agriculture
Publication de la réponse au Journal Officiel du 15 novembre 2016, page 9400
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget sur le régime d'imposition à la TVA en matière agricole. En commission des finances le mercredi 7 octobre 2015, l'amendement n° 146 de M. Hervé Féron a été présenté comme un amendement d'appel visant à exonérer les éleveurs du paiement de la TVA sur les ventes d'animaux et de produits d'animaux réalisées en 2015 et en 2016. Si Mme la rapporteure générale a dit qu'elle partageait l'objectif de cet amendement, elle a pourtant fait remarquer qu'il risquait de poser problème au regard de la conformité aux règles de l'Union européenne. En effet, si la directive 2006/112/CE dite « directive TVA » prévoit une liste de produits à taux de TVA réduit et une liste d'exonération totale (aux articles 132, 135 et 136 de la directive), les ventes d'animaux et de produits d'animaux n'en font pas partie. Si les éleveurs étaient effectivement exonérés du paiement de la TVA pendant deux années, il serait ainsi possible que l'Europe leur demande a posteriori de rembourser les sommes économisées, ce qui aurait des effets catastrophiques pour le secteur. M. Hervé Féron, qui a pris bonne note des remarques de Mme la rapporteure générale, souhaiterait toutefois porter à l'attention de M. le secrétaire d'État les éléments suivants. La directive TVA évoquée ci-dessus permet aux États-membres de mettre en œuvre un régime forfaitaire pour les exploitations agricoles pour lesquelles l'assujettissement au taux normal de TVA se heurterait à des difficultés. C'est le cas de 16 % des exploitations agricoles en France. Mais en Allemagne, le régime forfaitaire s'applique non seulement aux petites mais également aux grandes exploitations, ce qui confèrerait aux entreprises un avantage compétitif certain (selon une étude de l'OCDE intitulée Taxation and social security in agriculture 2005). En Allemagne, 90 % des agriculteurs bénéficieraient ainsi de ce remboursement forfaitaire spécial, ce qui équivaudrait à une subvention indirecte à l'agriculture allemande. Néanmoins, nous disposons actuellement de peu de chiffres pour juger précisément de l'existence ou de l'ampleur d'un tel avantage concurrentiel. À une question posée par une eurodéputée en avril 2013, le commissaire européen à l'Union douanière de l'époque assurait que les services de la Commission européenne avaient été saisis d'une plainte concernant l'application en Allemagne de ce régime commun forfaitaire. Selon lui, si une incompatibilité avec le droit de l'Union européenne était constatée, la Commission devait, « en tant que gardienne des traités », prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect du droit européen. Néanmoins, deux ans après, nous ne disposons toujours pas de la réponse de la Commission européenne. Il souhaiterait donc savoir si elle a finalement considéré que la législation allemande est contraire à la directive TVA. Si cela était le cas, il voudrait connaître les mesures qui pourraient être mises en œuvre pour rétablir une équité fiscale pour les entreprises allemandes et dans le reste de l'Union européenne.
Réponse publiée le 15 novembre 2016
La directive no 2006/112/CE, dite « directive TVA », prévoit, à ses articles 295 et suivants, la possibilité pour les États membres d'appliquer aux producteurs agricoles, pour lesquels l'assujettissement au régime normal ou simplifié de la TVA se heurte à des difficultés, un régime forfaitaire visant à compenser la charge de TVA payée sur leurs achats. Cette directive offre la possibilité d'un versement de la compensation directement au producteur par les pouvoirs publics ou indirectement par l'acquéreur ou le preneur, client du producteur, qui peut ensuite obtenir le versement de la compensation versée. Les pourcentages forfaitaires de compensations doivent être déterminés à partir de données macroéconomiques relatives aux producteurs sous ce régime et ne pas conduire à des remboursements globalement supérieurs aux charges de TVA d'amont supportées. Ces pourcentages, qui peuvent être différenciés par sous-branches de l'agriculture, doivent être notifiés à la commission avant leur mise en application. Les taux ainsi retenus ne peuvent constituer des subventions. En France, la compensation est directe. Le régime du remboursement forfaitaire agricole (RFA) est prévu aux articles 298 bis à 298 quinquies du code général des impôts (CGI). C'est le régime de droit commun des exploitants agricoles qui peuvent cependant en être exclus, notamment lorsque leur activité présente un caractère industriel ou commercial, ou lorsque les recettes de leurs exploitations dépassent, en moyenne sur deux années consécutives, 46 000 €. Pour les opérations qu'il réalise et qui sont situées dans le champ du RFA, l'exploitant agricole ne facture pas de TVA, mais bénéficiera du remboursement forfaitaire par l'État, représentatif en moyenne de la charge de TVA supportée en amont. Il existe en France deux taux de remboursement, en fonction de la nature des produits : 5,59 % (lait, animaux de basse-cour, œufs, animaux de boucherie et de charcuterie définis par décret, céréales, graines oléagineuses et protéagineux) et 4,43 % pour les autres produits. En Allemagne, le régime est certes ouvert plus largement aux exploitants agricoles et le principe retenu est celui d'une facturation par les exploitants avec une compensation qu'ils ne reversent pas au Trésor, à un taux unique pour les produits agricoles, cette compensation étant ensuite remboursée à leurs clients. La compensation est donc indirecte. In fine, que le remboursement à l'exploitant se fasse de manière directe ou non, les systèmes sont équivalents dès lors que les taux de remboursement ne peuvent, sans enfreindre la directive TVA, conduire en moyenne à une surcompensation de la charge de TVA supportée en amont. Enfin, concernant la plainte déposée en 2013 contre l'application faite par l'Allemagne de ce régime, les autorités françaises n'ont pas été informées des suites que la Commission européenne lui a réservées.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Tva
Ministère interrogé : Budget
Ministère répondant : Budget et comptes publics
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 10 mai 2016
Dates :
Question publiée le 20 octobre 2015
Réponse publiée le 15 novembre 2016