14ème législature

Question N° 92202
de Mme Laure de La Raudière (Les Républicains - Eure-et-Loir )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Environnement, énergie et mer

Rubrique > cours d'eau, étangs et lacs

Tête d'analyse > aménagement et protection

Analyse > rivières. continuité écologique. directive européenne.

Question publiée au JO le : 29/12/2015 page : 10667
Réponse publiée au JO le : 23/08/2016 page : 7519
Date de changement d'attribution: 12/02/2016

Texte de la question

Mme Laure de La Raudière interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'impact de l'application du principe de continuité écologique. En effet, la loi LEMA promulguée en 2006 avait comme objectif de se donner les outils en vue d'atteindre en 2015 l'objectif de « bon état » des eaux fixé par la directive cadre sur l'eau (DCE). La France a alors décidé de classer une grande partie de ses cours d'eau en liste 2 de l'article 214-17 du code de l'environnement. Aujourd'hui, un constat doit être fait. 10 000 à 20 000 seuils de barrages sont soit menacés de destruction sur fonds publics, soit ils seront menacés par l'obligation de mise en place d'équipement par dispositif de franchissement (passes à poisson ou rivière de contournement) qui représentent des dépenses que les propriétaires qu'ils soient privés ou publics ne peuvent se permettre. L'application aveugle, précipitée et désordonnée de ce principe posé par la loi LEMA a non seulement des conséquences graves sur la perte du potentiel hydroélectrique, mais cette façon de procéder détruit le patrimoine hydraulique qui est pourtant le vivier de notre modèle touristique économique en territoire rural. Avec ces observations, il paraît important d'analyser l'efficacité réelle du principe de continuité écologique sur la qualité des milieux, mais il faut aussi assurer la faisabilité de ce principe pour les maîtres d'ouvrages, tout en maîtrisant l'efficience des dépenses publiques. Il serait sans doute souhaitable de revoir les décrets d'application de la loi LEMA pour tenir compte de tous ces constats. Aussi, elle l'interroge sur les résolutions qu'elle compte prendre pour résoudre cette difficulté et propose la mise en place d'un moratoire.

Texte de la réponse

La continuité écologique des cours d'eau constitue l'un des objectifs fixés par la directive Cadre sur l'eau. Elle est indispensable à la circulation des espèces mais également des sédiments. La conciliation entre ce principe et l'existence de moulins, dont l'aspect patrimonial de certains est indéniable, est cependant un autre objectif à atteindre. Ainsi, afin de pouvoir appréhender au mieux la situation actuelle, l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) a établi un inventaire des obstacles à l'écoulement de toutes sortes (barrages, buses, radiers de pont, etc.). Celui-ci recense plus de 80 000 obstacles. Parmi ceux-ci, un premier ordre de grandeur de 18 000 obstacles dont le nom contient le mot « moulin » peut être tiré. Moins de 6 000 d'entre eux se situent sur des cours d'eau où s'impose une obligation de restauration de la continuité écologique. Enfin, une partie d'entre eux sont de fait partiellement ou totalement détruits et d'autres sont déjà aménagés d'une passe-à-poissons ou correctement gérés et ne nécessitent pas d'aménagement supplémentaire. Ainsi, il apparait important d'indiquer que la politique de restauration de la continuité écologique ne vise pas la destruction de moulins. En effet, cette politique se fonde systématiquement sur une étude au cas par cas de toutes les solutions envisageables sur la base d'une analyse des différents enjeux concernés incluant l'usage qui est fait des ouvrages voire leur éventuelle dimension patrimoniale. Cette approche correspond à l'esprit des textes règlementaires sur le sujet, aucun n'ayant jamais prôné la destruction des seuils de moulins. Pour atteindre le bon état écologique et respecter les engagements de la France en matière de restauration des populations de poissons amphihalins vivant alternativement en eau douce et en eau salée, tels que le saumon, l'anguille ou l'alose, il est indispensable de mettre en œuvre des solutions de réduction des effets du cumul des ouvrages sur un même linéaire. C'est pourquoi, la politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau se fonde également sur la nécessité de supprimer certains ouvrages, particulièrement ceux qui sont inutiles et/ou abandonnés. Ce point ne concerne ni ne vise spécifiquement les seuils de moulins. Les moulins entretenus, utilisés ou ayant une dimension patrimoniale d'intérêt, ne sont en aucun cas mis en danger par la politique de restauration de la continuité écologique. Compte tenu des nombreuses réactions, notamment des fédérations de propriétaires de moulins et d'élus, dues surtout à des incompréhensions de cette politique, une instruction a été donnée le 9 décembre 2015 aux préfets afin qu'ils ne concentrent pas leurs efforts sur ces ouvrages chargés de cette dimension patrimoniale. Cette instruction les invite également à prendre des initiatives pédagogiques à partir des multiples situations de rétablissement de la continuité réalisées à la satisfaction de tous, y compris sur les moulins. Le groupe de travail organisé par le ministère de la culture et de la communication, dont le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer fait partie, ainsi que la mission du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), devrait permettre d'affiner la connaissance sur le nombre de seuils de moulins véritablement concernés. Il devrait proposer également des pistes pour renforcer la concertation locale et la prise en compte adaptée de la dimension patrimoniale des moulins dans le cadre d'une diversité de solutions de conciliation avec l'enjeu de restauration de la continuité écologique des cours d'eau.