14ème législature

Question N° 90370
de M. Patrice Carvalho (Gauche démocrate et républicaine - Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Finances et comptes publics
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > impôts locaux

Tête d'analyse > taxes foncières

Analyse > bateaux-logements. réglementation.

Question publiée au JO le : 20/10/2015 page : 7846
Réponse publiée au JO le : 08/03/2016 page : 2038

Texte de la question

M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur la fiscalité appliquée aux bateaux-logements. Elle se révèle en effet inégalitaire car les habitants concernés ne sont pas assujettis aux mêmes impositions sur le territoire national et la taxe foncière, qui leur est appliquée, est tout à fait contestable. L'utilisation à titre privatif du domaine public fluvial, autorisée par la convention d'occupation temporaire (COT), les rend redevables d'une redevance annuelle, ce qui n'est pas critiquable. Ne l'est pas non plus leur assujettissement à la taxe d'habitation, dès lors qu'ils bénéficient des équipements et des services de la collectivité où ils résident. En revanche, la taxe foncière, qui leur est appliquée, est beaucoup plus sujette à caution. L'article 1380 du code général des impôts (CGI) dispose que « la taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France [...] ». Cette définition limite donc le champ d'application de cette taxe aux biens immeubles par nature ou par destination, dont l'emprise foncière se trouve sur le territoire national. Les biens immeubles, par destination, sont ceux qui sont fixés au sol à perpétuelle demeure. Tel n'est pas le cas, par exemple, d'un mobile-home, d'un camping-car, qui serait installé sur un terrain, sans scellement et qui garderait sa capacité mobile. Le Conseil d'État a même jugé qu'il en était de même des kiosques à journaux ou des kiosques à fleurs installés sur des voies publiques. Les bateaux-logements relèvent des mêmes caractéristiques. Ils occupent le domaine public de manière précaire sans aucun scellement. Leurs amarres sont toujours amovibles et, par leur nature, ils restent mobiles. D'ailleurs la COT, signée par chaque propriétaire, prévoit que les voies navigables de France se réservent le droit de déplacer le bateau à un autre emplacement en cas de besoin. En outre les bateaux constituent des biens meubles selon l'article 531 du code civil, n'ont aucune emprise foncière, occupent un espace sur un fleuve ou un canal, le long de la berge et non une parcelle cadastrée, fondement de la taxe foncière. Ainsi l'application de l'article 1380 du CGI devrait exclure de la taxe foncière les bateaux-logements de son assiette. Pourtant l'article 1381 du CGI établit que sont néanmoins soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâtis « les bateaux utilisés en un point fixe et aménagés pour l'habitation [...] même s'ils sont seulement retenus par les amarres ». Cette disposition, en parfaite contradiction avec la définition de la taxe, figure en réalité dans notre législation depuis le début du siècle dernier et visait les bateaux-lavoirs et les rares habitants sur l'eau, qui bénéficiaient alors d'une concession de nature emphytéotique, donnant à leur occupation un caractère permanent et irrévocable. Aujourd'hui les bateaux-logements, par la convention d'occupation temporaire du domaine public, bénéficient d'un droit personnel et incessible, précaire car valable uniquement 5 ans, renouvelable mais révocable à tout moment par l'administration. Pour toutes ces raisons il serait nécessaire d'abroger le 3° de l'article 1381 du CGI. Il existe par ailleurs une directive interne CD6C113 permettant l'exonération de la taxe foncière pour les bateaux pouvant prouver leur mobilité mais les critères de jugement de cette mobilité sont laissés à l'appréciation de chaque centre des impôts et aboutissent à une inégalité de traitement sur le territoire national, ce qui est constitutionnellement inacceptable. Ainsi des propriétaires de bateaux ne s'acquittent ni de la taxe foncière, ni de la taxe d'habitation, d'autres étant assujettis aux deux et certains uniquement à la taxe d'habitation. Il souhaite savoir s'il est prêt à réformer le CGI et à mettre fin à ces situations d'inégalités.

Texte de la réponse

La redevance annuelle acquittée par les propriétaires de bateaux logements en contrepartie de l'occupation privative du domaine public fluvial n'a pas le même objet que la taxe foncière sur les propriétés bâties qui revêt le caractère d'une imposition perçue au profit des communes, de leurs groupements et des départements. A cet égard, conformément au 3° de l'article 1381 du code général des impôts, les bateaux utilisés en un point fixe et aménagés pour l'habitation, le commerce ou l'industrie sont imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties, même s'ils sont seulement retenus par des amarres. En précisant qu'un bateau immatriculé sur les registres de l'inscription maritime et affecté à l'habitation permanente de son propriétaire ne saurait être imposé à la taxe foncière dès lors qu'en état de naviguer, il ne serait pas utilisé en un point fixe nonobstant le fait que ses déplacements seraient peu fréquents, la doctrine administrative aujourd'hui publiée au Bulletin officiel des finances publiques-impôts sous les références no BOI-IF-TFB-10-10-30 se contente de tirer les conséquences des dispositions légales, sans y ajouter. L'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties des bateaux logements résulte en effet d'une appréciation, par le service des impôts, des circonstances de fait propres à chaque affaire, sous le contrôle du juge de l'impôt. Le Conseil d'Etat (CE) a notamment jugé qu'était imposable un pavillon flottant qui demeure amarré au quai d'un port et qui a été construit et aménagé, non en vue de naviguer, mais pour servir aux réunions des membres d'une société (CE, 8 juillet 1908, société nautique de Marseille).  De même, une péniche à usage d'habitation amarrée sur un canal alors même qu'elle a été déplacée à la demande du service de la navigation pour permettre la réalisation de travaux est imposable, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle a effectué d'autres déplacements (Cour administrative d'appel de Nancy, 18 décembre 2003, Hoffarth). Pour ces raisons, et aussi parce qu'elle priverait les collectivités territoriales d'une ressource ou transférerait la charge fiscale sur les autres redevables de cet impôt, une mesure générale d'exonération des bateaux logements de la taxe foncière sur les propriétés bâties n'est pas envisagée.