trentaine d'établissements pénitentiaires. En substance, un dispositif a été structuré pour procéder à la détection et à l'évaluation de ces individus, rejoignant ainsi des préconisations parlementaires. Ce dispositif fait l'objet d'une évaluation qui permettra de signaler les marges d'améliorations et les capacités de progression.