permis de conduire
Publication de la réponse au Journal Officiel du 7 juin 2016, page 5097
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le permis de conduire en ligne. Le premier septembre 2015, une start-up, déjà spécialisée dans l'apprentissage du code de la route en ligne, a lancé une nouvelle offre proposant un permis de conduire dématérialisé et à moindre coût. Cette formule, uniquement disponible dans la ville de Nantes actuellement, se veut jusqu'à 30 % moins chère que dans les auto-écoles classiques, grâce à une plateforme dématérialisée sur laquelle se rencontreraient les futurs élèves et des « bénévoles » formateurs. Bien que les tarifs proposés par celle-ci soient attractifs, et répondent en cela à une véritable demande (depuis des années les auto-écoles sont accusées de pratiquer des prix prohibitifs), ces nouvelles pratiques qualifiées « d'ubérisation » dans la presse ne manquent pas de soulever des questions légitimes. En effet, le système proposé par cette start-up contourne allègrement la réglementation d'une auto-école classique. Les moniteurs indépendants (sous le statut d'auto-entrepreneur), qui louent les services de leur véhicule pour une heure ou plus, ne dispensent pas officiellement de cours. L'entreprise consacre ainsi un type d'emplois ultra-précaires avec un vivier de bénévoles qui se succèderont auprès des élèves, emplois sévèrement qualifiés de « jetables » par le président de l'Union nationale des indépendants de la conduite. Non seulement cette start-up génère une concurrence proprement déloyale à l'encontre des auto-écoles classiques, sommées de respecter une réglementation plus contraignante (paiement de cotisations sociales et de la TVA), mais encore elles promeuvent un modèle « bénévole » pour l'enseignement de la sécurité routière qui pourrait se révéler dangereux. Alors même que la route constitue la première cause de mortalité chez les jeunes de 18-24 ans, on peut en effet douter que l'apprentissage du permis se limite au simple déplacement d'un véhicule. Même s'il faut reconnaître que le système d'apprentissage de la conduite peut être amélioré à certains égards, - la loi « Croissance et activité » avait d'ailleurs pour objet de réduire les délais et les coûts relatifs à l'examen du permis de conduire -, le modèle proposé par cette start-up semble donc loin d'être optimal. Pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, il attire donc son attention sur la nécessité de clarifier le statut de cette entreprise et des salariés qu'elle emploie. Il n'est pas acceptable qu'elle continue de contourner la loi en générant de possibles risques en termes de sécurité routière.
Réponse publiée le 7 juin 2016
L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière, constitue une activité réglementée dans les conditions définies par le code de la route : il ne peut être organisé que dans le cadre d'un établissement agréé, sous la responsabilité d'un exploitant responsable de la conformité du fonctionnement de l'établissement aux exigences réglementaires et de celle de l'enseignement au programme fixé par l'autorité administrative. Au sein de cet établissement, l'enseignement est dispensé par un enseignant de la conduite et de la sécurité routière titulaire d'une autorisation d'enseigner. Le non-respect de ces dispositions est passible de sanctions administratives mais également pénales, au titre des infractions définies respectivement par les articles L. 212-4 et L. 213-6 du code de la route. La loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques contient plusieurs mesures visant à moderniser les relations entre les élèves et les écoles de conduite, notamment la possibilité pour ces dernières de conclure des contrats sous une forme dématérialisée, sous réserve de la réalisation préalable d'une évaluation de l'élève par un enseignant dans le local ou dans un véhicule de l'établissement. En revanche, cette loi n'a pas modifié l'obligation précitée d'organisation de l'enseignement dans le cadre d'un établissement agréé. C'est au regard de ces dispositions que la légalité de l'activité des plates-formes dématérialisées apparues récemment dans le secteur de l'enseignement de la conduite doit être appréciée. A cet égard, de nombreuses interrogations ont été suscitées par le fonctionnement de certaines de ces plates-formes proposant à des candidats libres au permis de conduire une mise en relation avec des enseignants de la conduite censément bénévoles, mais louant un véhicule d'apprentissage à l'élève, la plate-forme se rémunérant par une commission perçue sur le prix de la location du véhicule. Or l'enseignement doit être considéré comme dispensé à titre onéreux dès lors qu'il fait l'objet d'une rémunération de la part de l'élève, quel que soit le système de tarification et quelle que soit la qualification donnée au versement. Ainsi, un tel schéma constitue un contournement de l'obligation de dispenser l'enseignement de la conduite à titre onéreux dans le cadre d'un établissement agréé. Deux décisions de justice l'ont confirmé, l'une rendue à l'encontre d'une plate-forme, la seconde concernant un enseignant. La principale société concernée a depuis cessé cette activité. Plus généralement, l'enseignement de la conduite, comme beaucoup d'autres secteurs, doit aujourd'hui faire face aux transformations de l'économie et à l'arrivée de nouveaux acteurs qui s'appuient notamment sur les nouvelles technologies, la mise en relation de l'offre et de la demande par des plate-formes dématérialisées et surtout le recours à des travailleurs non salariés. Certains de ces nouveaux acteurs ont obtenu l'agrément permettant légalement de commercialiser des prestations d'enseignement de la conduite, d'autres non. Attentif à ces évolutions et soucieux d'assurer le respect du droit et le maintien d'un encadrement effectif de l'apprentissage de la conduite, le ministre de l'intérieur a adressé une instruction le 25 mars dernier aux préfets de département, afin que soient diligentées des opérations de contrôle, en s'appuyant sur le fonctionnement du comité opérationnel anti-fraude (CODAF), présidé conjointement par le préfet et le procureur de la République. Ces opérations de contrôle cibleront d'une part les offres d'enseignement de la conduite à titre onéreux en dehors du cadre d'un établissement agréé et d'autre part le respect par les écoles de conduite titulaires d'un agrément de l'ensemble des obligations qui leur incombent, non seulement au titre de l'agrément délivré en application de l'article L. 213-1 du code de la route, mais également au regard du droit du travail s'agissant des relations avec les enseignants attachés à l'établissement.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 8 décembre 2015
Dates :
Question publiée le 22 septembre 2015
Réponse publiée le 7 juin 2016