14ème législature

Question N° 88033
de M. Jean-Jacques Candelier (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > produits alimentaires

Analyse > circuits courts. mission d'information. rapport. préconisations.

Question publiée au JO le : 15/09/2015 page : 6939
Réponse publiée au JO le : 17/11/2015 page : 8356
Date de changement d'attribution: 29/09/2015

Texte de la question

M. Jean-Jacques Candelier interroge M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les suites qui seront données aux propositions formulées dans le rapport d'information enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 7 juillet 2015, relatif aux circuits courts et à la relocalisation des filières agricoles et alimentaires. Il lui demande si des suites seront données à la proposition n° 23.

Texte de la réponse

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a fait de l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, l'une des finalités de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation. La relocalisation de l'alimentation présente de nombreux atouts face aux importants défis alimentaires, sociaux et environnementaux actuels. Il convient donc de la soutenir, de l'accompagner pour l'aider à valoriser ses atouts et développer son potentiel. Pour aider à l'émergence de projets alimentaires territoriaux, le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (MAAF) met régulièrement en place des appels à projets nationaux dont l'objectif est de soutenir et mettre en lumière des projets innovants, d'envergure et dé-multipliables, s'inscrivant dans les quatre priorités de la politique de l'alimentation (justice sociale et amélioration de l'offre alimentaire pour tous, éducation à l'alimentation, lutte contre le gaspillage alimentaire, ancrage territorial). Pour 2015, l'accent est mis pour la sélection des projets, sur la thématique de l'ancrage territorial de la production, via notamment des projets alimentaires territoriaux et l'approvisionnement local en restauration collective. Le MAAF fait ainsi le choix d'accompagner les collectivités en mettant en avant des repères et outils généraux pour construire et piloter leur projet tout en leur laissant toute latitude pour définir les formes d'organisation les plus adaptées à leur contexte local. De plus, conscient de l'importance de soutenir les initiatives locales dans les régions, les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) accompagnent en régions des porteurs de projets qui répondent aux attentes du programme national pour l'alimentation (PNA), tant en termes financiers qu'en termes d'appui pour l'ingénierie à travers des appels à projets régionaux. Les informations essentielles à la construction et l'essaimage de projets alimentaires territoriaux seront disponibles sur le site du MAAF, ainsi que sur les sites des DRAAF. Le PNA a su se faire le vecteur d'une politique publique de l'alimentation nouvelle et ambitieuse, engageant des dynamiques positives autour de l'alimentation des français. Les ressources du PNA ne se limitent cependant pas à ses seules ressources budgétaires : il s'agit d'un programme partenarial, associant des acteurs publics, privés et associatifs et dans lequel l'État joue un rôle de catalyseur d'initiatives variées, mises en oeuvre à diverses échelles (nationale, régionale, locale). Dès lors, les crédits accordés ont principalement joué un rôle de levier, permettant de démultiplier les ressources nécessaires à la réalisation de ces actions. L'intérêt renouvelé pour l'ancrage territorial requiert la création de nouveaux processus et mécanismes de prise de décisions au regard de l'alimentation et encourage les parties prenantes du système alimentaire à participer activement à la mise en oeuvre des décisions au niveau local. Laissée à l'initiative des territoires, les « conseils alimentaires locaux » peuvent effectivement jouer un rôle de premier plan dans la durabilité des systèmes alimentaires territorialisés, mais devront s'articuler avec les arènes de discussions qui existent déjà à différents échelons territoriaux (parcs naturels régionaux, groupes d'actions locales...). A l'échelon régional, les DRAAF animent des espaces de concertation au travers des conseils régionaux de l'alimentation (CRALIM). Ce sont des lieux de mutualisation et d'échanges qui permettent de diffuser les bonnes pratiques et d'encourager les collectivités à s'investir sur la thématique fédératrice des projets alimentaires territoriaux. Ces CRALIM, présidés par les préfets de régions et réunissant l'ensemble des services de l'État, collectivités territoriales et la société civile, ont vocation à établir et piloter les plans régionaux pour l'alimentation, déclinaison opérationnelle du plan national pour l'alimentation en régions. Outre la mise en place d'un leadership, une bonne gouvernance alimentaire suppose de se doter d'outils d'analyse et de suivi tels que des observatoires. C'est pourquoi certaines régions, qui ont un rôle croissant dans l'élaboration et la mise en place des politiques publiques, se sont dotées, avec des crédits FEADER et le soutien des services déconcentrés de l'État, d'observatoires (régions Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Bretagne...). Ces derniers créent un environnement favorable à l'émergence d'alliances stratégiques et favorisent l'interconnaissance entre organismes. A l'échelle nationale, la mise en oeuvre du réseau rural est également source d'opportunités pour améliorer la connaissance, relayer les bonnes pratiques et permettre les échanges d'expériences entre porteurs de projets. L'observatoire des systèmes alimentaires durables, soutenu par l'association des régions de France et AgroParistech, grâce à un meilleur partage d'informations sur les alternatives naissantes et les outils disponibles, contribue là aussi à la construction de systèmes alimentaires durables en permettant aux collectivités territoriales d'accéder aux résultats de la recherche. Cet observatoire vise, par ailleurs, à alimenter un outil d'évaluation du progrès des collectivités dans l'intégration de l'alimentation durable dans leur projet de territoire. La relocalisation de l'alimentation s'inscrit tout naturellement dans la stratégie globale de développement territorial mise en oeuvre grâce à la mobilisation des ressources endogènes des territoires et l'articulation des différentes politiques. Le nouveau contexte issu de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt modifie le processus de construction des plans régionaux de l'agriculture durable et instaure leur élaboration conjointe par le préfet de région et le président du conseil régional. Ce sera l'occasion de rechercher l'adhésion de la collectivité régionale à la dimension alimentaire, et à sa déclinaison, et de prévoir dans les prochains programmes de développement rural des mesures et des moyens appropriés pour encourager et favoriser la relocalisation de l'alimentation et permettre la mise en place de formes durables de gouvernance territoriale en mobilisant et en renforçant les mesures basées sur des fonctionnements collectifs. La protection du foncier agricole et l'amélioration de son accès sont des enjeux majeurs dans la relocalisation de l'alimentation. Mais il ne peut y avoir de protection des espaces agricoles sans volonté et implication des collectivités locales qui ont la responsabilité de l'aménagement du territoire. Les services déconcentrés de l'État ont notamment pour rôle de promouvoir tous les dispositifs en vigueur permettant d'atteindre cet objectif de protection de foncier. Toutefois la mise en place d'outils de protection du sol agricole supérieure à ce que permet le plan local d'urbanisme, qui a été simplifiée dans la loi d'avenir également, relève dans le cas des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains de décisions départementales, et dans le cas des zones agricoles protégée de décisions communales ou intercommunales. Ces protections sont en effet particulièrement utiles lorsque la pression foncière est forte, cas dans lequel il est également nécessaire que l'intention politique soit particulièrement affirmée et durable. Divers moyens sont par ailleurs à la disposition des collectivités. Outre les possibilités d'agir en propre par acquisition, elles peuvent intervenir avec l'appui des organismes d'intervention foncière que sont les établissements publics fonciers ou les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Les services départementaux de l'État ont toutes les compétences pour conseiller les collectivités souhaitant engager un programme d'action dans ce domaine. Si le développement de projets en circuits courts ou de proximité n'est pas cité de manière expresse dans les missions d'intérêt général des SAFER précisées à l'article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime, les SAFER y participent par leurs rétrocessions. Le développement de tels projets s'inscrit de manière indirecte dans les opérations des SAFER en faveur de l'installation, de la consolidation d'exploitations, pour leur participation à la diversité des systèmes de production notamment ceux permettant de combiner la performance économique, environnementale et sociale ainsi que ceux relevant de l'agriculture biologique. Renforcée par ces dispositifs, la protection du foncier est accompagnée de pratiques agro-écologiques. La prise en compte de la valeur agronomique des sols a été introduite par l'article 25-VI-2° de la loi d'avenir précitée, et concerne les schémas de cohérence territoriale (SCOT). Toutefois, les effets d'une telle disposition ne pourront être évalués que dans plusieurs années, au fur et à mesure que ces schémas auront pu introduire cette protection à l'occasion soit de leur élaboration, soit de leur révision. Quant à réserver du terrain pour l'autosuffisance alimentaire, le SCOT s'est vu conféré un rôle croissant dans la protection des terres agricoles. Mais étant dépourvu de vocation économique, il ne peut pas être l'outil pertinent pour une politique visant à accroître l'autosuffisance alimentaire au niveau géographique où il a été élaboré. Si les collectivités locales restent les acteurs essentiels de toute démarche de protection des zones de captage, elles peuvent s'appuyer sur différents dispositifs comme le programme « Ambition BIO 2017 » qui prévoit de mener des actions pour développer l'agriculture biologique dans les zones à enjeux eau. L'agriculture biologique est considérée comme un levier privilégié pour une gestion préventive de la qualité de l'eau. Il s'agit tout d'abord de mobiliser un ensemble d'aides pour orienter la production agricole sur ces zones, en priorité vers l'agriculture biologique, en complémentarité avec d'autres systèmes favorables à la qualité de l'eau. L'objectif est de doubler les projets de développement de l'agriculture biologique sur les zones à enjeux eau. Au-delà de la protection du foncier, le ministère en charge de l'agriculture encourage les initiatives innovantes d'installations collectives et les achats de terrain par les fonds citoyens. C'est ainsi qu'il a reconnu récemment à l'association « Terre de Liens », la qualité d'organisme national à vocation agricole et rurale pouvant bénéficier des crédits du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CasDAR). Il semble ainsi que tous les éléments soient déjà en place pour que cette dynamique, qui démontre régulièrement son utilité en particulier pour l'installation de jeunes non issus du milieu agricole, perdure. La restauration collective joue un rôle important dans la relocalisation de l'alimentation. C'est un marché potentiel conséquent avec un fort pouvoir structurant pour l'économie locale qui peut constituer un formidable débouché pour les filières agricoles et alimentaires locales. De par l'importance de ses volumes, la restauration collective contribue à orienter les marchés alimentaires et agricoles. Ses choix en termes de produits, conditionnements et signes de qualité, impactent en partie l'offre en produits agricoles. Le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a engagé plusieurs actions depuis un an : en décembre 2014, le ministre publiait et diffusait auprès de tous les maires, présidents de conseil départemental et conseil régional, et de tous ses homologues du gouvernement, un guide juridique sur les possibilités offertes par le code des marchés publics pour favoriser l'approvisionnement en produits locaux dans la commande publique. En juillet 2015, le Gouvernement annonçait un travail d'ampleur sur l'ensemble des marchés relevant de la restauration collective de l'État pour mettre en oeuvre ces recommandations, en utilisant des clauses type en cours de rédaction par le MAAF et le service des achats de l'État. Deux nouveaux outils pour aider les acteurs dans leur démarche sont parus le 21 octobre 2015 : une brochure sur les soutiens financiers publics mobilisables pour développer un projet d'approvisionnement local, et un guide sur la constitution de plateformes collectives au service de l'approvisionnement local, issu d'un travail de concertation mené depuis fin 2013 avec les acteurs concernés. Les consommateurs veulent des garanties et des engagements, notamment pour tout ce qui touche à la santé, à la qualité et à l'origine des produits. C'est pourquoi de nombreuses mentions valorisantes existent, comme les signes officiels de la qualité et de l'origine qui bénéficient d'une forte notoriété, sans oublier les bannières régionales, les labels et marquages d'autres États membres. On assiste également au déploiement de logos relatifs à l'origine mis en place de manière volontaire par certaines filières tels que les logos « viandes de France » qui garantissent l'origine des produits. Les « petites fermes » représentent une importante réalité agricole et rurale dans l'Union européenne. Elles représentent une richesse en termes de multifonctionnalité, d'emplois, de maintien de la biodiversité, du paysage. Elles sont indispensables pour renforcer les relations entre la production et la consommation, pour relancer les logiques locales autour de l'enjeu alimentaire. Pour ce qui concerne les orientations de la politique agricole commune (PAC), tout au long de la négociation communautaire, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, s'est battu pour l'introduction d'une aide spécifique ciblée sur les petites et moyennes exploitations. Il s'agit d'une avancée très importante puisqu'elle introduit de fait, pour la première fois depuis qu'existe la PAC, une dégressivité des aides en fonction de la taille des exploitations. Il a obtenu qu'elle soit reprise par le Conseil des ministres de l'agriculture, ce qui était loin d'être acquis, et qu'elle figure dans l'accord final avec l'appui du Parlement européen. La réglementation européenne en matière d'hygiène et d'étiquetage nutritionnel est incontestablement une garantie du très haut niveau de qualité de l'alimentation. Il existe toutefois des dérogations aux règlements et des flexibilités possibles pour les petites exploitations. Des aménagements sont possibles dans la mesure où ils n'affectent pas la sécurité des aliments. Rien ne serait pire par ailleurs que de laisser penser que la sécurité sanitaire des produits issus des petites fermes est potentiellement moindre que pour le reste de la production. Sur un plan réglementaire national, des assouplissements ont été apportés (extension de la dérogation à l'agrément pour la transformation, facilitation des procédures d'agrément pour les petites structures via les dossiers types et les instructions sur la flexibilité) ou sont en passe de l'être (ateliers collectifs). Les activités hors agrément des petites structures d'abattage de volailles sont maintenues, avec extension des activités réalisées sur place. Dans un contexte, à la fois de simplification et d'aide au développement des circuits courts, des réflexions ont été engagées afin de définir les outils qui permettent de préciser, et de ce fait d'harmoniser, ces adaptations. A la suite des différents audits et études réalisés, l'objectif poursuivi au niveau national, concernant les outils d'abattage d'animaux de boucherie, est de favoriser l'émergence d'un réseau structuré d'abattoirs tenant compte à la fois des capacités des outils et des prévisions sur la production et la consommation. A cette fin, il a été décidé la mise en place de six commissions inter-régionales d'abattage, rassemblant l'ensemble des acteurs de la filière, pour impulser une réflexion sur la thématique de l'abattage à un niveau territorial pertinent. La création ou la pérennisation d'abattoirs de proximité, d'abattoirs multi-espèces ou d'ateliers de découpe devra donc se faire dans ce cadre. Concernant le soutien financier à ces projets, les entreprises peuvent se saisir des outils mis à leur disposition, notamment le soutien à l'investissement au travers de deux appels à projets du programme des investissements d'avenir ou encore des possibilités offertes par la mesure permettant le suramortissement des investissements productifs annoncée par le Premier ministre au printemps dernier. Les services déconcentrés de l'État en région, et notamment les DRAAF, sont mobilisés pour faire connaître ces opportunités et inciter les entreprises concernées à les saisir. Le dispositif législatif et réglementaire actuel est compatible avec l'existence d'abattoirs mobiles, ou tout autre projet innovant permettant de répondre à une demande d'augmentation ponctuelle de volumes d'animaux à abattre ou qui pourrait s'avérer adapté pour certaines zones difficiles. Toutefois, ces projets devront respecter les standards européens actuels en termes sanitaires, environnementaux et en termes de protection animale, afin de garantir un niveau élevé de sécurité sanitaire du consommateur, quel que soit le format de l'outil d'abattage. En France, aucun projet de ce type n'a été soumis aux experts de l'administration.