droits d'auteur
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le projet européen de réforme du droit d'auteur. Présentée en mai 2015 par le commissaire en charge du numérique Günther Oettinger, la stratégie de Bruxelles pour un marché unique du numérique va semble-t-il débuter par la limitation des pratiques de « géoblocage », qui empêchent actuellement les Européens en séjour dans un autre pays d'avoir accès aux mêmes contenus en ligne que dans leur pays d'origine. En d'autres termes, la grande réforme que beaucoup appellent de leurs vœux et qui doit mettre fin aux pratiques de piratage, forcer les services comme Google Actualités à payer les éditeurs de presse, ou encore assurer un meilleur partage des revenus réalisés sur les plateformes de streaming, va débuter avec un objectif aussi mineur que celui de permettre aux européens l'accès aux matchs de foot de leurs pays ! Mais, et c'est beaucoup plus grave, sous prétexte de faciliter la diffusion des œuvres, on risque de porter aveuglément atteinte au principe de territorialité des droits, garant du financement dont ont besoin les créateurs pour réaliser leurs œuvres. En effet, dans ce projet trop flou de règlement envisagé par la Commission européenne, deux problèmes sont identifiés : d'une part, l'obligation de « portabilité » n'est pas limitée dans le temps, ce qui laisse planer le risque de voir se développer de nouvelles pratiques déloyales au détriment des opérateurs vertueux. À titre d'exemple, une personne pourrait acquérir des droits de transmission à Malte pour du football anglais. Le deuxième problème réside dans l'absence de définition des critères permettant d'établir avec certitude le pays de résidence des utilisateurs, ou ce qu'est un séjour temporaire à l'étranger, ce qui pourra donner lieu aux mêmes abus. Il est donc nécessaire de préciser ces deux points majeurs du règlement, afin de rassurer les réalisateurs et les associations de l'industrie cinématographique qui craignent que l'on revienne sur le principe de territorialité. Est-il encore nécessaire de rappeler que le droit d'auteur n'est pas un frein à la diffusion des œuvres, mais qu'au contraire, c'est une condition nécessaire à la survie des industries culturelles dont les singularités locales ne peuvent que souffrir d'un marché unique numérique inventé dans la précipitation au bénéfice des géants américains du net ? Selon le premier « panorama des industries culturelles et créatives », réalisé par le cabinet EY sous le haut-patronage du Président de la République, les industries culturelles et créatives représenteraient 8 millions d'emplois directs en Europe, soit environ 4 % du PIB communautaire. Au niveau mondial, leur poids serait même estimé à plus de 2 700 milliards de dollars, soit 6 % du PIB mondial et 3,5 % du commerce mondial total. Si le cinéma européen est primé dans tous les grands festivals mondiaux, c'est grâce à son système de financement qui permet aux grands auteurs du monde entier de faire leurs films les plus personnels. Avec la suppression du principe de territorialité des droits, seuls les mastodontes commerciaux pourraient supporter la baisse des financements des films, alors même que le cinéma d'auteur représente plus de la moitié des films européens. Il s'agit de mettre le numérique au service de la culture et non la culture au service du numérique, en ne cédant pas aux lobbies qui prônent la suppression de la territorialité des droits comme ils réclament la fin du système de la copie privée, système qui a pourtant fait ses preuves. À cette fin, il lui demande si le Gouvernement pourrait faire en sorte de préciser les points du règlement qui demeurent flous et mal définis afin d'éviter les abus précités. Il souhaite obtenir confirmation de sa part que tout sera mis en œuvre à cette fin.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Culture
Date :
Question publiée le 29 décembre 2015
Date de cloture :
20 juin 2017
Fin de mandat