commerce
Publication de la réponse au Journal Officiel du 3 mai 2016, page 3740
Question de :
M. Jacques Cresta
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jacques Cresta attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la régulation des zones commerciales dans nos territoires. En effet il a eu à plusieurs occasions l'opportunité de faire état de son inquiétude concernant la multiplication et l'extension des zones commerciales sur de nombreux territoires et tout particulièrement sur celui des Pyrénées-Orientales. Cette « course » à la multiplication des zones de chalandises en périphérie des zones urbaines et des centres bourgs ont des incidences en termes d'emplois, de maillage territorial de services et de lien social dramatiques pour nos territoires. Le département des Pyrénées-Orientales, pourtant l'un des plus pauvres de la métropole, a vu l'installation de plus de 300 000 m² de zones commerciales ces trois dernières années, captant de plus en plus de consommateurs. Dans le même temps, de nombreux commerces de centre-ville cessent leur activité par manque de clientèle, contribuant à la dégradation et à la paupérisation de nos centres-villes et de nos quartiers. Sur cette même période, et selon une étude menée par la chambre de commerce et d'industrie, plus de 20 % des commerces du centre-ville ont baissé rideau chaque année. Aujourd'hui, un quart des commerces du centre-ville de Perpignan ont fermé, mais cet état de fait est valable sur de nombreux villages aux alentours de l'agglomération Perpignanaise. Cette concurrence exacerbée a des incidences directes sur l'emploi, avec une baisse de 10 % des salariés sur les sept dernières années. Elle fragilise la viabilité des commerces restants, qui voient leur chiffre d'affaires diminuer d'un tiers sur la même période. Cette prolifération des zones commerciales a une autre conséquence : elles sont de plus en plus nombreuses à être laissées en friche, les enseignes se déplaçant vers d'autres zones commerciales nouvellement créées. Le Gouvernement, conscient de ce phénomène, a d'ailleurs prévu la possibilité de transformer ces locaux commerciaux en zone d'habitat. De plus à cette concurrence des centres commerciaux, les commerces de proximité doivent faire face à la concurrence des achats dématérialisés. Malgré tout cela permettait à certains commerces de proximité d'avoir un complètement de revenu en étant des points relais. Sauf qu'aujourd'hui de grands opérateurs, comme Amazone par exemple, s'implante et ouvre des locaux. Ces difficultés proviennent, pour partie, d'une absence de régulation. Celle-ci est encore plus manifeste depuis que les professionnels ne sont plus présents au sein des commissions départementales d'aménagement commercial, les CDAC, où, désormais, seuls siègent des élus. De fait, l'aménagement de zones commerciales est effectué au coup par coup, sans vision territoriale et engendre des problèmes sociaux et économiques de plus en plus lourds ; il entraîne une désertification et une paupérisation accrue des centres-villes, et l'équivalent de nombreux plans sociaux en termes d'emplois sur des territoires durement touchés par le chômage. En conséquence, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement afin de mieux maîtriser et encadrer ces extensions démesurées et non régulées de zones commerciales.
Réponse publiée le 3 mai 2016
La législation relative à l'aménagement commercial s'inscrit dans le respect de la liberté d'entreprendre, qui a valeur constitutionnelle. Ainsi, l'autorisation d'exploitation commerciale (AEC) demeure le principe, et le refus reste l'exception. C'est dans ce cadre que l'aménagement commercial est réglementé depuis plus de 40 ans, et qu'il a été régulièrement réformé afin de l'adapter aux autres réglementations en vigueur, notamment européenne, et à l'évolution des modes de consommation et des concepts commerciaux. Ainsi, la réforme de 2008, portée par la « LME » (loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008), a permis de mettre le droit français de l'aménagement commercial en conformité avec le droit européen, et notamment la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 dite « services », et de mettre un terme à une procédure contentieuse engagée contre la France. En effet, cette directive interdit tout « test économique » et toute « intervention directe ou indirecte d'opérateurs concurrents, y compris au sein d'organes consultatifs, dans l'octroi d'autorisations… ». La composition des commissions départementales d'équipement commercial (CDEC), devenues alors commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), a été modifiée en conséquence. Dans ces conditions, il n'est pas envisageable de réintroduire en CDAC quelque opérateur économique que ce soit, pas même des représentants des chambres de commerce et d'industrie. De nouvelles réformes ont par ailleurs été conduites au cours des deux dernières années. La loi « ALUR » du 24 mars 2014 a conduit à étendre le champ d'application de la réglementation, et la loi « ACTPE » du 18 juin 2014a permis de préciser les critères d'appréciation des projets soumis à autorisation et à renforcer le pouvoir de la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC). Désormais, les « drive », dont la prolifération pouvait apparaître anarchique au regard de l'aménagement du territoire, sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale (AEC), et la cessation d'une exploitation commerciale bénéficiaire d'une AEC emporte, sous conditions de délai notamment, obligation de démantèlement et de remise en état du site (article L. 752-1du code de commerce). Par ailleurs, la composition des commissions départementales a été modifiée (article L. 751-6) pour faire passer de 3 à 4 le nombre des personnalités qualifiées qui y siègent du fait de leurs compétences en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs, et pour augmenter le nombre des élus afin d'assurer un compromis entre la nécessaire appréciation locale des projets présentés et le souci de leur porter un regard plus global. La CNAC a désormais de la faculté de s'autosaisir des projets les plus importants (supérieurs à 20 000 m2 de surface de vente), qu'elle peut ainsi examiner alors même que, contre toute attente, leur autorisation n'aurait fait l'objet d'aucun recours (article L. 752-17 V). De plus, les critères relatifs aux objectifs légaux que constituent, depuis 2008, l'aménagement du territoire, le développement durable et la protection des consommateurs ont été précisés (article L. 752-6), rappelant par là-même que les projets soumis à AEC n'ont pas, par nature, vocation à s'implanter (nécessairement) en dehors des quartiers ou des centres-villes. L'exercice du droit de préemption, introduit au code de l'urbanisme en 2005, relève lui du pouvoir de gestion des communes et de leurs groupements. L'élaboration et la révision des SCoT, dans le cadre desquels se décide notamment l'aménagement de zones commerciales, relèvent également des collectivités locales. La loi ACTPE a renforcé ce droit de préemption, au travers des contrats de revitalisation commerciale notamment. Enfin, il convient de souligner qu'en février dernier, conjointement avec la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, la secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, a confié une mission sur la revitalisation commerciale des centres-villes à l'Inspection générale des finances et au Conseil général de l'environnement et du développement durable. Cette mission, dont les conclusions sont attendues d'ici juin, est chargée d'identifier les raisons de la dévitalisation commerciale, d'évaluer les outils existants et de formuler des propositions.
Auteur : M. Jacques Cresta
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique
Ministère répondant : Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 29 mars 2016
Dates :
Question publiée le 19 janvier 2016
Réponse publiée le 3 mai 2016