Question de : Mme Marie-Hélène Fabre
Aude (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Marie-Hélène Fabre attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le projet de loi en cours d'élaboration « relatif à la responsabilité environnementale » dont l'objet principal est l'inscription de la notion de « préjudice écologique » dans le code civil. Elle lui rappelle que ce texte prévoit une responsabilité objective, susceptible d'être engagée même en l'absence de faute : toute personne qui cause un dommage à l'environnement serait tenue de le réparer. Elle constate que ce passage d'un régime de responsabilité pour faute - initialement envisagé - à « un régime de responsabilité sans faute » suscite l'inquiétude des professionnels agricoles. En effet, elle craint qu'un exploitant qui aurait respecté les dispositions législatives et réglementaires en vigueur puisse voir sa responsabilité engagée et être condamné à réparer une atteinte à l'environnement, indépendamment des dommages matériels et moraux causés. Elle s'inquiète en outre que cette réparation du dommage s'effectue de préférence en nature, pour faciliter la remise en état du milieu détérioré. À défaut, « lorsque la réparation en nature ne suffit pas à supprimer ou compenser le dommage, le juge condamne le responsable à payer au demandeur des dommages et intérêts qui sont nécessairement affectés à la protection de l'environnement. Subsidiairement, ces dommages et intérêts sont alloués au fonds de réparation environnementale, à défaut à l'État, à des fins exclusives de réparation environnementale ». Elle regrette que ces dispositions ne créent une situation d'insécurité juridique permanente, source potentielle de nombreux litiges pour les exploitants agricoles dans une période où leur équilibre économique reste précaire. Aussi elle souhaiterait connaître son sentiment sur cette question.

Réponse publiée le 18 octobre 2016

La notion de « préjudice écologique » a été implicitement reconnue en droit français par la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui en a consacré le caractère réparable à l'occasion de l'arrêt no 3439 du 25 septembre 2012 dans l'affaire dite « de l'Erika ». A la suite de cet arrêt novateur, l'adoption d'un texte législatif est apparue nécessaire à la majorité des spécialistes du droit de l'environnement afin de clarifier cette nouvelle catégorie de préjudice et préciser les modalités de sa réparation. Le Sénat a ainsi adopté, le 17 avril 2013, la proposition de loi no 546 rectifié bis visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil. Prenant acte de cette volonté manifestée par le législateur, la prédécesseure du garde des sceaux, ministre de la justice, a installé un groupe de travail afin de formuler des propositions pour définir précisément la notion de préjudice écologique et le régime de réparation dont il devrait relever. Ce groupe de travail, présidé par le Professeur Yves Jégouzo, était composé d'universitaires et de praticiens (magistrats et avocats) spécialisés en droit de l'environnement, ainsi que de représentants des ministères intéressés. Le rapport, remis le 17 septembre 2013, a donné lieu à une large concertation, tant avec les acteurs du monde économique que ceux de la protection de l'environnement. Le 26 janvier 2016, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui contenait à son article 2 un régime de responsabilité environnementale issu d'un amendement déposé par Messieurs les sénateurs Bignon et Retailleau. Le texte définitivement adopté à l'article 4 de la loi no 2016-1087 du 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages inscrit la notion de préjudice écologique dans le droit positif, en affirmant son caractère réparable et en précisant les modalités de sa réparation, sans prévoir en revanche des conditions d'engagement de la responsabilité dérogatoires au droit commun.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Hélène Fabre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 8 septembre 2015
Réponse publiée le 18 octobre 2016

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