14ème législature

Question N° 85646
de Mme Marietta Karamanli (Socialiste, républicain et citoyen - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > prix

Analyse > mesures de soutien. perspectives.

Question publiée au JO le : 28/07/2015 page : 5668
Réponse publiée au JO le : 01/09/2015 page : 6664

Texte de la question

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la situation des exploitants agricoles qui connaissent, pour un grand nombre, des difficultés liées entre autres à la concurrence de produits importés de pays où les réglementations sociales et environnementales sont moins exigeantes ; aux évolutions contrastées des productions au niveau mondial et aux anticipations à la hausse ou à la baisse de marchés qui achètent et vendent très vite pour maintenir une plus-value financière ; à une baisse des prix d'achat par la grande distribution. Le prix payé aux exploitants est en décalage avec les coûts de production compte tenu de l'augmentation continue des charges et de la nécessité d'inclure dedans une juste rémunération du travail de l'exploitant et le remboursement des investissements qu'il supporte. Parallèlement les prix des produits agricoles à la consommation continuent d'augmenter sensiblement. Concernant la fluctuation des cours au niveau mondial, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour assurer des prix d'achat qui assurent une juste rémunération des exploitants. Elle lui demande si des contrats de garantie de productions assurant sur plusieurs années l'achat de matières premières agricoles à un prix fixe convenu ou variant de façon encadré pourraient aider, d'une part, les industriels qui auraient moins à se couvrir pour acheter des matières premières et, d'autre part, les producteurs qui auraient de meilleurs prix de vente. En matière de concurrence elle lui demande de faire un point des négociations européennes et internationales en vue de réguler les marchés et limiter les distorsions. Concernant le décalage entre les prix payés aux exploitants et les prix d'achat des produits par les consommateurs, elle lui demande ce qu'il pense de l'instauration d'un prélèvement solidaire sur les marges bénéficiaires de la distribution pour réaliser l'objectif d'une juste rémunération.

Texte de la réponse

Les relations commerciales au sein de la filière alimentaire sont marquées par des tensions récurrentes entre les acteurs. La forte volatilité des prix des matières premières agricoles associées à une faible croissance mettent en danger l'équilibre économique des filières et diminuent leur capacité à investir dans l'outil de production. Ces éléments jouent également un rôle négatif sur l'emploi pour l'ensemble des maillons de la filière alimentaire. Ainsi, l'amélioration des relations entre tous les acteurs de la filière est un enjeu stratégique pour l'avenir, sur lequel le Gouvernement est pleinement mobilisé. L'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a été créé pour permettre aux pouvoirs publics et aux acteurs de la filière d'avoir accès à une information documentée, objective et partagée sur l'évolution des prix et des marges dans les filières agroalimentaires, de la production agricole jusqu'au commerce de détail. Ses travaux associant les différents acteurs des filières agroalimentaires, permettent un dialogue régulier et constructif entre les différents maillons de la chaîne alimentaire. Le rapport remis en 2015 par l'observatoire au Parlement met en lumière le fait que après une année 2013 marquée par la poursuite de la hausse globale des prix agricole, l'année 2014 se caractérise par une baisse relative des prix. Elle est plus marquée pour les produits agricoles (-5 %) que pour les produits alimentaires sortie industrie (-1,6 %) et à la consommation (-0,7 %). Ceci s'explique en partie par le fait que la création de valeur ajoutée fait diminuer la part de la matière première dans la valeur du produit, d'où une transmission amortie vers l'aval des variations de prix. La question du prix de vente aux consommateurs revient régulièrement dans la filière alimentaire où les relations commerciales sont marquées par des tensions récurrentes entre les acteurs. La « guerre des prix » que se livrent les enseignes de la grande distribution pour proposer les prix les plus bas aux consommateurs met en danger l'équilibre économique des filières et ses emplois tout en diminuant leur capacité à investir dans l'outil de production. La grande distribution s'est engagée à appliquer une hausse des prix pour certains produits, les industriels se sont engagés à répercuter ces hausses aux prix payés aux éleveurs, et la mobilisation de tous les acteurs de la restauration commerciale hors-foyer se poursuit. Cette revalorisation des prix au producteur est indispensable à la résolution de la crise. Le travail est engagé, le suivi des évolutions de prix et des comportements des différents acteurs est continu, notamment grâce à la mobilisation du médiateur des relations commerciales agricoles. Dans ce cadre, il est également indispensable que la grande distribution, la transformation, et toute la restauration commerciale hors domicile utilisent au maximum et mettent en valeur au mieux l'origine française des produits qu'ils vendent ou servent. L'amélioration des relations commerciales au sein des filières agroalimentaires est une préoccupation constante du Gouvernement. Les différentes lois adoptées récemment, comme la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, (loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014) et la loi relative à la consommation (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014) visent notamment à garantir un meilleur équilibre dans les relations commerciales en remédiant au rapport de force déséquilibré observé entre certains partenaires commerciaux et ayant conduit à des pratiques commerciales déloyales. La clause de renégociation a ainsi été mise en place et doit permettre une meilleure prise en compte par l'ensemble de la filière des fluctuations des prix des matières premières agricoles et agroalimentaires. Elles visent aussi à favoriser un règlement à l'amiable des litiges. De plus, le Gouvernement a encadré par arrêté du 10 juin les opérations promotionnelles pour la vente de viande porcine fraîche. S'agissant de la question de l'origine des produits, des instructions ont été transmises aux services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin de renforcer les contrôles sur l'étiquetage de l'origine des produits. D'autre part, les logos de la démarche « viande de France » et « lait collecté et conditionné en France », initiés par les professionnels, sont de nature à donner une information fiable pour le consommateur sur l'origine des produits et il importe que tous les acteurs s'engagent dans cette démarche et la mettent davantage en avant. Enfin, l'État mettra en oeuvre dans tous ses établissements les recommandations du guide juridique pour favoriser l'approvisionnement local établi par le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en décembre 2014, et il mobilisera les collectivités pour mettre en oeuvre ces préconisations. Augmenter la part des produits locaux dans les cantines gérées par l'État et les collectivités, dans le strict respect des règles des marchés publics qui ont été améliorées en 2011, en 2014, puis de nouveau en 2015 avec la dernière modification adoptée en conseil des ministres du 22 juillet 2015, c'est possible et plus que jamais souhaitable. Cela permet de répondre à une demande des consommateurs, d'améliorer et de sécuriser des débouchés supplémentaires à nos agriculteurs dans les territoires, et oblige également les acteurs de l'amont et de l'aval à s'organiser ensemble autour de projets partagés. En outre, l'exportation sera encore encouragée et une meilleure valorisation sur les marchés export, indispensable compte-tenu du poids qu'ils représentent dans les débouchés français, sera recherchée. À ce titre, le Gouvernement est mobilisé pour soutenir les démarches des professionnels dans tous les pays identifiés comme marchés prioritaires. Des initiatives sont prises en direction des grands pays émergents, en particulier en Asie, pour promouvoir nos produits. La constitution d'une plate-forme commerciale commune export se poursuit, afin que l'ensemble des acteurs s'organisent davantage pour adapter l'offre française en viandes et ainsi répondre au mieux à la demande extérieure. Par ailleurs, 10 M€ supplémentaires sont mis à disposition des professionnels, via FranceAgriMer, pour mettre en place des mesures de promotion, notamment sur les marchés extérieurs. S'agissant des actions communautaires en lien avec les pratiques commerciales, une décision de la Commission européenne du 1er juin 2015 a institué le forum à haut niveau sur l'amélioration du fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Il s'agit de permettre de poursuivre le dialogue constructif entre les parties prenantes publiques et privées européennes sur différents sujets tels que la compétitivité et les petites et moyennes entreprises, les pratiques commerciales entre entreprises et les prix. Enfin, dans ce contexte, le ministre a alerté la Commission européenne, ainsi que ses homologues dans les autres États membres, sur la crise que traversent actuellement les filières d'élevage, et a obtenu la tenue d'un Conseil agriculture exceptionnel le 7 septembre. Le ministre en charge de l'agriculture reste pleinement mobilisé pour obtenir la mise en oeuvre de mesures complémentaires au niveau européen, en particulier sur le lait et la viande de porc, car les éleveurs français ne sont pas isolés en Europe dans les difficultés qu'ils rencontrent aujourd'hui.