Question de : M. Frédéric Lefebvre
Français établis hors de France (1re circonscription) - Les Républicains

M. Frédéric Lefebvre attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les conclusions du rapport de la mission d'information de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les circuits courts. Selon l'auteure de ce rapport, la souveraineté alimentaire a été inscrite dans le droit français grâce à la loi du 13 octobre 2014 d'avenir de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt. Cette loi dispose en particulier que l'ancrage territorial de la production est l'un des objectifs de la politique agricole et alimentaire. La mission d'information souligne que l'enjeu de la relocalisation de l'alimentation est de mettre en place les conditions du développement des territoires grâce à une large mobilisation de l'action publique autour de l'alimentation, ce qui permettrait de faire émerger un véritable maillage en exploitations agricoles et des outils de transformation du territoire destinés aux produits locaux. Ce rapport suggère d'infléchir la PAC, et de la renommer politique agricole et alimentaire commune. Il lui demande de lui préciser son opinion à ce sujet.

Réponse publiée le 17 novembre 2015

Défendre une politique agricole commune (PAC) replaçant l'enjeu alimentaire au coeur des préoccupations est une ambition partagée par l'ensemble des États membres de l'Union européenne (UE). Un des objectifs de la PAC est d'aider les communautés agricoles qui fournissent aux européens des denrées alimentaires variées et de qualité, produites de façon durable, dans le respect des engagements pris par l'UE en matière d'environnement, de qualité de l'eau, de santé et de respect du bien-être des animaux, de santé des végétaux et de santé publique. Un des autres objectifs de la PAC et de la politique de développement rural de l'UE (2e pilier) est de chercher à maintenir et à développer l'emploi. La PAC, à travers certaines dispositions, permet de soutenir les emplois notamment via le soutien aux exploitations de taille petite et moyenne, qui concentrent plus d'emplois que les grandes exploitations (les exploitations en circuits courts et de proximité sont en général plus petites en termes de surface agricole utile). La majoration des aides directes sur les premiers hectares de toutes les exploitations, en favorisant les exploitations de taille moyenne, plus intensives en emploi, permettra une redistribution des aides en faveur des exploitations qui emploient le plus de main d'oeuvre. C'est un instrument nouveau, introduit à la demande du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui permet aussi une mise en oeuvre réelle et tangible du principe de dégressivité des aides. La possibilité de maintenir des systèmes d'aides couplées est indispensable pour soutenir de façon ciblée des productions vulnérables, parmi lesquelles l'élevage, qui représente pour les petites et moyennes exploitations, des exploitations riches en emplois. Le taux a été porté à 13 % des aides directes contre 10 % auparavant. La formation joue un rôle essentiel dans le développement de l'ancrage territorial des productions. Cette approche est abordée dans les référentiels des diplômes professionnels du secteur de la production : les baccalauréats professionnels du secteur de la production agricole notamment la spécialité « conduite et gestion de l'exploitation agricole » et les brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) « analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole » (ACSE), « développement de l'agriculture des régions chaudes » (DARC), « agronomie productions végétales », « productions animales », « production horticole » et « viticulture-oenologie ». Elle est traitée dans le cadre de la valorisation des produits qui aborde les différents modes de commercialisation et la production sous signe de qualité, les labels existants, et plus globalement l'approche qualité de la production dans son contexte local. Par ailleurs, dans les référentiels de BTSA, particulièrement celui du BTSA-ACSE, l'entreprise agricole est systématiquement replacée dans le contexte territorial et les productions sont envisagées dans le cadre de leur bassin de production. Cette approche territoriale fait généralement l'objet d'un module interdisciplinaire (sciences économiques et de gestion, agronomie, parfois géographie et histoire) centré sur les notions de « marché, filières et territoires ». L'introduction de l'agro-écologie dans les référentiels de diplôme, constituant l'axe 1 du plan « enseigner à produire autrement », vient confirmer et renforcer cette approche. Cette démarche touche aussi la rénovation du certificat d'aptitude professionnelle agricole (CAPA) en cours, effective à la rentrée 2015 et qui élargit l'entrée commercialisation sur des modalités territorialisées. La rénovation des référentiels des BTSA-ACSE et DARC, à la rentrée 2014, a ainsi permis de développer la dimension liée à la diversité des formes de production et de mise en marché. Le module M55 « entreprise agricole, produits agricoles et marchés » aborde directement la question des circuits courts, de la vente directe ou des services aux collectivités locales. Le manque de références globales sur les fermes en circuits courts et de proximité est effectivement pointé comme un frein à l'installation en circuits courts et au développement de ce mode de commercialisation. C'est pourquoi le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (MAAF) a commandité, auprès de l'institut national de la recherche agronomique, une étude sur les référentiels dans le domaine des circuits courts et de proximité. Cette étude a été complétée par un travail piloté par le centre ressource du développement durable et financée par le compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (http ://www. centre-diversification. fr/dossier-circuit-court/p/3/478/0/). L'enjeu de cette étude qui a porté sur six familles de produits (viande ovine, bovine, volailles, porcs, produits bovins laitiers, et légumes et petits fruits) a été de décliner les différentes dimensions de durabilité en jeu dans les exploitations, et d'élaborer un référentiel pour évaluer leur performance économique, sociale et environnementale. Ce travail a montré l'interdépendance de la dimension économique, sociale et environnementale, ainsi que la complexité des circuits courts en raison de la diversité des profils et des trajectoires, des systèmes et des situations, des modèles stratégiques adoptés par les exploitants au sein de leur filière. Ces résultats ont ouvert la voie à d'autres projets et travaux de recherche qui sont venus enrichir les connaissances et proposer des corpus de référentiels, utiles à l'ensemble des acteurs des circuits courts (agriculteurs, porteurs de projets ainsi que les organismes qui les accompagnent). Le MAAF soutient par ailleurs les espaces-tests qui sont une solution pour favoriser l'installation en circuit courts et de proximité. La production fermière constitue l'une des composantes du développement des circuits courts et de proximité, mais la définition des produits fermiers soulève de nombreux débats entre les professionnels, qui attestent de la nécessité de prendre en considération les spécificités de chaque secteur. Dès 2009, le Gouvernement a pris des dispositions réglementaires visant à définir le qualificatif « fermier » ou les mentions « produit de la ferme » ou « produit à la ferme » concernant notamment les produits laitiers et les oeufs. Ces dispositions ont été contestées auprès du Conseil d'État. Sur la base des éléments issus des jurisprudences du Conseil d'État, le Gouvernement a précisé les conditions à remplir par les professionnels pour utiliser ces mentions valorisantes. Dans le secteur des oeufs, un décret a été publié au Journal officiel de la République française le 21 août 2015. Dans le secteur des produits laitiers, une réflexion est en cours pour que la définition tienne compte des pratiques d'affinage hors de l'exploitation, qui doivent respecter les conditions afférentes à la responsabilité du producteur et à l'absence de techniques de production à caractère industriel. Fort des conseils juridiques qui lui sont prodigués, le Gouvernement entend poursuivre ainsi l'élaboration des conditions relatives à l'utilisation du qualificatif « fermier » ou des mentions « produit de la ferme » ou « produit à la ferme » en tenant compte des particularités de chaque secteur. Le développement de carreaux de producteurs est l'un des moyens de soutenir la mise en place de circuits de proximité. Les productions locales, notamment dans les filières agricoles et agroalimentaires, souffrent souvent d'un manque de notoriété et visibilité, en raison de la dispersion des lieux de production et du manque de relais de distribution. La mise en place de carreaux de producteurs dans les places de marché très fréquentées que sont les marchés d'intérêt nationaux (MIN) représente un moyen pour les producteurs locaux d'accéder à une clientèle large, constituée notamment de commerçants en marché de plein vent et de restaurateurs, en un seul lieu de vente donc sans avoir à démultiplier les transports de marchandises. Beaucoup de MIN, notamment à Rungis, Agen ou Toulouse, ont mis en place des carreaux de producteurs, ainsi que des marchés de gros comme à Lyon Corbas. Ces démarches se développent et sont pleinement soutenues. Afin d'encourager et d'accompagner la recherche participative pour la conservation des semences de variétés locales et pour les préparations naturelles permettant aux plantes d'être plus résistantes aux risques sanitaires, le ministère en charge de l'agriculture pilote depuis 2011 le plan « semences et agriculture durable ». Ce plan vise notamment deux objectifs majeurs : orienter le progrès génétique vers des variétés adaptées permettant de répondre à la réduction des intrants, et conserver et diffuser les ressources phytogénétiques. Concrètement, afin de renforcer la résistance des plantes, des critères de résistances des variétés aux bioagresseurs sont désormais pris en compte dans l'évaluation. Certaines variétés sont par ailleurs spécialement évaluées en agriculture biologique. Concernant la conservation des ressources phytogénétiques, les acteurs gestionnaires de la conservation du patrimoine végétal français sont multiples et doivent être coordonnés et soutenus. Le MAAF met donc en place une structure de coordination nationale des gestionnaires de ressources génétiques. Les gestionnaires conservant sur le terrain des variétés locales auront pleinement leur place dans ce dispositif. Quant aux produits à bas prix dits de dégagement, aujourd'hui, les leviers réglementaires pour encadrer l'introduction de ces produits dans les Outre-Mer sont peu nombreux voire inexistants. La réponse actuelle repose principalement sur des mesures de soutien à la structuration d'interprofessions associant producteurs, transformateurs et distributeurs susceptibles de faciliter une meilleure régulation des filières. Néanmoins, en matière fiscale, les Outre-Mer disposent de l'octroi de mer qui permet de protéger la production locale de la concurrence extérieure. La liste des produits bénéficiant d'une taxation spécifique est établie par chaque collectivité, et des mesures fiscales sur les produits carnés peuvent donc déjà être prises localement dans ce cadre. Pour permettre une rémunération satisfaisante du métier d'agriculteur tout en garantissant un développement cohérent de l'agriculture notamment biologique et un prix accessible aux consommateurs, il y a nécessité de trouver un équilibre entre des prix qui ne soient ni déconnectés des réalités des exploitants, dont celles en agriculture biologique, ni de celles des marchés. Cet équilibre passe par la connaissance des composantes des prix de revient de toutes les parties prenantes des filières et par une concertation volontaire et active entre celles-ci, sans oublier les soutiens publics accordés aux agriculteurs, et notamment ceux qui visent à compenser les surcoûts engendrés par un mode d'agriculture biologique ou par des systèmes de production agro-écologique, qui ont été augmentés par le Gouvernement. Des formations existent sur l'accompagnement des producteurs dans la définition de leur prix. Une méthodologie a été élaborée à cet effet. Elle met l'homme au coeur de la construction des prix et cherche à favoriser l'autonomie et l'indépendance des agriculteurs au travers d'une bonne maîtrise de leur prix. Ces outils de gestion permettent d'identifier les marges de manoeuvre pour améliorer l'efficacité technique et économique tout en tenant compte de l'efficacité environnementale et sociale. S'agissant du soutien à l'introduction de produits locaux et de qualité dans les cantines, de nombreuses possibilités d'aides existent. Elles ont été recensées dans un guide diffusé par le MAAF le 21 octobre 2015. Il s'agit dans tous les cas de soutiens de projets comme par exemple la formation du personnel pour lui permettre de choisir les produits et la formule adaptée à l'offre de produits et aux attentes des convives ou des actions pédagogiques et une communication adaptée. Les différents fonds européens peuvent être sollicités pour venir en contre-partie des financements locaux.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Lefebvre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 1er septembre 2015
Réponse publiée le 17 novembre 2015

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