14ème législature

Question N° 904
de M. Gérald Darmanin (Union pour un Mouvement Populaire - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture et communication
Ministère attributaire > Culture et communication

Rubrique > enseignements artistiques

Tête d'analyse > conservatoires

Analyse > financement. subventions de l'État. perspectives.

Question publiée au JO le : 03/02/2015 page : 624
Réponse publiée au JO le : 11/02/2015 page : 1294

Texte de la question

M. Gérald Darmanin alerte Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'arrêt des subventions attribuées par l'État aux conservatoires. L'État a décidé de ne plus subventionner en 2015 les conservatoires de musique, hormis ceux qui sont adossés à un projet de pôle d'enseignement supérieur. Cette décision pénalise très fortement de nombreux conservatoires, comme celui de Tourcoing, qui a pourtant deux-cents ans d'expérience, et risque d'entraîner la fermeture d'un grand nombre d'entre eux. Les conservatoires, comme celui de Tourcoing qui accueille près de 1 000 élèves, propose à tous un enseignement de la musique et de la danse de qualité. C'est également le lieu d'une réelle mixité sociale, qui rend l'excellence accessible à tous. Alors que le Gouvernement affiche sa volonté de rendre la culture accessible à tous, cet arrêt des subventions va éloigner encore davantage certains publics des activités culturelles que sont la musique ou la danse. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir envisager un maintien des subventions pour les conservatoires les plus en difficulté financièrement.

Texte de la réponse

ARRÊT DES SUBVENTIONS DE L'ÉTAT AUX CONSERVATOIRES


M. le président. Nous en venons à présent à la question de M. Gérald Darmanin, n°  904, relative à l'arrêt des subventions de l'État aux conservatoires. Mme Lemaire devait y répondre, mais cette question étant très éloignée du numérique, Mme Boistard accepte d'y répondre à sa place. Cette précision vise à expliquer aux députés inscrits sur la liste avant M. Darmanin qu'ils ne sont pas oubliés.

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Gérald Darmanin. Madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication, concerne la suppression par le Gouvernement des subventions aux conservatoires à rayonnement départemental des villes, voisines, de Tourcoing et de Roubaix.

Voilà plus de deux cents ans que le conservatoire de Tourcoing accueille des élèves. Il en compte aujourd'hui 945, dont deux tiers sont des petits Tourquennois ; il en va de même pour la ville voisine Roubaix.

L'année dernière, par exemple, plus de 4 239 enfants de 156 classes dans 24 écoles ont été touchés par une action de programme musical grâce au conservatoire.

Quelle n'a pas été ma surprise lorsque la directrice régionale des affaires culturelles m'a indiqué, voilà quelques semaines, que l'État ne subventionnerait plus du tout les conservatoires en 2015, donc dès l'exercice budgétaire de cette année, hormis celui de Lille, une décision qui découle d'un arbitrage national…

Bien sûr, la loi de décentralisation de 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, a prévu que les conservatoires ne rentraient plus dans le champ des compétences obligatoires de l'État. Cependant, contrairement aux engagements pris par le législateur et le Gouvernement, les rôles respectifs des acteurs n'ont jamais été définis et les transferts de crédits initialement prévus en direction des régions et des départements n'ont pas pu être effectués, alors que les sommes en jeu représentent plus de 28 millions d'euros en valeur de 2005.

La subvention annuelle de l'État au conservatoire de Tourcoing représentait encore, en 2012, 204 000 euros.

En 2014, avec la suppression de la dotation d'État à notre conservatoire, celui-ci a perdu 10 % de son budget.

Quand on sait que 25 % des habitants de Roubaix et de Tourcoing vivent sous le seuil de pauvreté ; quand on sait que ces communes, quelles que soient les majorités au pouvoir, ont toujours essayé de favoriser l'ouverture musicale et culturelle, on ne peut que déplorer le choix du Gouvernement de supprimer leurs subventions pour maintenir celles de Lille. Vous portez là un coup de canif à la médiation culturelle et à la culture dans notre ville.

Madame la secrétaire d'État, puisque ce choix est le fruit d'un arbitrage, en attendant que les transferts de fonds prévus par la loi de 2004 aient bien lieu, nous vous demandons de surseoir à cette décision, afin d'aider les communes de Tourcoing et de Roubaix à continuer de faire de la médiation culturelle en faveur des plus démunis, en faveur de tous les enfants des écoles publiques et privées et, tout simplement, des Tourquennois et des Roubaisiens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur le député Gérald Darmanin, le ministère de la culture et de la communication continue de recentrer son action sur ses missions d'expertise et d'évaluation en matière d'enseignements artistiques spécialisés, ainsi que sur le pilotage de l'enseignement supérieur culturel. Ce recentrage se traduit par le développement des crédits alloués aux conservatoires à rayonnement régional et à rayonnement départemental. Les crédits destinés aux conservatoires passent de 15 millions à 5,5 millions d'euros.

Permettez-moi, monsieur le député, de vous rappeler quelques éléments de contexte. La loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, fixe la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État, et précise l'organisation territoriale des enseignements artistiques spécialisés dans les domaines du spectacle vivant. Cette organisation est claire : l'État a la charge du classement et du contrôle pédagogique ; les communes et leurs groupements sont responsables de la mise en œuvre des formations ; les départements doivent concevoir des schémas d'égal accès aux formations sur leur territoire ; les régions, enfin, sont compétentes pour les cycles d'enseignement professionnel initial, conduisant à la délivrance par l'État du diplôme national d'orientation professionnelle permettant l'orientation vers l'enseignement supérieur.

Le fait que la loi du 13 août 2004 ne soit pas appliquée conduit l'État à recentrer son action autour de ses compétences légales et réglementaires, ainsi qu'à réformer et structurer son enseignement supérieur. Le point de départ, monsieur le député, c'est donc bien la loi de 2004, dont il ne me semble pas que ce Gouvernement soit responsable.

Pour répondre plus précisément à votre question, la diminution des dotations de fonctionnement des conservatoires à rayonnement régional ou départemental n'a pas vocation à remettre en cause l'existence de ces établissements, en réalité peu financés par l'État. En revanche, les conservatoires sont désormais éligibles aux crédits de l'éducation artistique et culturelle. Le soutien financier de l'État continue à se porter sur les crédits déconcentrés du programme 224 consacrés aux conservatoires intégrés dans des pôles d'enseignement supérieur, à hauteur de 4,4 millions d'euros. Les aides individuelles sous conditions de ressources sont également maintenues, à hauteur de 1,1 million d'euros.

Monsieur le député, le Gouvernement assume ses choix en matière culturelle et budgétaire. L'évolution des dotations de fonctionnement accordées aux communes pour les CRR et CRD s'inscrit dans le mouvement de recentrage assumé de l'action de l'État sur l'enseignement supérieur. Ce recentrage est un choix politique, tout comme celui de mieux reconnaître et de renforcer les actions développées en matière d'éducation artistique et culturelle.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. On ne peut évidemment pas se satisfaire de votre réponse, madame la secrétaire d'État. C'est bien vous qui êtes chargés de l'application de la loi. Vous regrettez qu'elle ne soit pas appliquée, mais c'est à vous d'y veiller et cela fait deux ans que vous êtes aux affaires !

Le transfert des 28 millions d'euros aux collectivités n'a toujours pas eu lieu et vous faites le choix de sacrifier les écoles populaires, les écoles des villes qui sont déjà en difficulté. Ce choix est tout à fait contradictoire avec le discours tenu par le Premier ministre à la suite des événements tragiques que nous avons connus. Vous sacrifiez Tourcoing et Roubaix au profit de Lille et de l'enseignement supérieur. Comprenne qui pourra !